L’Afrique à l’aube de la révolution numérique

(Africa Diligence) « La question n’est plus de savoir si la révolution Internet aura lieu en Afrique, mais plutôt quand elle aura lieu. » Et pour Safraodu Yeboah-Amankwah, directeur associé senior de McKinsey au bureau de Johannesburg, ce moment approche.

« Nous arrivons à un tournant. Le taux de pénétration d’Internet et du smartphone croît très vite, le coût de la data baisse de manière significative. Bientôt nous atteindrons une masse critique qui permettra le développement de services digitaux, dans tous les secteurs. »

Selon une  étude de McKinsey présentée jeudi , Internet pourrait contribuer au PIB annuel du continent africain à hauteur de 300 milliards de dollars d’ici à 2025, soit l’équivalent du PIB d’un pays comme l’Autriche, aujourd’hui, alors que sa contribution n’est que de 18 milliards de dollars par an actuellement. Internet pourrait, en outre, permettre de réaliser des gains de productivité équivalant à 300 milliards de dollars dans certains secteurs clés. Ces chiffres correspondent à des estimations hautes (10 % du PIB sur l’ensemble du continent en 2025) basées sur la jeunesse de la population et le gigantesque potentiel du mobile en Afrique, où 67 millions de smartphones sont déjà en circulation (et 360 millions en 2025).

Fortes inégalités

Aujourd’hui, les disparités sont encore importantes entre pays. Au Sénégal, par exemple, Internet contribue déjà à 3,3 % du PIB, une proportion supérieure à celle de la France ou de l’Allemagne. Dans les deux économies les plus importantes du continent, cette part est plus faible : elle est de 1,4 % en Afrique du Sud et de 0,8 % au Nigeria, mettant en évidence les opportunités de croissance. Et cette contribution est presque inexistante en Ethiopie (0,6 %). Enfin, les inégalités sont encore plus fortes entre les grandes métropoles, où plus de la moitié des habitants a accès à Internet et où un quart surfe quotidiennement, et le reste de la population.

Pour McKinsey, les voyants sont néanmoins au vert sur le continent africain. Et c’est, en premier lieu, parce que certains Etats mènent des politiques volontaristes en matière de développement des infrastructures. « Le Kenya, par exemple, est le pays qui a investi le plus, note Safraodu Yeboah-Amankwah. Mais tous les Etats ont des plans agressifs, pour favoriser l’accès à Internet, développer les réseaux de télécommunications ou l’accès aux documents administratifs en ligne. » Certains acteurs privés investissent aussi lourdement, comme Maroc Telecom, dont le plan de déploiement de la fibre atteint 1,2 milliard de dollars, ou Smile Telecoms, l’opérateur qui a commencé à déployer la 4G dans plusieurs pays.

Enfin, une nouvelle génération d’entrepreneurs est également en train d’apparaître sur tout le continent. C’est ainsi que plusieurs start-up sont devenues des poids lourds du secteur ces derniers mois. C’est notamment le cas du Sud-Africain MXit, premier réseau social en Afrique, ou du Nigérian Jumia, une sorte d’ « Amazon africain » qui opère désormais en Egypte, au Maroc ou encore en Côte d’Ivoire. Tous les secteurs pourraient être touchés d’ici à une dizaine d’années, à commencer par les services financiers (60 % des Africains pourraient avoir accès à des services de banque en ligne en 2025), la santé, l’agriculture et le commerce.

(Avec Nicolas Rauline)