Google dénonce les Etats qui veulent censurer internet

Signes des temps, de nombreux gouvernements – y compris ceux des régimes dits démocratiques – multiplient les demandes de retrait de contenus auprès du premier moteur de recherche dans le monde. Mais de quoi ont-ils peur ? Google dénonce.

Le rôle joué par les réseaux sociaux et Internet dans les révolutions récentes n’a pas échappé aux pouvoirs politiques. Du coup, ils sont devenus méfiants et soupçonneux. Pas question pour une démocratie ayant pignon sur rue d’agir à visage découvert en pratiquant une censure brutale. Les moyens utilisés sont plus subtils. Google en apporte la preuve. Le plus utilisé des moteurs de recherche assure que dans les récentes requêtes émanant de gouvernements figurent à la fois des demandes de retrait de contenus et de renseignements sur les utilisateurs.

Dorothy Chou, « senior policy analyst » chez Google qualifie ces demandes d’inquiétantes « parce que certaines de ces demandes proviennent de pays auxquels on ne s’attend pas, comme des démocraties occidentales que l’on n’associe pas habituellement à la pratique de la censure. » Et elle cite deux exemples : « au cours du second semestre 2011, les autorités espagnoles nous ont demandé de retirer 270 résultats de recherche liés à des blogs et des articles mentionnant certaines personnalités publiques comme des maires ou des procureurs. En Pologne, nous avons reçu une requête d’une institution publique afin de retirer des liens d’un site internet qui la critiquait. » Si ces deux requêtes sont citées, c’est évidemment parce que Google n’y a pas donné suite.

Au total, le nombre de demandes a doublé au deuxième semestre 2011, et, selon l’AFP, l’Ukraine, la Jordanie et la Bolivie y sont mentionnées pour la première fois. Au total entre juillet et décembre, Google a accédé à environ 65% des plus de 467 demandes judiciaires de suppressions de contenus, notamment sur les pages de son moteur de recherche ou de son site YouTube, et à 46% des 561 demandes non appuyées par une autorité judiciaire.

Les demandes arrivent parfois au travers d’une décision judiciaire. Au Brésil, une cour électorale a ainsi obligé Google à supprimer quatre profils d’utilisateurs de son réseau social Orkut en raison de leurs contenus politiques. Dans ce pays, la législation sur la diffamation permet d’obtenir le retrait d’informations même si elles sont vérifiées. En France, les autorités ont mis en cause 58 liens, messages ou vidéos. Google a accédé à leur demande pour 67% des demandes appuyées d’une demande de la justice, 47% des autres. En Inde, les demandes ont bondi de 49% entre le premier et le deuxième semestre. Au Pakistan, le ministère de l’information a demandé le retrait de six vidéos se moquant des militaires et des responsables politiques, mais Google n’a pas obtempéré.

En revanche le groupe internet a fermé cinq comptes YouTube à la demande de l’association britannique des officiers de police, qui estimaient que leurs détenteurs y faisaient l’apologie du terrorisme. En Thaïlande, le ministère de l’Information, des communications et des technologies a demandé le retrait de 149 vidéos considérées insultantes pour la monarchie. Google a restreint le visionnage de 70% de ces vidéos en Thaïlande. Les demandes officielles de la Turquie concernaient essentiellement des vidéos sur Mustafa Kemal Atatürk, et Google a rendu certains clips mis en cause inaccessibles dans le pays.

« Nous nous rendons compte que les chiffres que nous communiquons ne fournissent qu’un modeste éclairage sur ce qui se passe dans le web en général, a reconnu Dorothy Chou, mais nous espérons qu’en cultivant la transparence sur ces données, nous pouvons contribuer au débat public sur la façon dont le comportement des gouvernements façonne internet ».

Un combat difficile. Certains Etats, et même certaines municipalités, entretiennent des équipes de surveillants du web qui ne demandent pas le retrait des critiques mais qui interviennent pour réagir comme des citoyens ordinaires chaque fois qu’un propos déplaisant est écrit.

(Avec Paul LOUBIERE)