Les Businessmen les plus optimistes sont en Afrique

[Africa Diligence] Quel est aujourd’hui le continent dans lequel la propension à entreprendre semble être la plus forte et les perspectives entrepreneuriales les plus intéressantes ? Ce n’est ni l’Asie, ni l’Amérique, ni l’Europe: il s’agit de l’Afrique !

Depuis quelques mois, en raison des évènements du Mali et de leurs ramifications, c’est malheureusement l’Afrique en crise qui semble être à la une. Et ce, au détriment d’une Afrique, plus discrète, qui se bat, innove et enregistre des progrès économiques spectaculaires. Cette Afrique, c’est celle qui affiche depuis dix ans une croissance moyenne annuelle du PIB de près de 5%. C’est aussi celle qui, aux côtés de la Chine et de l’Inde, est présentée dans un ouvrage récent, la Chindiafrique (éditions Odile Jacob), comme l’un des foyers de croissance du XXIème siècle.

Le continent de la croissance et de l’entrepreneuriat

Loin des stéréotypes, cette Afrique-là est avant tout et résolument une terre d’entrepreneuriat. Mieux encore, l’Afrique est le continent sur lequel la propension à entreprendre semble être la plus forte et les perspectives entrepreneuriales soient les plus intéressantes. Ce double constat est étayé par la publication du rapport 2012 du Global Entrepreneurship Monitor piloté par la London School of Economics. Chaque année depuis 1999, ce rapport dresse un état mondial de l’entrepreneuriat et essaie de mesurer dans près de 100 pays la perception d’un individu lambda par rapport aux différentes phases du processus entrepreneurial : maturation, création et développement de l’entreprise.

L’opus 2012 de ce rapport contient plusieurs résultats à même d’intéresser toute personne désireuse d’entreprendre en Afrique. Résultats qui viennent souvent battre en brèche de nombreux préjugés. Ainsi, 70 % des personnes interrogées sur ce continent pensent qu’il existe dans leur environnement des besoins non satisfaits ou des opportunités entrepreneuriales. Cette proportion n’est que de 53 % en Amérique Latine et représente moins du tiers des personnes interrogées en Asie et dans les pays de l’Union Européenne.
Plus intéressant encore, c’est aussi en Afrique que la peur de l’échec est la moins forte chez les entrepreneurs : 24 % des sondés y craignaient un échec entrepreneurial contre 28 % en Amérique latine et deux fois plus chez les personnes interrogées en Asie et en Europe. Au final, l’image de l’entrepreneuriat comme un choix de carrière valorisant est beaucoup plus forte en Afrique et en Amérique Latine qu’en Asie ou en Europe (Cf. graphique).

La démographie et l’innovation au cœur de la croissance africaine

Bien au-delà du comportement rationnel pouvant inciter « l’homo economicus africanensis » à créer sa propre activité pour faire face au chômage ou à des formes d’activités précaires, la propension à s’engager en Afrique dans le sacerdoce entrepreneurial s’explique de moins en moins par les nécessités de la survie et de plus en plus par les opportunités économiques. Et celles-ci sont nombreuses. On peut citer en premier lieu la nécessité de satisfaire des besoins immenses, alimentés par la croissance démographique. A titre indicatif, la population africaine devrait atteindre deux milliards de personnes en 2050. Alimentée par la croissance économique, l’émergence de la classe moyenne appelle, par ailleurs, de nouveaux modes de consommation et structure des marchés à même de séduire tout entrepreneur conséquent.

Le deuxième groupe de facteurs pro-entrepreneuriaux est lié à l’innovation. A l’instar du succès fulgurant des systèmes de transferts d’argent par téléphone, l’introduction de solutions techniques peu onéreuses et adaptées à l’environnement africain contribue à une meilleure satisfaction des besoins des consommateurs. La pénétration des médias (Internet, télévision) accélère, elle aussi, la diffusion de nouveaux modes de consommation. Au final, les barrières à l’entrée sont encore faibles sur le continent et le niveau de concurrence y est encore limité.
La combinaison de ces facteurs alimente des taux de croissance sectorielle deux à trois fois supérieurs à ceux observés dans les pays de l’OCDE.

 Bien que souffrant de nombreuses lacunes, les études analysant la rentabilité des sociétés à l’échelle mondiale concluent elles aussi à des performances plus élevées pour les grandes firmes africaines. A titre d’exemple, une étude du Centre for the Study of African Economies estime que le ROE médian en Afrique sur la période 2002-2007 était de 16 % contre 12 % en Asie et 11 % en Amérique Latine. Dans la même lignée, la productivité du capital et du travail dans certains pays africains est aujourd’hui considérée comme étant équivalente à celle observées dans de nombreux pays asiatiques.

L’Afrique du XXIème siècle une terre d’opportunités…mais aussi une terre de mission

L’Afrique est donc une terre d’opportunités pour les entrepreneurs. Une terre sur laquelle la croissance pourrait tripler et qui pourrait devenir un relais de la croissance mondiale. A condition, d’y créer les bases d’une croissance forte, durable, inclusive et riche en emplois. A condition d’encourager le développement des vecteurs de l’accélération de la croissance africaine : les PME.

En effet, seules les PME, par leur potentiel de création d’emplois, sont capables de transformer le milliard d’Africains en âge de travailler en 2050, non pas en facteurs d’instabilité mais en acteurs économiques solvables à même de tirer la demande. Seules les PME, par leur contribution à la diversification économique, sont à même de réaliser pleinement le potentiel économique africain.

Malheureusement, pour l’heure, les PME africaines sont encore loin de leur potentiel. Peu financées, peu appuyées, bénéficiant de peu de formation et d’information, elles ne représentent en moyenne que 20 % du PIB de leur pays contre 60 % pour leurs consœurs des pays de l’OCDE. Leur contribution en matière de création d’emplois est elle aussi moins importante que dans les pays développés.

L’Afrique est donc aussi une terre de « mission entrepreneuriale » car pour matérialiser ses promesses, il n’est pas un impératif plus urgent que d’armer, pacifiquement, le continent pour transformer les PME en « entrepreneurs du développement ». Et dans ce domaine, tout le monde a une partition à jouer.

Former les premiers acteurs du miracle africain : les entrepreneurs et les employés

Les Etats africains et les partenaires du développement se sont ainsi engagés à lever les contraintes à l’entrepreneuriat mentionnées dans les rapports Doing Business (accès au financement, à l’électricité,..). En s’inscrivant dans la lignée des meilleures pratiques en responsabilité sociétale et environnementale, les grandes entreprises peuvent elles aussi exercer un impact décisif sur la structuration du secteur privé à travers la mise en œuvre d’actions bien pensées (portage, sous-traitance, création d’incubateurs, soutien à la formation professionnelle, achat auprès des PME locales,…). Au final, il est nécessaire de mieux former les premiers acteurs du miracle africain : les entrepreneurs et les employés. Et ce qu’ils soient dans le secteur formel ou informel.

C’est la réunion de ces conditions qui permettra au continent africain de mettre en œuvre ses promesses. Des promesses largement soulignées par le Président François Hollande lorsqu’il affirmait à Dakar devant de jeunes africains : « L’Afrique est la jeunesse du monde. Elle est aussi une terre d’avenir pour l’économie mondiale… Aucun enjeu planétaire ne pourra être traité sans l’Afrique. Toutes les réponses essentielles passent déjà par votre continent…»

Jean-Paul MVOGO (Capafrique) & Milea LIND (American University of Washington D.C.)