[Africa Diligence] Le tourisme tunisien en difficulté il y a quelques années, recommence peu à peu à redorer son blason. Pour preuve, en 2018, près de huit millions de touristiques sont attendus dans le pays. Un regain de confiance facilité par la mise en place des infrastructures modernes (hôtelières, routières etc.) et surtout la sécurité qui revient dans le pays.
Fréquentation, réservations : les indicateurs sont au vert pour le pays aux plus de 1 200 kilomètres de côtes. À Djerba, les hôtels affichent des taux de remplissage qu’ils n’avaient plus connus depuis des années. Au nord, à Sidi Bou Saïd, c’est un va-et-vient de cars de touristes fraîchement débarqués d’un bateau de croisière. Parmi la population qui vit directement ou indirectement du secteur touristique, on commence à retrouver le sourire. Du vendeur de machmoum aux employés des hôtels. Ce n’est pas encore l’euphorie, certes, mais il ne s’agit plus d’une simple reprise. On observe un mouvement plus structurel. Et ce, malgré le retour en force sur la scène touristique de l’Égypte et de la Turquie. En Tunisie, la page de 2015, année de sang avec les trois attentats du Bardo, de Sousse et de Tunis, semble se refermer progressivement. Les efforts sécuritaires menés depuis ont petit à petit effacé les restrictions de voyage qui avaient été émises par de nombreux pays.
60 % de touristes maghrébins
La tendance lourde observée depuis plusieurs années ne cesse de se confirmer : Algériens et Libyens privilégient de plus en plus leur voisin tunisien. Ils sont près de 700 000 venus d’Algérie depuis le début de l’année, en hausse de 21 %. Côté Libye, on enregistre 533 000 arrivées, plus 16 %. Tous les professionnels scrutaient l’Europe, ses devises. Les Français, une clientèle très attachée à la Tunisie, allaient-ils revenir en masse ? Ils forment la moitié du bataillon de touristes enregistrés depuis le début de l’année : 205 000 sur les 419 000 qui ont franchi la douane. Selon les estimations du ministère du Tourisme, ils seront plus de 650 000 Français à opter pour les plages qui vont de Tabarka, Nord-Ouest, à Djerba cette année. Soit une hausse de près de 50 %. Les recettes suivent : en euros, elles augmentent de 11 %. La faiblesse du dinar est un atout pour la destination. Un euro s’échange pour trois dinars depuis le début de l’année. Pour un ressortissant de la zone euro, le phénomène est très attractif. Comme il commence à l’être en Turquie avec l’affaissement de la livre. Conséquence : en termes de réservation pour l’été, la Tunisie se classe troisième derrière l’Espagne et l’Italie selon le baromètre EdV.
Le nombre de passagers flamberait de 124 % en juillet-août par rapport à 2017. Deux géants des tour-operators ont repris leurs activités : Thomas Cook et TUI. Ils ont pu négocier les tarifs à leur avantage. Depuis plusieurs semaines, Selma Elloumi Rekik, ministre du Tourisme, annonce plus de « huit millions d’arrivées pour 2018 ». En nombre, c’est très important. Reste à connaître le volume des recettes. Au 20 mai, les recettes touristiques cumulées atteignaient 876 millions de dinars contre 636 le 20 mai 2017. Les Russes ont été 123 000 à fouler le territoire tunisien depuis le début de l’année, plus 98 %. Quant aux Chinois, très prisés pour leurs fortes dépenses journalières, ils sont 11 551, jolie progression de 56,8 %. La Tunisie a entrepris une opération séduction à l’égard de cette clientèle en simplifiant au maximum les formalités.
Un des trois piliers de l’économie
Dans un contexte économique dégradé (inflation à 7,7 % en avril, chômage national à 15,4 %…), les chefs d’entreprise indiquaient qu’il fallait avant tout « consolider nos atouts, à savoir le tourisme, le phosphate et l’agriculture ». Samir Saied, directeur-général de la STB (Société tunisienne de banques), a déclaré « qu’une belle saison touristique s’annonce et le cash est disponible, même si la tarification n’a pas été très élevée ». Cette banque supporte 40 % de l’endettement touristique à l’échelle nationale. « Ses créances auprès des hôteliers s’élèvent à 1700 millions de dinars », a poursuivi le banquier lors d’un long entretien accordé à la TAP, l’agence de presse tunisienne, précisant que « le taux de recouvrement pour le premier trimestre 2018 est dérisoire » et insistant sur le fait que « les hôteliers devraient s’acquitter de leurs engagements financiers envers les fournisseurs, le fisc, la CNSS (cotisations sociales employeurs) et… les banques dont la STB ». Et d’ajouter : « Un tel comportement fait partie des bons comptes qui font les bonnes relations. »
Autre marqueur éclairant : celui du tourisme local. Les Tunisiens confirment leur intérêt pour visiter leur propre pays. En total des nuitées, les résidents représentent 1,5 million contre 2,6 pour les non-résidents. À l’aube du véritable été, des vacances scolaires au Maghreb comme en Europe, la situation du tourisme affiche donc une dynamique très favorable. Encourageant pour un pays économiquement fragile.
La Rédaction (avec Benoît Delmas)
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