Les émergents ne sont plus le paradis des banques d’investissement

[Africa Diligence] Les banques d’investissement, qui doivent déjà faire face à un marché local en berne marqué par un environnement réglementaire de plus en plus contraignant, sont désormais aussi à la peine sur les marchés émergents. La nette baisse du nombre d’introduction en Bourse et de fusions-acquisitions sur ces marchés entraîne en effet une chute brutale de leurs revenus.

Certes, il n’est guère étonnant de constater qu’au niveau mondial, les volumes liés à ces opérations souffrent des perspectives économiques incertaines et d’une faible valorisation boursière. Mais il est beaucoup plus surprenant que le ralentissement de l’activité touche également les pays émergents, que les banques considéraient jusqu’alors comme moteurs de leur croissance future.

Selon James Sproule, directeur des études sur les marchés de capitaux chez Accenture, cette nouvelle donne devrait encourager les établissements bancaires à revoir leur stratégie dans ces pays, où ils ont développé leur activité au cours des dernières années.

Les banques occidentales ont réalisé plus de la moitié de leurs opérations de financement par appel public à l’épargne dans les pays émergents l’année dernière, contre seulement 22% en 2005, estime ainsi James Sproule.

Les IPO, qui permettaient aux banques d’empocher entre 3 et 4% des capitaux levés par les entreprises, représentaient leur principale source de revenu. Entre 2000 et 2007, leurs commissions ont été multipliées par six, pour dépasser 6,5 milliards de dollars.

Suppressions de postes et décisions stratégiques

Mais la fête est finie.

En 2012, les commissions liées aux IPO ont été presque divisées par deux par rapport à l’année précédente, à 2,8 milliards de dollars, selon les données Thomson Reuters.

Les opérations de fusions-acquisitions ont reculé de 16% sur les marchés émergents par rapport à 2011, alors qu’elles ont seulement diminué de 4% tous pays confondus.

L’ampleur des opérations a également bien changé. La plus importante IPO de l’année, réalisée par Santander au Mexique, a en effet permis au groupe de lever quatre milliards de dollars, bien loin de l’opération à 22 milliards menée en 2010 par Agricultural Bank of China et de celle de Santander à neuf milliards lors de son entrée à la Bourse de Sao Paulo en 2009.

Au total, les banques d’investissement ont vu leurs commissions diminuer de 24% sur un an, ce qui devrait avoir pour conséquence des suppressions de poste inévitables.

Citigroup a ainsi annoncé la suppression de 11.000 emplois dans le monde et cessera ses activités en Turquie, en Uruguay ou encore en Roumanie. Ses concurrents Crédit agricole, HSBC et UBS ont également procédé à des dégraissages sur les marchés non stratégiques.

Barclays devrait à son tour supprimer 15% des effectifs de sa branche banque d’investissement dans le monde, y compris dans ses activités de conseil en M&A pour la zone Asie-Pacifique.

« Les banques doivent prendre des décisions stratégiques », commente James Sproule, qui s’attend à ce qu’elles soient à l’affût de nouveaux marchés.

Creux de la vague

Ce sont les marchés boursiers des nations regroupées sous l’acronyme BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui ont vraisemblablement le plus souffert, enregistrant une baisse des opérations d’entrée en Bourse de plus de 60% cette année par rapport à 2011 et de 80% par rapport à 2007.

Après avoir reculé de 25% en 2011, les Bourses des pays BRICS ont encore enregistré de mauvaises performances cette année, pénalisées par un ralentissement de la croissance en Inde, en Chine ou encore au Brésil.

La Chine, qui s’est engagée sur le chemin d’une libéralisation accrue de son économie au cours des dix dernières années, a proposé les opérations les plus intéressantes de dix dernières années, avec plus de 500 entreprises qui ont tenté l’aventure boursière.

« L’Asie a connu une série d’entrées sur le marché des entreprises publiques, mais il est peu probable qu’à l’avenir on puisse constater le même niveau d’activité » commente Maria Pinelli, de Ernst & Young.

Toutefois, les marchés émergents sont peut-être dans le creux de la vague. Ce qui signifierait qu’en cas de rebond de la croissance, les entrées en Bourse pourraient reprendre.

Les entreprises veulent des marchés à la hausse et moins de volatilité, résume John Lomax, de HSBC.

Sujata RAO