[Africa Diligence] Le monde de l’entreprenariat camerounais attendait une marque de soutien des pouvoirs publics. C’est désormais chose faite. L’adoption de la loi n° 2016/014 du 14 décembre 2016 fixant le capital social minimum et les modalités de recours aux services du notaire dans le cadre de la création d’une SARL au Cameroun constitue un véritable soulagement pour les opérateurs économiques. En effet, le droit des sociétés camerounais vient de connaitre des mouvements, tirant avantage de la dernière réforme de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE).
La simplification des modalités de création d’une entreprise
Ainsi, il convient de noter que les articles 10 [1], 311 [2] et 314 [3] de l’Acte Uniforme sus-évoqué laissaient explicitement l’opportunité à chaque État membre de l’OHADA de prendre des « dispositions nationales contraires ».C’est donc à bon droit que le Cameroun, à l’instar d’autres États membres de l’OHADA tels que le Benin (décret N° 2014-220 du 26 mars 2014 portant modalités de création des SARL) et le Sénégal (loi N° 17/2014 du 15 Avril 2014 portant fixation du capital social minimum de la société à responsabilité limitée), a promulgué en date du 14 Décembre 2016 la loi N° 2016/014 du 14 décembre 2016 fixant le capital social minimum et les modalités de recours aux services du notaire dans le cadre de la création d’une Société à Responsabilité Limitée (SARL) au Cameroun (la « Loi »). Les modalités d’application de cette loi ont ensuite été précisées par le Décret n°2017/0877/PM du 28 février 2017 fixant les modalités d’authentification des statuts de la SARL établis sous seing privé dans les Centres de Formalités de Création d’Entreprises (CFCE) au Cameroun (le « Décret d’application »).
La Loi fixe désormais à cent mille (100.000) francs CFA le capital social minimum d’une SARL en son Article 1er, au lieu du montant d’un million (1.000.000) francs CFA jusque-là prévu à l’article 311 du nouvel AUSCGIE. Quant au montant minimum de la valeur nominale des parts sociales qui constituent le capital social de la SARL, il reste inchangé, c’est-à-dire qu’il ne peut être inférieur à cinq mille (5000) francs CFA.
De plus, conformément à l’article 4 de la Loi, le recours aux services du Notaire dans le processus de constitution de la SARL (authentification des statuts et libération du capital) est désormais optionnel dans deux cas :
– Lorsque la SARL est créée sous la forme unipersonnelle ; ou
– Lorsque son capital est inférieur à un million (1.000.000) francs CFA.
Ainsi, dans les deux cas sus-évoqués, toutes les parties prenantes à la création de la SARL ont désormais l’option d’établir les statuts de leur société conformément à l’article 10 de l’AUSCGIE ou par acte sous seing privé, l’authenticité dudit acte étant garantie par les centres de formalités de création d’entreprises, avec reconnaissance d’écritures et de signatures par toutes les parties prenantes.
Le Décret d’application vient ensuite préciser les modalités d’authentification des statuts établis sous seing-privé. Cette formalité est ainsi supposée être effectuée en moins de 24 heures par le Chef du Centre des Formalités de Création des Entreprises. L’authentification est actée par l’apposition par le Chef du CFCE d’un cachet portant la mention « authentifiée par le CFCE » sur chaque page des statuts. La lecture de la circulaire interministérielle N° 001/MINJUSTICE/MINPMEESA/MINFI/ du 30 Mai 2012 relative à la procédure devant les centres de formalités de création d’entreprises (CFCE) (la « Circulaire ») nous informe sur la suite des démarches de création d’une société au CFCE. Ainsi, lorsque le dossier est complètement constitué et authentifié, l’agent d’accueil transmet le dossier au service du trésor du CFCE pour l’encaissement de l’ensemble des frais exigibles à la création de l’entreprise, et la délivrance des déclarations de recettes et/ou reçus y relatifs.
Une simplification à approfondir
De même, s’agissant de la libération des fonds et dans les deux cas sus-évoqués, les associés ne devraient plus être tenus d’établir une déclaration notariée de souscription et de versement ; la seule mention dans les statuts devant désormais suffire à établir la libération et le dépôt des fonds. Toutefois, un certificat du dépositaire attestant du dépôt des fonds devrait être désormais requis par le CFCE dans le cadre du processus de création et la Circulaire devrait être modifiée en conséquence.
Ainsi, la loi N° 2016/014 du 14 décembre 2016 fixant le capital social minimum et les modalités de recours aux services du notaire dans le cadre de la création d’une Société à Responsabilité Limitée (SARL) vient considérablement faciliter les conditions de constitution d’une SARL au Cameroun, encourageant ainsi la création d’entreprises et améliorant l’environnement des affaires au Cameroun.
Toutefois, des questions peuvent découler de la Loi, notamment sur le recours aux services du notaire en cas d’augmentation de capital ou plus généralement lors de la vie de la société. En effet, la Loi semble se limiter uniquement à la création de la société. Il y a donc lieu de penser que les dispositions de l’AUSCGIE s’appliquent en cas d’augmentation (Articles 360 à 365), de réduction (Articles 366 à 370) de capital, voire plus généralement de modification des statuts. Le recours aux services du notaire sera donc obligatoire dans ces cas.
Jacques Jonathan Nyemb
Président de la Commission Droit & Compétitivité du CAVIE
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[1] OHADA AUSCGIE Article 10 : (sur les dispositions générales)
Sauf dispositions nationales contraires, les statuts sont établis par acte notarié ou par tout acte offrant des garanties d’authenticité dans
l’État du siège de la société déposé avec reconnaissance d’écritures et de signatures par toutes les parties au rang des minutes d’un notaire. Ils ne peuvent être modifiés qu’en la même forme.
[2] Article 311 : (sur le capital social de la SARL)
Sauf dispositions nationales contraires, le capital social doit être d’un million (1.000.000) de francs CFA au moins. Il est divisé en parts sociales égales dont la valeur nominale ne peut être inférieure à cinq mille (5.000) francs CFA.
[3] Article 314 : (sur la libération et le dépôt des fonds)
Sauf dispositions nationales contraires, la libération et le dépôt des fonds sont constatés par un notaire du ressort du siège social, au moyen d’une déclaration notariée de souscription et de versement qui indique la liste des souscripteurs avec les noms, prénoms, domicile pour les personnes physiques, dénomination sociale, forme juridique et siège social pour les personnes morales, ainsi que la domiciliation bancaire des intéressés, s’il y a lieu, et le montant des sommes versées par chacun.
Les fonds ainsi déposés sont indisponibles jusqu’au jour de l’immatriculation de la société au registre du commerce et du crédit mobilier. À compter de ce jour, ils sont mis à la disposition du ou des gérants, régulièrement nommés par les statuts ou par acte postérieur. Dans le cas où la société ne serait pas immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier dans le délai de six (6) mois à compter du premier dépôt des fonds en banque, dans tout autre établissement de crédit ou de microfinance dûment agréé, ou chez le notaire, les apporteurs peuvent, soit individuellement, soit par mandataire les représentant collectivement, demander au président de la juridiction compétente l’autorisation de retirer le montant de leurs apports.