Intelligence économique et Succès boursiers

Troisième fortune mondiale en 2011, avec une richesse estimée à 50 milliards de dollars, Warren Buffet a réalisé l’une de ses plus grosses acquisitions le 14 mars dernier en rachetant le chimiste Lubrizol pour 9,7 milliards USD. En plein affolement des marchés: catastrophes au Japon, révolutions au Maghreb, flambée des cours des matières premières… Les heures passées à décrypter les secrets de réussite de cet investisseur exceptionnel révèlent que l’intelligence économique est pour beaucoup dans ses succès boursiers.

Seules de rares écoles et universités ont Warren Edward Buffet – le plus grand investisseur de tous les temps – aux programmes de leurs formations. La raison ? Il dérange. Pour Buffet, président fondateur de Berkshire Hathaway, vous pouvez parfaitement gagner en Bourse sans avoir décroché un diplôme de finance dans une prestigieuse université et sans passer par un spécialiste des marchés. Pour peu que vous ayez quelques bases, l’indépendance d’esprit et la patience. A fortiori si vous avez l’esprit et les réflexes d’intelligence économique (IE).

Que fait un étudiant en IE qui est fortement attiré par une charmante inconnue ? Eh bien, il la googlise, se renseigne sur l’environnement de sa cible, son parcours, ses habitudes, etc., afin d’établir son profil exact. Il en va de même pour les décisions d’investissement. Buffet insiste pour qu’elles soient basées sur une bonne connaissance des entreprises cotées en Bourse. Pour cela une veille permanente, en ligne comme sur les magazines financiers, ainsi que les écrits des investisseurs qui ont fait leurs preuves vous aiguilleront. Objectif : vous faire votre propre idée des situations. En revanche, méfiez-vous des arguments de vente des experts financiers comme une antilope se méfierait d’un lion qui vend de la viande fraîche !

L’une des techniques préférées de Buffet est le Value Investing. Elle consiste à faire de la veille en vue de déceler les écarts entre le cours d’une action constaté sur le marché boursier et sa valeur réelle. L’avocat J. Pardoe la résume comme le fait de « chercher des billets d’un dollar en vente à 40 cents. » Ne dites surtout pas aux professionnels de la finance que vous comptez le faire par vous-même!  Primo, ils n’y gagnent rien financièrement. Deuxio, vous remettriez en cause leurs longues années d’efforts passées à maîtriser des techniques et des formules compliquées.

La recette de Buffet est simple et froide: si vous suivez assidûment une action solide, type Merkel, et qu’elle est brusquement bradée à cause d’un Fukushima, achetez-la et conservez-la aussi longtemps que les fondamentaux de l’entreprise seront de qualité. Tôt ou tard, votre fidélité sera récompensée. C’est exactement avec cet état d’esprit que Buffet a transformé son investissement de 10 millions de dollars au Washington Post, 1973, en un actif d’un milliard USD. Avant d’acheter, Buffet couva le journal du regard, se renseigna sur son management, étudia ses rapports d’activités, ses perspectives d’avenir, visant le bon moment pour agir.

« Une fois que vous aurez pris position dans la bonne entreprise, vous pourrez laisser les autres s’inquiéter à propos de la volatilité des marchés boursiers», dit Buffet. Le monde connaitra toujours des inondations, des tremblements de terres, des guerres et des pandémies. Mais même au milieu des décombres, l’intelligence économique (via la veille et le profiling notamment) vous aidera à dénicher et à suivre des sociétés qui s’apparentent à des forteresses et qui se distinguent de leurs concurrents. Comment les reconnaitrez-vous? Buffet a arrêté quatre principaux critères que vous pouvez enrichir à l’aide de vos propres expériences:

1. Des entreprises dont vous pouvez comprendre l’activité;

2. Des entreprises gérées par des personnes honnêtes et compétentes;

3. Des entreprises présentant des perspectives d’avenir favorables ;

4. Des entreprises dont l’action affiche un prix attractif.

Tout n’est évidemment pas parfait dans l’approche de Warren Edward Buffet. Ça reste un humain. Et son fiasco dans US Airways a montré combien il pouvait se tromper. Certains lui reprochent notamment son principe de gestion à long terme. D’autres critiquent son aversion pour les entreprises High Tech ou son peu d’enthousiasme à diversifier les placements. Pourtant, cet homme de 81 ans qui n’a pas hérité d’un seul sou de ses parents a bâti son immense fortune dans le temps, concentrant ses efforts, et guettant la bonne information comme on sait si bien le faire en intelligence économique.

Guy Gweth