[Africa Diligence] Au cours des dernières années, la croissance de l’économie congolaise est restée soutenue mais peu inclusive en termes de bien-être et de pouvoir d’achat des populations. Elle a, avant tout, été tirée par les industries extractives, un secteur très exposé aux aléas des cours mondiaux de matières premières et à la demande de l’industrie chinoise. Sortir du « tout minier » et diversifier l’économie est un impératif pour un développement durable.
La RD Congo doit remettre à niveau ses recettes fiscales, aujourd’hui d’un niveau très inférieur à la moyenne en Afrique subsaharienne. Ces ressources supplémentaires lui redonneraient les marges de manœuvre nécessaires à des politiques structurelles de diversification de son économie.
L’économie congolaise repose, trop exclusivement, sur le secteur extractif
Ces dernières années, la croissance du PIB, presque exclusivement tirée par le secteur minier, est restée robuste : +7,7 % en moyenne entre 2010-2014 avec un pic de +9 % en 2014 et de +4 % en moyenne sur la période 2015-2018. Cette croissance est peu inclusive. Elle profite peu au bien-être des populations.
Les minerais et, subsidiairement, les hydrocarbures représentent aujourd’hui encore plus de 90 % des exportations congolaises. Une aussi forte spécialisation sectorielle rend l’économie congolaise très vulnérable, la plaçant à la merci des coups d’accordéons observés sur les cours mondiaux du cuivre et du cobalt, ses deux principales sources de devises à l’exportation.
De 2015 à 2017, l’économie congolaise était frappée de plein fouet par la forte baisse des cours de ces deux minerais. Courant 2017, le solde de sa balance des paiements passait dans le rouge. Ses réserves de change fondaient jusqu’à ne représenter que quelques jours d’importations. A l’été 2017, une mission du FMI se rendait Kinshasa à la demande des autorités congolaises. Un temps, celles-ci envisageaient de solliciter en urgence une « Facilité rapide de crédit » avant, finalement, de se raviser, la remontée des cours des matières premières desserrant la contrainte.
En 2018, la situation macroéconomique se stabilisait, principalement sous l’effet de meilleures rentrées fiscales, conséquence de la remontée des cours internationaux et de la croissance des volumes de cobalt et de cuivre exportés. L’usage de la planche à billet, qui avait financé le déficit budgétaire durant quelques mois en 2017, n’était pas poursuivi. L’inflation passait de 54 % à 7 % fin 2018. Selon le FMI, la balance des paiements courants devait même être en léger excédent pour 2018. Mais cette stabilisation, bien réelle, reste précaire, à la merci des cours internationaux de matières premières qui demeurent volatiles. Leur retournement, toujours possible, est comme une épée de Damoclès, en permanence pointée sur la stabilité macroéconomique.
Des rentrées fiscales bien inférieures à la moyenne d’Afrique subsaharienne
Ces dernières années, le rendement des recettes fiscales a été décroissant. Aujourd’hui, elles représentent à peine plus de 12 % du PIB, contre 19 % en moyenne pour l’Afrique subsaharienne. C’est trop peu pour permettre à l’État de s’investir dans des politiques structurelles. D’aussi faibles ressources limitent les actions de l’État qui consacre deux tiers de ses recettes aux seules dépenses de fonctionnement, et en premier lieu le paiement des fonctionnaires. Les dépenses de santé, un bon indicateur de la capacité d’intervention d’un État, y sont très basses. Elles représentent le troisième plus petit budget au monde par habitant, selon les données de l’OMS. Ce sous-investissement chronique porte en lui les germes d’un « État fragile », qui se trouve à la fois dans l’incapacité matérielle de délivrer la plupart des services de base à ses ressortissants et dans l’impossibilité financière d’impulser une dynamique et d’accompagner des projets structurants, y compris sous la forme de PPP.
Réformer et accroître la fiscalité y compris minière
Comment sortir de ce cercle vicieux de prélèvements fiscaux insuffisants ayant comme conséquence un sous-investissement de l’État ? Pour sa part, le FMI recommande d’augmenter le rendement de la fiscalité, y compris celle du secteur extractif qui représentait 44 % des recettes en 2017. Le nouveau code minier, promulgué en mars 2018, va dans ce sens. Il prévoit une fiscalité plus contraignante pour les entreprises minières (nouveau calcul des redevances, relèvement des taux, et prise en compte des cours internationaux au lieu des prix de cession effectifs, instauration d’une taxe sur les superprofits) et des obligations de rapatriement de devises accrues. Les recettes fiscales devraient augmenter d’un montant compris entre 0,8 et 2 Mds EUR.
Les recettes publiques restent, cependant, trop dépendantes de la fiscalité minière dont les flux dépendent de la conjoncture. Son rendement est, avec quelques mois de décalage, le reflet des cours miniers, ce qui ne permet aucune mesure d’intervention contra-cyclique de soutien à l’activité de la part du Trésor en cas de conjoncture défavorable.
Cette fiscalité devrait s’accompagner d’un contrôle renforcé sur la « chaîne des recettes » afin d’éviter leur « évaporation » avant qu’elles n’atteignent les caisses du Trésor public. Un rapport de Global Witness6, à la tonalité très critique, illustre cet état de fait. L’ONG s’emploie à démontrer comment l’argent minier est détourné avant même d’atteindre les caisses du Trésor public. Selon GW ce serait ainsi de « 30 à 40 % des paiements dérivés de l’exploitation minière qui disparaissent avant d’atteindre les caisses de l’État ». Cette estimation donne une indication de l’ampleur du phénomène. Ce serait « 1,3 Mds USD tirés de l’exploitation minière qui ont été perdus durant leur acheminement au trésor entre 2013 et 2015 ».
Améliorer le climat des affaires et créer un fonds de capital d’amorçage pour diversifier l’économie
La plupart des opérateurs économiques en RD Congo ont, ces dernières années, constaté la dégradation du climat des affaires. Le pays occupe la 184ème place de l’indice Doing Business (sur 190) et a perdu deux places dans le dernier classement. Un cadre aussi dégradé ne peut que laisser un a priori peu engageant pour les investisseurs étrangers.
De nombreuses voix, dont celles de l’influent Président de la Fédération des entreprises du Congo, se sont élevées pour stigmatiser cet état de fait. Ce dernier a dénoncé avec vigueur la mauvaise gouvernance publique7 : « il n’est pas possible de travailler, quand en matière fiscale, certains textes ne sont pas appliqués, quand d’autres qui n’existent pas le sont, quand en matière judiciaire les opérateurs ne disposent d’aucune lisibilité et prévisibilité dans l’application des règles juridiques et judiciaires, quand en matière douanière, les opérateurs sont soumis à des difficultés et à des tracasseries permanentes rencontrées dans leurs opérations qui poussent la plupart d’entre eux à contourner la loi ou s’arranger avec elle ».
Ces constats, très critiques, devraient inciter les autorités du pays à replacer l’objectif d’une amélioration du climat des affaires au centre de leurs préoccupations. C’est un préalable indispensable à toute politique de diversification de l’économie fondée sur les mécanismes du marché. Dans cette optique, le Président de la FEC propose la création d’un fonds de développement stratégique qui serait « doté de ressources pérennes et d’une gouvernance adaptée, dont l’indépendance et l’autonomie garantiront de manière durable la vision stratégique de l’État et qui serait alimenté par une part des revenus fiscaux complémentaires tirés de l’application des nouvelles dispositions fiscales et réglementaires du code minier ». Ce Fonds servirait de capital d’amorçage pour le développement des infrastructures, en complément des programmes d’investissements des bailleurs. Selon le Président de la FEC, ce programme pourrait s’articuler autour de « trois priorités pour appuyer une diversification de l’économie : le développement agricole, la transition environnementale et la diversification industrielle » (transformations sur place des produits miniers et la création de zones économiques spéciales).
La Rédaction (avec LAC et Knowdys Database)