[Africa Diligence] Au terme de négociations avec la Banque africaine de développement la multinationale québécoise SNC-Lavalin a finalement accepté de payer 1,5 million USD en plus de devoir respecter une série de conditions pour continuer à faire des affaires en Afrique. Rattrapée pour des faits de corruption au Mozambique et en Ouganda.
Annoncée le mois dernier, l’entente découle d’une enquête concernant des allégations – qui ne sont pas contestées par SNC-Lavalin. D’après les investigations, d’anciens employés de sa filiale internationale auraient effectué des « paiements illicites » en échange de contrats.
Un des contrats octroyés à la multinationale en octobre 2008 concernait la supervision de la construction de routes et de ponts dans la province de Niassa, au Mozambique, où elle pilote toujours des projets. L’autre concerne un mandat similaire en 2010 en Ouganda.
Ni SNC-Lavalin ni la BAD n’ont identifié les personnes visées par ces enquêtes dans leurs communiqués respectifs. Aucune autre filiale de la multinationale ne sera sanctionnée.
En plus du paiement de 1,5 million USD, l’entreprise devra respecter, durant presque trois ans, plusieurs conditions – qui n’ont pas été énumérées publiquement. Un porte-parole de SNC-Lavalin a certes fait savoir que l’entreprise ne négociait actuellement pas d’autres ententes similaires ailleurs dans le monde, mais Africa Diligence dément cette information.
En 2013, la Banque mondiale avait déjà radié l’entreprise, ainsi qu’une centaine de ses filiales de tous ses appels d’offres liés à des projets qu’elle finançait en lien avec des allégations de malversations au Bangladesh ainsi qu’au Cambodge.
Très diplomate, le président et chef de la direction de SNC-Lavalin, Robert Card, a estimé que l’annonce du règlement démontrait la possibilité d’engager un « dialogue constructif et que des mécanismes efficaces peuvent être employés pour récompenser les mesures correctives adoptées par les entreprises ». La firme d’ingénierie aimerait que le Canada adopte un modèle similaire à celui du Royaume-Uni et des États-Unis, où il est possible de payer une amende afin d’éviter les accusations criminelles qui pourraient priver les entreprises de décrocher des contrats publics.
SNC-Lavalin est repassé devant le tribunal le 16 octobre dernier dans une cause criminelle la visant au Canada. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) affirmait que l’entreprise avait versé 47,7 millions USD à des titulaires de charges publiques en Libye dans le but de les influencer. La police fédérale affirmait également que ses divisions Construction et International auraient privé diverses organisations locales d’environ 129,8 millions.
Selon certains analystes, l’entente avec la BAD est un petit pas dans le long processus qui doit permettre à SNC-Lavalin de tourner la page sur son passé tumultueux. « Si la compagnie n’a pas été radiée à l’étranger, je crois que cette possibilité au Canada diminue de plus en plus », a expliqué Maxim Sytchev, de Marchés financiers Dundee. Selon cet expert, les radiations, même si elles sont réduites, causent des torts majeurs aux entreprises ainsi qu’à leurs employés. « D’un point de vue politique, il devient de plus en plus difficile de penser à les sanctionner », a expliqué l’analyste, au cours d’un entretien téléphonique.
Même s’il estime que l’entente avec la BAD est relativement mineure, Chris Murray, d’Altacorp Capital, croit qu’elle prouve le changement opéré en matière d’éthique chez SNC-Lavalin.
La Banque africaine de développement a par ailleurs souligné la coopération de SNC-Lavalin au cours des enquêtes, ajoutant que la firme d’ingénierie avait démontré sa volonté de changer ses pratiques. « Les sanctions imposées au terme de l’accord négocié reflètent le niveau de coopération de l’entreprise dans cette enquête », a indiqué en octobre Anna Bossman, la directrice du Département de l’intégrité et de la lutte contre la corruption de la BAD.
La Rédaction (avec Julien Arsenault)