Vers une contribution du secteur minier au développement durable ?

D’après une étude récente de la Banque africaine de développement, plus de 50% des pays d’Afrique sub-saharienne exportent les produits minéraux les plus utilisés dans le monde. Pour certains d’entre eux comme le Botswana, la RDC, le Gabon, la Guinée, la Sierra Leone, le Soudan, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, la Namibie et la Zambie, l’exportation des minerais représentent jusqu’à 50% des recettes des exportations.

Le secteur des industries extractives suscite un engouement de plus en plus grand depuis l’augmentation vertigineuse des prix des matières premières amorcée entre 2002 et 2003. Cette embellie des prix a engendré une série de réformes dont la pertinence et l’impact durable sur le développement socio-économique des pays concernés est certes appréciable, mais reste perfectible.

Réformes des Codes Miniers et impact socio-économique

Les codes miniers présentent la politique que les pays hôtes souhaitent adopter pour attirer les investissements et ceux-ci sont reformés selon l’évolution du marché mondial des matières premières et les intérêts relatifs des sociétés minières privées et des États. Ces législations concernent essentiellement la régulation des investissements directs étrangers et les activités minières (exploration, exploitation, régime fiscale, exportation des matières, etc…).

L’exploitation et la commercialisation de ces ressources minières nécessitent des investissements colossaux et présentent des défis tant sur le plan financier que technique. Afin de faire face à ces diverses contraintes, tout en bénéficiant du potentiel offert par la richesse de leur sous-sol, la majorité des États africains à faibles revenus et souvent très endettés, se sont lancés dans de véritables politiques «de charme» en mettant en place les conditions et législations favorables pour attirer les investisseurs étrangers, très souvent au détriment de leur développement et des intérêts des communautés locales.

D’après une étude du Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique (GRAMA) de la Faculté de Science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) de 2004, le cœur des réformes dans le secteur minier qui ont eu lieu en Afrique dès le début des années 80 jusqu’à la fin des années 90 ont réussi à créer des environnements propices aux investissements étrangers toutefois elles n’ont pu «assurer le succès de stratégies de développement durable et favoriser l’introduction de normes et de règles, que ce soit en matière de protection d’environnement, de répercussions sociales ou de travail…» S’agissant des codes miniers et de leurs réformes, de nombreux États ont pour leur part bénéficiés de l’appui de partenaires au développement. Le défi pour assurer un développement économique à travers un secteur qui appelle à des activités qui ne sont en elles-mêmes pas durables, peut être présenté de manière très simple: comment adopter des incitations économiques pour les investisseurs tout en maximisant les recettes pour le pays d’accueil ? Une tendance nouvelle en terme de réformes des codes se dessine depuis la fin des années 2000 qui semblent répondre aux inquiétudes des pays en termes de partage plus équitable et plus «juste» des recettes générées par la mise en exploitation de gisements miniers.

A titre d’exemple, le code minier du Burkina Faso de 2003, toujours en vigueur, prévoyait un taux de redevances imposées sur la valeur des produits extraits de 3%, mais en 2010, le pays souhaitant dégager plus de recettes fiscales après l’augmentation du cours mondial de l’or a institué un taux progressif allant de 3 à 5%, selon le cours de l’or. Les pays comme le Ghana, le Mali ou encore l’Afrique du Sud ont eux aussi revu à la hausse voire même instaurer ces redevances.

Pour ce qui est de changements structurels à grande échelle du secteur minier, la Guinée se positionnant parmi les pays africains les plus riches en ressources minières et dotée de l’une des plus vastes réserves de bauxite au monde, a depuis 2011 décidé de se lancer dans un processus de refonte en profondeur.

En septembre 2011, le nouveau code minier a été promulgué avec par exemple comme objectifs: augmenter de manière importantes les revenus de l’État, assurer l’emploi pour la population locale, introduire et renforcer les normes environnementales, de transparence et de bonne gouvernance. Tout cela accompagné d’un cadre institutionnel important tel que la création au niveau national d’une Commission nationale des mines et des Comités pour notamment l’octroi, le renouvellement et l’annulation des titres miniers.

A cet égard, on peut espérer que les «nouvelles générations de codes» intègreront des règles et des dispositions plus strictes dûment respectées par les sociétés minières, l’État et l’ensemble des parties prenantes. Par ailleurs, les normes environnementales, la prise en compte des questions de contenu local dans la chaîne de valeurs, les préoccupations des communautés locales et les mécanismes de compensation en cas de déplacements devraient systématiquement être pris en compte. Toutefois l’impact sur les économies des pays hôtes restent à déterminer et ces derniers ne doivent plus se «sacrifier» pour attirer ces investissements étrangers pour des retombées très souvent hypothétiques. Initiatives multinationales et régionales dans le secteur minier Une des questions suscitées par cette nouvelle tendance est de savoir si ces réformes constituent un outil efficace et suffisant pour permettre à ce que le secteur minier devienne enfin synonyme de développement durable pour les pays riches en ressources naturelles.

Il existe des initiatives au niveau régional et communautaire en Afrique, tels que le code minier de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), ainsi que les Directives de 2009 sur l’harmonisation des principes directeurs et des politiques du secteur minier de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO).

Néanmoins l’objectif qui était d’instaurer dans la région des standards communs et une harmonisation semble se heurter ces dernières années à la pesanteur des administrations nationales.

Les États ont-ils véritablement les moyens d’instaurer un code régional alors même qu’ils rencontrent des difficultés à implémenter une politique et des normes de manière cohérente et durable sur leurs territoires respectifs ? Pour une intégration régionale les gouvernements ainsi que la société civile et les représentants des populations locales, ont sans doute besoin de directives, d’outils d’accompagnement, de documents modèles, d’accès aux bonnes pratiques et à des formations dispensées par des experts.

Au-delà du potentiel géologique, de la stabilité politique et des risques variés pour un retour sur investissements, les investisseurs recherchent avant tout un cadre législatif stable. L’impact de l’extraction minière sur l’économie sera appréhendé au travers de sa production et de la valeur de sa production, de sa contribution au PIB, ainsi que du potentiel à générer des devises et des recettes budgétaires.

Le but ultime n’est pas d’établir si les réformes des codes miniers suffiront à elles seules à assurer une augmentation des recettes publiques, mais plutôt d’attirer l’attention sur la nécessité d’élargir le champ d’actions des politiques minières à d’autres volets socio-économiques pour atteindre les objectifs affichés de développement durable.

Une des recommandations qui pourraient être faites aux gouvernements est de respecter et appliquer les normes et le cadre juridique mis en place mais aussi de les définir comme faisant parties intégrantes d’une politique et une stratégie économique globale avec l’établissement de liens intersectoriels.

Importance de la maîtrise des techniques de négociation de contrats

La majorité des codes et législations minières prévoit la négociation et la conclusion de contrats d’investissements miniers, entre les États et les sociétés minières étrangères. Ces contrats sont parfois basés sur des conventions standardisées annexées aux codes, mais quelles que soient leurs formes, ces contrats ont l’obligation de rester en conformité avec la législation en vigueur dans le pays d’accueil.

Ces contrats d’investissements sont le cœur même des projets miniers car ils énoncent les termes et conditions des investissements étrangers. Toutefois, dans bon nombre de cas le processus de négociations ainsi que le contenu de ces contrats sont en totale distorsion avec les lois ainsi que les pratiques internationales.

Les accords contiennent des dispositions liées, par exemple, au «gel» du cadre juridique par l’État-hôte (clause de stabilisation), aux questions de droit de propriété, aux compétences de juridiction et au règlement des différends, à la définition de la loi applicable, etc… Est-il cohérent pour un pays en Afrique d’accepter quasi systématiquement la compétence d’un tribunal arbitral international sans nécessairement anticiper les avantages mais aussi les inconvénients d’une telle procédure et des sentences étrangères qui en découlent ? La question des compétences pour négocier est primordiale et doit être portée à l’attention des gouvernements.

Ces contrats prévoient le cadre de l’investissement qui engagera davantage le pays hôte pour des périodes excédant facilement 15 ans (certains contrats de concessions minières ont été accordés pour des périodes de 30 ans, voire plus) et les gouvernements ne disposent pas dans la plupart des cas, contrairement aux sociétés minières étrangères, d’experts pour les accompagner dans ces prises de décisions essentielles pour leurs économies, leurs populations et d’une manière générale le développement durable de leur pays.

En 2007, la RDC avait décidé de revisiter plus d’une soixantaine (60) de contrats et titres afin de remettre à jour et rééquilibrer les conditions souvent acceptées au détriment des intérêts de l’État pour des gains à très court terme. Malgré cet exercice opéré au prix de quelques remontrances, les autorités congolaises souhaitent, semble-t-il, entamer pour cette année 2012 une révision du code minier de 2002.

Réévaluation des politiques minières

Si la réforme du cadre réglementaire du secteur minier est essentielle, est-elle pour autant suffisante pour garantir un développement durable des Etats qui s’y engagent ? En amont, une implémentation effective ainsi qu’une application plus stricte et beaucoup moins permissive des codes existants devraient être un préalable au même titre que la négociation des contrats miniers et les problématiques de transparence et de bonne gouvernance. La Banque africaine de développement a mis en place en 2008 la Facilité africaine de soutien juridique (ALSF) pour justement palier ces lacunes dans les capacités de négociations de contrats complexes notamment dans le secteur des industries extractives. La «Vision minière pour l’Afrique» (Africa Mining Vision) développée par le Département du commerce et de l’industrie de la Commission de l’union africaine (UA) et la Division du commerce et de l’intégration régionale de la Commission économique des nations unies pour l’Afrique (CEA) met l’accent de manière innovante et globale pour le continent africain sur la nécessité pour les pays riches en ressources naturelles de procéder à une réévaluation de leur politique minière.

Pour véritablement permettre un développement socio-économique durable et non pas uniquement des «opportunités d’affaires» aux retombées économiques éphémères, les États africains ont l’obligation de se doter de ressources pour mettre en place (i) un cadre législatif stable à travers (ii) un code minier cohérent permettant un meilleur partage des recettes issues des activités minières entres les sociétés minières et l’État (iii) des structures institutionnelles permettant la traçabilité, la bonne gestion des revenus et une redistribution équitable au sein des populations locales et de (iv) négocier stratégiquement les contrats et conventions avec les sociétés étrangères pour assurer une stabilité sur le long terme, implémenter harmonieusement et de manière beaucoup moins permissive le cadre juridique de l’environnement des affaires et en particulier celui de son secteur minier.

(Avec Les Afriques)

Après plusieurs années passées à Londres au sein du cabinet d’avocats Allen & Overy, Coumba DOUCOURE NGALANI a rejoint la Facilité Africaine de Soutien Juridique (ALSF) en juillet 2010. Au sein de l’ALSF, cette experte intervient essentiellement sur les projets d’appui aux États africains dans différents domaines des industries extractives.