L’intelligence économique au chevet de la finance

[Africa Diligence] Lors de la XVIIIème Journée française de l’intelligence économique tenue le 20 novembre à l’Ecole Polytechnique de Paris, les intervenants ont mis en avant la nécessité de mieux gérer l’information, de protéger le savoir-faire des entreprises, de valoriser l’innovation ou encore d’avoir une vision prospective. Jérôme Cazes lui s’est penché sur la finance.

Les banquiers seraient-ils insensibles à l’intelligence économique ? C’est en tous cas la démonstration qu’a faite Jérôme Cazes, ancien dirigeant de la Coface et enseignant à HEC sur la gestion des grands risques, lors d’une conférence donnée pendant la Journée nationale de l’intelligence économique d’entreprise.

Un système en vase clos

Selon lui, « La finance est un secteur extrêmement protégé, ce qui crée une culture très particulière. Les banques n’arrêtent pas de travailler entre elles, font appel aux mêmes conseillers, ont des équipes qui passent sans cesse des unes aux autres ».

De ce constat, Jérôme Cazes déroule le fil de son argumentation : « Pourquoi alors la finance n’utilise pas davantage l’intelligence économique ? Par ce que dans un monde en vase clos, il n’y en a pas besoin, puisqu’on ne s’intéresse pas à ce qui se passe à l’extérieur et que l’on connaît extrêmement bien ses concurrents. » Or l’intelligence économique est bien le fait de rechercher l’information, de la croiser, de la recouper, de la transmettre à la bonne personne au bon moment pour prendre les bonnes décisions pour l’entreprise. En somme, par la gestion de l’information, identifier les opportunités et les menaces qui pèsent sur son environnement pour innover ou protéger son savoir-faire.

Une mesure du risque erronée

Pourtant, les banques ont considérablement investi ces dernières années dans des systèmes perfectionnés de contrôles des risques. Tous les établissements multiplient les stress tests, les scénarii de fraude ou de faillite, et recrutent à tous crins pour ces métiers.

Mais pour Jérôme Cazes, « Les banques sont des agrégateurs de risques qui permettent au reste de l’économie d’en pendre plus. Et le plus bel exemple de dés-intelligence économique consiste dans l’analyse des risques bancaires. Toute la mesure du risque est fausse, car les banquiers se basent tous sur la loi de Gauss [représentée par une courbe en cloche, elle postule qu’une variable aléatoire tend à suivre une loi normale, ndlr] et pas sur celle de Pareto [principe dit de la distribution qui pose que 80% des effets sont le produit de 20% des causes, ndlr]. On peut multiplier les contrôleurs de risque, si les stress tests sont faux, ça ne sert pas à grand-chose ».

Les financiers parlent aux financiers

L’ancien dirigeant de la Coface déplore également que les banquiers, comme leurs régulateurs, ne scrutent pas assez ce qui se pratique dans d’autres secteurs d’activité que le leur. « Nous avons un problème d’intelligence économique des régulateurs, qui ne regardent pas ce qui se fait dans les autres pays. Et finalement, en matière de régulation, on caricature ce qui se fait ailleurs, au lieu de prendre le meilleur et de l’appliquer chez nous.

Le problème de la finance, c’est que les financiers ne parlent qu’aux financiers, et ne regardent pas ce qui se passe ailleurs. Or la vraie concurrence est justement celle qui vient de l’extérieur de votre secteur. Je pense par exemple à Amazon ou à Google, qui investissent le secteur financier à partir de leur connaissance des échanges et des clients », a-t-il conclut.

 (Avec Laura FORT)