Au cours d’une mission d’intelligence économique réalisée en juillet 2007 par Fred Raynal, Marc Hervé Blanchet, Guy Gweth, Jean-Luc Traineau & Pedro Santos au sein de l’école de guerre économique, nous avons passé au crible le dispositif d’Areva au Niger en vue d’y détecter les failles informationnelles exploitables par les parties adverses, et d’imaginer des scénarios d’attaques (conventionnelles ou non) après avoir identifié les « ennemis » et leurs modes opératoires.
A l’époque, le géant mondial du nucléaire faisait face à la colère du gouvernement nigérien, à l’hostilité de plusieurs ONG locales et étrangères, ainsi qu’à la pression des concurrents chinois, indiens et australiens… La victoire d’Areva en ce début 2009 donne au moins deux indications essentielles. Primo, l’équipe dirigée par Anne Lauvergeon a parfaitement saisi l’importance du management stratégique de l’information dans ce dossier et blindé son dispositif jusqu’à la signature du contrat avec les autorités du Niger. Deuxio, l’influence et la diplomatie économique françaises dans ce pays ont tourné à plein régime. L’article de Faycal Métaoui, ci-après, paru le 1er février 2009 in Les Afriques, revient sur quelques faits marquants. Extraits:
« Anne Lauvergeon, présidente du directoire d’Areva, a pesé de tout son poids pour conclure, dans les meilleures conditions, cet accord. Elle avait presque échoué dans un premier déplacement à Niamey en décembre 2008 avant d’arracher l’accord des autorités nigériennes au terme de longues négociations. Areva, présent au Niger avec ses deux filiales Somaïr et Cominak, était soupçonné par Niamey de financer les rebelles touaregs du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ) qui sont actifs dans le nord du pays. L’été 2007, Dominique Pin, directeur général d’Areva au Niger, et Gilles de Namur, chargé de la sécurité de la même entreprise, avaient été expulsés du pays.
« Le changement de cap a coïncidé avec l’émergence du MNJ. Pour Niamey, la cause était entendue : pour défendre ses intérêts, Areva a financé cette nouvelle rébellion afin de créer une situation d’instabilité dans la région d’Agadez. La Libye voisine a également été accusée d’appuyer les hommes armés. Le groupe français a aggravé son cas en refusant de communiquer des données géologiques sur le nord du Niger. Niamey, après une intervention discrète de hauts responsables français, a révisé sa position vis-à-vis d’Areva, mais l’a obligé à revoir les prix du minerai. Le groupe d’Anne Lauvergeon s’est engagé à payer le kilo d’uranium (yellow cake) à 61 euros au lieu de 41,6 euros (deux fois moins cher que sur des cours mondiaux fluctuant).
« Le nouvel accord d’Imouraren porte sur un investissement de 1,2 milliard d’euros. La capacité d’exploitation est de 35 ans pour une production annuelle de 5000 tonnes (mais la convention est limitée à 20 ans). « L’accord prévoit une répartition capitalistique de 66,65% pour Areva et de 33,35% pour l’Etat du Niger dans la société créée en vue de l’exploitation du gisement. C’est le plus grand projet industriel minier jamais envisagé dans ce pays », précise le groupe français, qui annonce la création de près de 1400 emplois directs liés au projet. Le démarrage de la production à Imouraren est prévu en 2012. Cela va permettre au Niger de se placer au deuxième rang mondial des pays producteurs d’uranium. Le gouvernement pourra commercialiser une partie de la production à travers l’entreprise Sopamin. Selon le ministre des Mines et de l’Energie, Mohamed Abdoulahi, le projet Imouraren offrira la possibilité de développer la connexion au réseau ferroviaire de la sous région (Imouraren-Cotonou) et la mise en œuvre d’un programme électronucléaire. »