Les marchés africains encouragent les alliances franco-chinoises

En 2012, China Exim Bank est devenue le premier créancier de l’Afrique. La banque chinoise s’approvisionne dans les 3 250 milliards USD de réserves de change détenus par le pays pour financer sa conquête des marchés. La Banque publique d’investissements française et ses 56 milliards USD de budget ne feront pas le poids. Les marchés africains encouragent désormais les alliances franco-chinoises pour gagner en quantité et en qualité.

« Les Sud-Africains choisiront les fournisseurs qu’ils souhaitent. Or, ils nous ont dit qu’ils souhaitaient qu’on soit en partenariat avec les Chinois. Et donc si c’est ça qu’ils veulent, c’est ce qu’on va faire. » Cette déclaration réaliste de Hervé Machenaud, directeur exécutif production et ingénierie d’EDF, en marge de sa conférence de presse sur les résultats annuels du groupe le 16 février 2012 à Paris, a publiquement consacré une nouvelle ère du business en Afrique. Et si la clé du succès était dans les alliances franco-chinoises ?

« Il vaut mieux faire du business avec les Chinois plutôt que pas du tout. »

Quand 10 mois plus tard, le 1er décembre 2012 à Abidjan, Pierre Moscovici entre en « guerre »  contre les entreprises chinoises, son propos est purement  politique, totalement déconnecté de la réalité que vivent les entrepreneurs sur le terrain. Car les marchés africains encouragent les alliances franco-chinoises. Dans la vraie vie, en effet, les entreprises françaises en mal de capitaux cherchent plus que jamais à s’associer aux Chinois pour être éligibles aux financements de China Exim Bank en Afrique. Pour eux, « il vaut mieux faire du business avec les Chinois plutôt que pas du tout. » C’est d’ailleurs le message qu’a voulu envoyer Pékin dans sa réponse aux propos du ministre français de l’économie et des finances.

Fondée en 1994 et placée sous la tutelle du ministère du Commerce et de celui des Affaires étrangères, Exim Bank est le bras financier de la diplomatie commerciale chinoise.  Elle a pour objectif principal d’appliquer intégralement la politique de la Chine dans les domaines diplomatique, économique, financier, industriel et du commerce avec l’étranger. D’après les statistiques de Knowdys intelligence économique au 3ème trimestre 2012, les prêts aux entreprises chinoises exportatrices s’élèvent à plus de 95% du total de ses crédits. Problème, les entreprises françaises qui cherchent à bénéficier de cette manne maîtrisent rarement les rouages de la banque chinoise dont le principal point fort n’est pas la communication.

Les entreprises occidentales peuvent surfer sur les normes de qualité

Pour être éligibles aux financements d’Exim Bank, les entreprises non chinoises doivent en effet participer à des projets qui remplissent des critères incontournables : les constructions doivent être assurées par des entreprises chinoises. Les équipements nécessaires au projet doivent prioritairement être fournis par des entreprises chinoises. De plus, les matériaux de construction et les prestations de services nécessaires à la conduite du projet doivent être prioritairement achetés ou importés de Chine. Au moins 50 % des achats de biens d’équipement doivent provenir de Chine. Reste à surfer sur la connaissance du terrain ou la maîtrise des normes de qualité qui peuvent représenter un plus pour les sociétés chinoises. 

Le discours du Président Hu Jintao prononcé à l’ouverture des travaux du 18ème congrès du parti communiste chinois le 08 novembre 2012 a donné des indications assez claires sur le nouveau modèle de croissance chinois. Objectif : doubler le PIB du pays en 2020. Cette nouvelle trajectoire va certes accélérer la délocalisation de nombreuses usines chinoises en Afrique au nom d’une compétitivité par les coûts. Mais ce sera aussi l’occasion pour la Chine de faire taire les critiques qu’elle essuie sur le terrain du respect des normes de qualité, un domaine où les entreprises occidentales ont une expertise de pointe reconnue.

« Si vous voulez gagner, associez-vous aux Chinois »

Le Tchad illustre parfaitement les contraintes auxquelles sont soumis les grands groupes chinois sur ce terrain. D’après les termes d’un accord de prêt conclu en 2001 avec la Banque mondiale, l’utilisation de l’oléoduc entre Doba (Tchad) et Kribi (Cameroun) est conditionnée par le respect des standards environnementaux de la Banque mondiale. Pour connecter ses nouveaux champs de pétrole à l’oléoduc, la China National Petroleum Corporation devra élever ses standards au niveau de ceux d’Exxon. Ce cas est transposable à plusieurs projets majeurs où les entreprises chinoises ont besoin de l’expertise de leurs homologues français.

L’un des modèles les plus cités en exemple par nos analystes au cours des derniers mois est Maurice. Ici, le projet d’agrandissement d’un aéroport pour un montant de 500 millions USD cofinancés par la China Exim Bank a été attribué à un consortium dirigé par Beijing Construction Engineering. Dans ce projet, l’étude de faisabilité et les plans ont été réalisés par Aéroports de Paris… Ce type d’alliance risque de se reproduire dans la construction de six centrales nucléaires en Afrique du Sud. Dans ce cas précis, les autorités sud-africaines ont vivement encouragé les Français à s’associer aux Chinois.

Guy Gweth

Grâce à son équipe d’experts en intelligence économique et due diligence, Knowdys scrute les marchés et aide les entreprises européennes et chinoises à nouer des partenariats gagnant-gagnant en Afrique subsaharienne.