Bolloré croit au rêve africain de Canal+

(Africa Diligence) C’est peu dire que Canal+ se sent à l’étroit en France. Challengé sur le sport par la concurrence de la chaîne qatarie BeInsport, concurrencé dans le cinéma par Netflix et ses comparses, le groupe part à la conquête d’un nouveau souffle en Afrique, avec la bénédiction de Bolloré.

Cette filiale de Vivendi est riche, puissante, et son premier actionnaire Vincent Bolloré est très présent sur le continent noir. C’est donc logiquement que Canal+ tourne ses appétits de croissance vers l’Afrique francophone. Son PDG, Bertrand Méheut, et tout son staff africain présentait au siège d’Issy-les-Moulineaux mercredi 9 juillet 2014 les éléments d’une stratégie lancée voilà plusieurs années mais qui s’accélère.

A+ sera la première chaîne panafricaine

Le 24 octobre, Canal+ lancera donc « A+, la grande chaîne africaine ». Pour Jacques du Puy le patron de Canal+ Overseas, qui couvre les activités internationales de Canal+, A+ sera la première chaine panafricaine à contenus africains. Elle véhiculera ce qu’ils attendent : le bonheur, la joie de vivre, les divertissements familiaux. Les séries, essentiellement africaines, occuperont 70% de la grille, à côté du sport ou de l’économie.
En clair, ce n’est pas sur cette antenne que l’on trouvera les défis et les drames du continent. Le parti pris optimiste est assumé pour exister dans les interstices de l’offre existante et des habitudes de consommation télévisuelle locale. Cette chaîne panafricaine est destinée à enrichir le bouquet payant proposé au continent noir.

Le groupe français s’est déjà cassé les dents en Afrique. Il a été vaincu au Maghreb par la généralisation et l’impunité du piratage. Mais l’Afrique noire, plus éloignée des relais européens, pirate (un peu) plus difficilement. Surtout, le marché est très porteur. Il représentera, selon Canal+, 750 millions d’individus dans les prochaines décennies. Parmi eux, une classe moyenne en pleine croissance, prête à dépenser 7 euros par mois pour s’abonner à l’offre Canal. Et la chaîne connait le marché. Le groupe dispose déjà de 1.300.000 abonnés sur le continent, un chiffre qui double tous les deux ans.

Les incertitudes ne sont pas tous levées

L’équipe, basée à Abidjan en Côte d’Ivoire, dispose d’un budget dont le montant reste confidentiel, il atteint « plusieurs millions d’euros », selon Canal+. A+ servira de vitrine au côté des autres chaînes du bouquet. Elle se rentabilisera donc sur le surcroît d’abonnements générés par cette offre nouvelle mais pas seulement. L’éditeur vise aussi le marché publicitaire qui comblerait 15 à 20% du budget au départ, 80% voire plus à terme.

C’est une des trois inconnues du projet. Le marché publicitaire, qui ne représente aujourd’hui que quelques dizaines de millions d’euros par pays, tous médias confondus, répondra-t-il aux attentes de Canal+ ? Par ailleurs, la mesure d’audience, nécessaire pour séduire les annonceurs, est encore très insuffisante. Se mettra-t-elle en place dans les années à venir ? Enfin, Canal+ arrivera-t-elle à juguler le piratage et à enrôler dans cette lutte les autorités des différents Etats ? C’est indispensable pour que se développe une industrie de production en Afrique noire, plaide Canal+. Jacques du Puy assure qu’il est de plus en plus entendu sur ce point.

En attendant, l’offensive préparée de longue date tombe pile au moment de la reprise en main de la maison mère du groupe Canal+, Vivendi, par son nouveau président Vincent Bolloré, très présent en Afrique, et qui ne cache pas sa volonté de faire jouer les synergies. Cet objectif sera tenu, « partout où on peut bénéficier des forces » mutuelles des différentes entités du groupe. Première initiative en ce sens, le « talent show », une version africaine de The Voice en prime time sur A+ est produit en partenariat avec Universal, la branche musicale de Vivendi.

(Avec Marc Baudriller)