Enjeux stratégiques d’une zone de libre-échange pour 54 Etats africains

[Africa Diligence] Parmi les projets stratégiques du 27ème sommet de l’Union africaine tenu à Kigali, figurait celui très sensible de la zone de libre-échange continental. Peu de médias en ont parlé. En vue : le plus grand marché unique du monde, en nombre de pays (54), des échanges intra-africains à 70% et 2 milliards de consommateurs en 2050.

Ce projet pharaonique sort des cartons au moment où les partenaires historiques de l’Afrique sont très occupés par des problèmes domestiques. L’Union européenne commence, en effet, à se fissurer après que la Grande-Bretagne a succombé à la même rhétorique ethno-nationaliste que celle vendue, outre-Atlantique, par Donald Trump sur une Amérique blanche. Et l’insécurité règne partout, rendant quasiment impossible la perspective d’une « vie normale ».

Après le Brexit, de nombreux Africains-Américains réfléchissent un Blaxit. Face à la montée du racisme, ils sont des milliers à envisager de quitter les Etats-Unis pour un eldorado africain. Au pays de l’Oncle Sam, des banquiers ghanéens travaillent déjà dans cette dynamique, en prenant des participations dans des banques locales (telles que Citizens Bank Trust ou ISF Bank) et en appelant ouvertement la communauté black à plus de solidarité.

Guy Gweth, président du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Economique (CAVIE) fait observer que « après la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne, de nombreux analystes du siècle dernier se sont rué sur leurs ordinateurs pour calculer l’impact du Brexit sur l’Afrique… Aucun ne s’est demandé si l’Afrique pourrait ramer à contre-courant et tracer sa voie dans un monde éclaté et incertain. C’est pourtant ce que les chefs d’Etats réunis à Kigali ont tenté de faire, avec plus ou moins de succès, mais avec des progrès notables. »

Comme un avion, l’Afrique décolle face aux vents contraires en prenant les premières mesures concrètes pour unifier les 54 pays du continent. « Cela se fait certes avec sa lenteur et ses antagonismes habituels, reconnait Guy Gweth, mais le train avance à pas cadencé vers 2017. » A titre d’exemple, le passeport électronique, qui est né de la volonté de mobiliser les ressources africaines pour renforcer l’autonomie de la région, son pouvoir économique et la solidarité intra-africaine, permettra au titulaire d’un passeport délivré dans un Etat africain à voyager librement à travers le continent. C’est dans ce sillage que se poursuivent les travaux zone de libre-échange continentale et l’intérêt accru des Africains-Américains pour ce projet.

Les chefs d’Etats africains réunis à Kigali semblent tous très conscients des enjeux stratégiques liés à la mise en place urgente d’une zone de libre-échange continentale.  Tout bien considéré, il s’agira d’un marché unique de plus d’un milliard de personnes, soit 2 milliards environ en 2050, avec un produit intérieur brut de plus de trois mille milliards USD. Un environnement allégé de frontières, faisant plus de commerce avec lui-même, à hauteur de près de 70% contre 13% au quatrième trimestre 2015 d’après Knowdys Database, et plus ouvert à la double nationalité au profit des Africains de la diaspora de retour au pays natal.

A. Diallo et E. Bama