Diplomatie économique | Le Québec s’efface au profit du Canada

Qui l’eut cru ? L’Arizona et le Québec ont beaucoup en commun. C’est du moins ce qui se dégage d’un bref article du Phoenix Business Journal annonçant la visite cette semaine d’une délégation économique québécoise. « L’Arizona et le Québec ont une industrie aérospatiale de même taille et Pierre-Marc Johnson qui dirige cette mission croit qu’il est possible d’augmenter le volume de leurs échanges commerciaux dans les secteurs énergétique, biomédical et en recherche et développement. »

Par Marc-Olivier BHERER

Cette mission est somme toute anecdotique. Mais son ambiance feutrée tranche avec le pataquès provoqué par la visite de Michaelle Jean en France. La Gouverneure-Générale a fait un bref séjour dans l’Hexagone il y a une semaine pour y lancer les célébrations du 400e anniversaire de la ville de Québec, sans que Jean Charest ne l’ait précédement fait.

Cette chargée de communication fait plutôt vitrine sur le Canada que sur le Québec. Son voyage est une réussite sur ce plan. La relation entre Québec et Paris ressemble maintenant davantage à un ménage à trois avec Ottawa. Jean Charest préfère mener une diplomatie beaucoup plus timide.

Les enjeux économiques ont pris le dessus sur des ambitions politiques. En témoigne ce communiqué émis par le bureau du Premier ministre, l’ordre des phrases dit tout. « Le premier ministre du Québec, Jean Charest, est en mission en France du 16 au 20 mai 2008 afin de démontrer toute l’importance que son gouvernement accorde au développement des relations économiques entre la France et le Québec. En présence du président du conseil d’administration de la Société des fêtes du 400e anniversaire de Québec, M. Jean Leclerc, il participera également à des activités célébrant cet anniversaire. » En clair, les affaires passent avant le 400e.

Ce qui pourrait se comprendre, car comme l’explique le quotidien économique français La Tribune, « les Québécois doutent de leur compétitivité ». Et pour faire face à cette difficulté, la province souhaite attirer davantage d’investisseurs étrangers. Les milieux d’affaires locaux n’injectent pas suffisamment d’argent dans les technologies de l’information et des communications, ce qui ralentit les gains de productivité. L’arrivée d’entreprises étrangères est nécessaire pour donner l’exemple.

L’objectif poursuivi par Jean Charest de lier de nouveaux partenariats économiques à l’étranger ou d’étendre ceux qui existent déjà s’inscrit dans ce contexte. Mais il n’est pas sûr que le Québec réussisse à se faire entendre, explique La Tribune.

« Les économistes locaux concèdent quelques inquiétudes. À commencer par les velléités protectionnistes des candidats démocrates à l’élection présidentielle américaine de novembre 2008 qui peuvent porter un rude coup à l’économie de la province. Pionnier en matière de commerce sans entraves douanières avec le grand voisin, le Québec a peur de voir remis en cause le traité de libre-échange d’Amérique du Nord (Alena). Du coup, ses dirigeants actuels comme une grande partie de ses élites plaident pour un rapprochement commercial entre le Canada et l’Union européenne (UE) à l’occasion de la présidence française. Problème, jusqu’à présent, les Vingt-Sept, sous l’impulsion allemande, semblent plus pressés de signer un accord de libre-échange avec les États-Unis. »

La Bavière pourrait jouer les intermédiaires auprès de Berlin. Cette région allemande vient de signer de nouvelles ententes commerciales avec le Québec. Mais Jean Charest devrait y penser à deux fois avant de s’afficher avec les Bavarois. Les Québécois pourraient encore donner l’impression de s’acoquiner avec un peuple cultivant fièrement sa différence…