Pourquoi Friedrich Ebert dénonce l’APE entre l’UE et la CEEAC

[Africa Diligence] A la suite de l’enquête commandée au cabinet camerounais Prescriptor, sur l’accord de partenariat économique (APE) entre la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC) et l’Union européenne (UE), Friedrich Ebert Stiftung (FES) dénonce un « contrat léonin ». La Fondation allemande y voit une « intelligence économique » pratiquée par l’UE en vue de tirer vers le bas l’émergence de la sous-région.

L’Accord de partenariat économique régional mis en cause est un accord commercial de Libre-échange qui prévoit une suppression progressive des droits de douane sur les produits agricoles pendant une période de 15 ans. Le document qui devrait entrer en vigueur au mois d’août prochain, prévoit également jusqu’à 80% de libéralisation des exportations de l’Union européenne vers les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC). L’UE à l’origine du document entreprend toute forme d’initiative pour pousser ces pays à le signer. Or, déplore l’ONG, l’Afrique centrale avec une faible capacité de production ne peut faire face à la concurrence européenne.

L’ONG allemande, détractrice du fameux Accord de partenariat économique (APE), a organisé récemment à Libreville un atelier à l’intention des journalistes. L’objectif, selon Friedrich Ebert Stiftung, est d’informer et impliquer davantage les médias en vue de faire barrage à un accord qui risque de freiner le développement d’une partie du continent africain.  « Nous pensons que cet accord n’est pas viable pour la sous-région. Les gouvernants et les populations doivent en prendre conscience », a interpellé, lors des travaux de l’atelier la représentante résidente du FES pour l’Afrique centrale, Susanne Stolleretter.

Nécessité d’une concertation régionale

Les deux entités ne sont pas les seules à décrier l’initiative de Bruxelles. Nombreux dirigeants et connaisseurs de l’économie sous- régionale, ne croient pas au bien fait de cet accord. Tous s’insurgent contre le Cameroun, le seul pays de la zone à avoir signé, en janvier 2014, l’APE à l’insu et contre le gré des autres Etats membres. Cet accord n’a pas fait l’objet d’une étude d’évaluation préalable, regrette le rapport du cabinet Camerounais Prescriptor, car « en signant seul un accord qui est régional, le Cameroun a commis une faute institutionnelle et politique grave ». Il invite l’Etat camerounais à se retirer, parce qu’une telle procédure devrait se faire d’une manière concertée avec les pays de l’espace communautaire avec qui le Cameroun pratique les mêmes pourcentages ou préférences tarifaires.

Les pays de la zone CEMAC (élargie à la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale) font face à une rude épreuve économique due à la chute brutale du prix du baril du pétrole. Pour se tirer d’affaire, la Banque africaine de développement (BAD) a appelé les pays concernés dépendant des revenus des matières premières à diversifier leurs économies. La BAD a estimé que la baisse des cours des matières premières constitue « une chance pour forcer ces pays à diversifier leurs revenus par d’autres activités ». L’institution financière africaine suggère aux Etats de développer les secteurs porteurs d’emplois et richesses comme l’énergie, l’agro-industrie, le bois, la TIC, les bâtiments et travaux publics, les transports… Lors d’une visite de travail à Yaoundé, la directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, a exhorté les six pays de la zone CEMAC à accroitre leurs échanges commerciaux.

Renégocier l’accord avant son entrée en vigueur en août prochain

En vue de mettre en lumière les vices cachés de l’APE, l’étude de Prescriptor donne les éléments de déséquilibre entre l’UE et le Cameroun : le produit intérieur brut (PIB) du Cameroun s’élevait à 21,2 milliards de d’euros contre un PIB de 12 924 milliards d’euros pour l’UE à 27 membres. « Il y a donc là une asymétrie dans la structure et le niveau de développement entre le Cameroun et l’Union Européenne », regrette le rapport d’expert, citant le même décalage de développement dans tout l’espace CEEAC. Dans ce contexte, les pays doivent avoir des économies à fort degré de concurrence et de spécialisation, disposer d’un commerce mutuel important entre les membres, ainsi qu’une forte complémentarité.

Le chef de l’État gabonais, Ali Bongo Ondimba, a été désigné en mai 2015, parrain des négociations par ses pairs réticents pour faciliter l’entrée en vigueur de l’APE régional le 4 août 2016. Le rapport recommande que les pays de la région Afrique centrale puissent mettre en place une « véritable stratégie de pool de négociateurs solidaires disposant des capacités techniques et de moyens informationnel et financier appropriés pour mener le dialogue permanent et approfondi avec l’Union européenne ». A en croire le rapport d’expert, « le régime commercial le plus approprié pour une véritable stratégie d’émergence économique, de compétitivité et de développement industriel des pays d’Afrique centrale est le régime de la nation la plus favorisée ».

La Rédaction (avec Fiacre Kombo)