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Le marché des fintechs: encore du chemin à parcourir

Si le marché africain constitue un terreau fertile pour le développement des fintechs, les pays du Maghreb, dont la Tunisie, sont encore à la traîne dans ce domaine. Et pour cause : une réglementation qui progresse à la vitesse d’escargot et un écosystème peu favorable.

L’Association des Tunisiens des Grandes Ecoles (Atuge) a organisé avec succès,  la semaine du 17 octobre 2022, la journée du Grand forum de l’entrepreneuriat tunisien. L’événement, qui s’est déroulé à Paris, s’est tenu sous format hybride et a été ponctué de tables rondes qui ont regroupé 20 start-up et structures d’accompagnement et 22 speakers, connaisseurs des écosystèmes tunisien et français. Il était, alors,  question de débattre, notamment, des enjeux de la fintech, de l’entrepreneuriat social et solidaire, des levées de fonds VC et du rôle de la diaspora dans le développement économique en Afrique et en particulier en Tunisie. La journée s’est également démarquée par la tenue d’un concours AT’Venture qui a offert l’occasion à plusieurs start-up de pitcher et de présenter leurs solutions innovantes.

D’ailleurs, lors de l’atelier

« Fintech, les tendances qui changent les services financiers », les  intervenants ont évoqué les  opportunités, mais aussi les  contraintes et les  tendances liées au domaine de la fintech en France et en Afrique, tout en s’attardant sur l’écosystème tunisien.

Pour mieux cerner les domaines d’intervention et d’activité de ces start-up qui associent finance et technologie, Andrea Bises, expert fintech en Afrique, a commencé son intervention en soulignant que  la définition de la fintech est centrée sur l’innovation.  Ainsi, l’un des rôles essentiels qui incombent à la fintech est de simplifier l’interaction avec le client. Selon l’expert, une fintech qui réussit doit être dotée d’un bon « business Model », mais avant tout, elle doit porter sur les métiers de la finance ou de la finance alternative. Évoquant le contexte financier africain, Bises a fait savoir que 80% des Africains sont exclus du système bancaire et que 20 à 35% de la population africaine vit des transferts d’argent des résidents à l’étranger. Il a indiqué qu’en Afrique, plus le système bancaire est moins développé, moins il est accessible. « Les fintechs sont le carburant de tout objectif du millénaire », a-t-il  ajouté, précisant, par ailleurs,  que le déploiement du crowdfunding sur le continent noir peut contribuer à la résolution des problèmes de financement rencontrés par les acteurs économiques et sociaux.

La zone francophone à la traîne

Selon le panéliste, le continent africain jouit d’un grand potentiel dans le domaine des fintechs. D’ici à 3 ans, leurs revenus devraient être multipliés par 8 pour atteindre les 30 milliards de dollars. « C’est-à-dire que quelle que soit la conjoncture, les fintechs vont continuer de croître. Elles sont le carburant de la croissance », a-t-il précisé.

Mais le potentiel des fintechs dépend des régions, à vrai dire. Bises  a, en effet, expliqué qu’il y a trois catégories de régions: il y a les pays qui ont pris une longueur d’avance dans ce domaine, tels que le Kenya et le Nigeria, les pays qui sont à fort potentiel, à l’instar de l’Egypte et de la Côte d’Ivoire et enfin, les régions qui sont à la traîne, essentiellement la zone francophone et particulièrement le Maghreb. Selon l’expert, ce retard serait imputé à la petitesse et la non-intégration du marché maghrébin, mais aussi à un environnement peu favorable au développement des jeunes pousses spécialisées dans les technologies financières: Dans la région du Maghreb, les investissements dans les fintechs sont de 10 fois moins que ceux dans les autres start-up.

Des conditions indispensables au développement des fintechs

Pour l’intervenant, plusieurs conditions doivent être réunies pour former un terreau fertile  pour le développement des fintechs, notamment dans les pays qui ont pris du retard dans ce domaine. Tout d’abord, il faut un cadre financier et une régulation favorables. Il a cité, à cet effet, l’exemple de certains pays qui ont réussi à promouvoir les fintechs grâce à une réglementation en perpétuelle évolution, contrairement aux pays du Maghreb, dont la Tunisie, où le cadre réglementaire progresse à la vitesse d’escargot (tous les deux, trois, voire cinq ans).

La deuxième condition consiste à avoir un environnement favorable à l’entrepreneuriat avec un assouplissement de l’accès au financement. Si les fintechs ont besoin d’appui pour pouvoir se mettre en relation avec les parties prenantes et faire appel à l’expertise nécessaire, des structures ou des institutions  dédiées  devraient être mises en place à cet effet. Le pôle de compétitivité  Finance innovation qui a été mis sur pied par les autorités françaises pour soutenir les fintechs et leur fournir les services adéquats est, selon le panéliste, un exemple qui peut faire des émules et une expérience à dupliquer dans d’autres pays.

Enfin, un écosystème dynamique, au service des fintechs serait un atout incontournable puisqu’il va les soutenir en matière de formation de talents, mais aussi en matière d’incubation et de prestation de service. Bises a, en outre, fait savoir que la collaboration gagnant-gagnant entre les compétiteurs ne fait que renforcer ces jeunes pousses. Il en veut pour preuve, l’accord qui a été signé, récemment, entre Mastercard et la Poste tunisienne visant à lancer des solutions digitales innovantes. Dans ce partenariat win-win, la Poste tunisienne va apporter la connaissance du marché, tandis que Mastercard va mettre à disposition son savoir-faire et ses connaissances en matière de services digitaux. L’expert a conclu son intervention en affirmant que la finance embarquée est  l’avenir de la fintech en Afrique.

Des institutions qui font bouger les lignes

De son côté,  Zoubeïr Ben Terdeyet, fondateur et CEO de YoChBee (une fintech du paiement), a pointé l’absence des événements dédiés à la fintech en Tunisie. Il a souligné qu’il est important de trouver les moyens de faciliter le développement de ce type de start-up, et ce, en concertation  avec la BCT et le ministère des Finances. Pour le CEO de YoChBee, il y a lieu de voir comment apaiser les relations avec les banques qui voient en les fintechs une menace. Mettre en place des structures et des institutions, à l’instar du pôle français Finance Innovation, peut, en ce sens, faire avancer les choses, estime-t-il. Le startuppeur considère que le marché tunisien, étant petit, n’est pas encore favorable au développement des fintechs. En revanche, ces dernières peuvent être une occasion pour créer des champions régionaux dans le secteur bancaire.

De son côté, Cyril Armange, directeur général adjoint de Finance Innovation, a souligné que la création de ce pôle de compétitivité  a permis d’impulser l’écosystème et de compléter l’offre bancaire. Revenant sur l’expérience française dans le domaine de l’innovation financière, Armange a expliqué que le travail qui a été effectué pour convaincre les banques — qui voyaient les fintechs comme un danger — de changer de modèle, n’était pas facile. Il a ajouté que le pôle a réussi à accélérer la mise en relation de  ces start-up avec l’ensemble des acteurs, tout en précisant que le développement des fintechs a contribué à une centralisation sur le client et non sur le produit et donc à une adaptation de l’offre bancaire aux besoins du client.

Hedi Ketari, lead data scientist chez argent labs et co-fondateur de PayTune, a, pour sa part, souligné que les fintechs se démarquent par les services qu’elles offrent pour satisfaire le  client dans sa quête de l’agilité administrative et du faible coût des services financiers.

La Rédaction (avec Kenza K et LB)

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