CEMAC: Guy Gweth défend Malabo sur RFI

(Africa Diligence) Le lundi 20 janvier 2014, Guy Gweth, spécialiste du conseil en intelligence stratégique et CEO de Knowdys Consulting Group, était l’invité de Juan Gomes in « Appel sur l’actualité » de Radio France internationale (RFI). Pourquoi défend-il Malabo ?

Deux types de raisons peuvent, selon lui, expliquer les réserves des autorités équato-guinéennes quant à l’application de l’accord de libre circulation des personnes dans la zone CEMAC : les raisons de politique intérieure et les raisons de sécurité nationale.

Les raisons de politique intérieure

Au micro de RFI, Guy Gweth rappelle « qu’en 1990, la Guinée n’était qu’un petit bout de territoire agricole de 28000 km². A cette époque, personne ne voulait aller en Guinée équatoriale. Les gens vivaient de la chasse, de la pêche et de l’agriculture. Puis, il y a eu la découverte du pétrole off shore au milieu de la décennie 90 avec l’essor qu’on connait aujourd’hui : augmentation du pouvoir d’achat, modernisation des infrastructures, afflux d’investisseurs étrangers, mais aussi l’immigration. En quelques années, la Guinée est devenue le troisième exportateur de pétrole en Afrique centrale derrière le Nigéria et l’Angola et le premier de la zone CEMAC.

Cependant, explique-t-il, la Guinée Equatoriale connaît d’énormes disparités malgré le boom pétrolier. En effet, plus d’1/3 de la population vit en dessous du seuil de pauvreté – 50% n’ont pas accès à l’eau potable, 25% de jeunes sont au chômage et 20% d’enfants meurent avant l’âge de 5 ans.

Raison pour laquelle la Guinée ne veut pas plus de misère sur son territoire. Elle veut plus de talents. D’où sa politique d’immigration choisie. »

Pour bien situer le contexte, Guy Gweth estime qu’ « il faut voir que cette Guinée fait face à des voisins de tailles différentes qui sont parfois regardés comme une menace. » L’expert en intelligence économique note à cet effet que « le Gabon, avec 350 km de frontières terrestres avec la Guinée, est deux fois plus peuplé que cette dernière. La population de Libreville est l’équivalente de toute la Guinée Equatoriale, avec un taux de chômage de 30% chez les moins de 28 ans.

Le Cameroun, avec 189 km de frontières avec la Guinée Equatoriale, est quant à lui, 25 fois plus peuplé que celle-ci. La population de la ville de Douala représente à elle seule, le double de celle de la Guinée et le taux de chômage y frôle les 40%. »

Dans un environnement où les jeunes sont prêts à partir pour réussir, Guy Gweth relève que « la Guinée représente un eldorado facile à atteindre. Ainsi, à la veille du jour de l’an, date prévue pour l’entrée en vigueur de l’accord de libre circulation des personnes en zone CEMAC, les services de renseignement équato-guinéens, craignant l’afflux d’émigrés au 1er janvier 2014, ont fermé leur frontière avec le Cameroun notamment. Le but de la manœuvre était de faire valoir leurs réserves […] Aujourd’hui, Malabo craint que ses 28000 km² de territoire soient envahis par des étrangers qui iraient occuper les emplois des Equato-Guinéens, accroître l’insécurité, voire la prostitution, a-t-il poursuivi. »

Malabo est clairement pour une immigration choisie qui entre en confrontation avec la doctrine et les valeurs du passeport CEMAC.

Les raisons de sécurité nationale

Pour le fondateur de Knowdys, « Malabo a mis des conditions à l’entrée en vigueur du passeport CEMAC qui peuvent être regroupées en cinq points :

  1. la production de passeports biométriques au profit des nationaux et la création d’un   visa CEMAC unique vis-à-vis des pays tiers ;
  2. la création d’une banque de données permettant l’échange d’informations et le contrôle aux frontières ;
  3. la mise en place d’équipes et de matériels capables de lire les passeports biométriques aux frontières de chaque pays membre ;
  4. la création d’un comité de suivi et d’évaluation des flux migratoires au niveau communautaire. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le geste du ministre des relations extérieures camerounais et de son homologue équato-guinéen qui ont installé, samedi 18 Janvier 2014, le comité mixte permanent de suivi des questions consulaires et de sécurité transfrontalière ;
  5. la création d’un centre permettant les échanges d’informations entre services de polices et des douanes en vue de maîtriser la circulation des personnes et des biens. »

En définitive, la Guinée Equatoriale dit non au passeport biométrique CEMAC en l’état actuel des choses, parce qu’on a mis la charrue avant les bœufs !

Roseline NGO BOULA et Junior SAGNE