[Africa Diligence] Une idée fortement ancrée dans les perceptions présente l’Afrique comme une terre de solidarité. Opposée à l’individualisme occidental, la solidarité africaine moderne cache pourtant une réalité dont il est tabou de parler. Pour vous, Cédric KALONJI brise l’omerta sur l’une des plus grandes entreprises d’exploitation des Africains par eux-mêmes.
Plus qu’une option, l’entraide est un devoir. Très jeunes, nous apprenons à nous dévouer pour le bien-être de la famille, avant de penser à notre épanouissement personnel. Les Africains de la diaspora le savent bien. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils émettent tous les mois des mandats au bénéfice du «bled».
Les transferts d’argent de la diaspora africaine ont atteint un montant de 21,5 milliards de dollars (15,4 milliards d’euros) en 2010, selon un rapport de la Banque mondiale. Cette somme équivaut à quatre fois le budget annuel de la République démocratique du Congo (RDC). Une preuve éloquente de solidarité de la part de ceux qui sont partis et qui sont obligés d’assister les leurs, restés dans des pays pauvres et gérés de manière calamiteuse.
Depuis son deux-pièces au 14e étage d’une tour HLM à Melun (région parisienne), Rolly arrose sa famille restée à Kinshasa en RDC. Arrivé en France en 1998, il a vécu dans la clandestinité pendant neuf ans. Régularisé en 2008, il travaille actuellement comme vigile dans une grande surface. Ce job lui permet d’empocher un peu plus que le salaire minimum (1.400 euros). «J’aide mes parents et mes quatre frères et sœurs restés au pays», confie-t-il. Tous les mois, c’est en moyenne 500 euros qui transitent par les agences de transfert de fonds.
«Je paie pour les études de mes frères et sœurs et pour le loyer de mes parents. J’essaie dans la mesure du possible d’aider les cousins et les oncles qui sont nombreux à m’appeler au secours.»
Une fois les transferts effectués, Rolly se débrouille avec le reste, en attendant la fin du mois suivant. Il ne sort presque jamais et fait très attention à ses dépenses.
N’en déplaise à Monsieur Guerlain qui émit un jour des doutes quant à la «capacité du nègre à travailler», ils sont nombreux ces Africains qui peinent, cherchent et frottent pour entretenir la famille. Ils le font si bien qu’ils oublient de s’occuper d’eux-mêmes, obnubilés par la soif de servir.
Et c’est bien tard qu’ils se rendent compte qu’ils ne sont plus que des porte-monnaie sur pattes, au service de frères, cousins et oncles qui en demandent toujours plus et qui ne se rendent pas compte de la peine éprouvée pour gagner les euros qui entretiennent le village.
Pressions familiales et chantage
«Le jour où j’ai appelé mon père pour lui dire que je n’en pouvais plus de la clandestinité et que je voulais rentrer au pays, j’ai cru qu’il aurait une attaque», se souvient Céhinah. Actuellement nounou dans une bonne famille du XVIe arrondissement de Paris, cette Ivoirienne a débarqué en France il y a une dizaine d’années pour poursuivre ses études en droit. «Alors étudiante, j’étais quand même obligée de travailler pour envoyer de l’argent au pays.» Elle arrête les études et c’est là que les choses se gâtent. Injonction de quitter le territoire, passage à la clandestinité, travail au noir, bref l’enfer.
«Je me souviendrai toute ma vie de cette conversation avec ma mère. Elle était en larmes. Elle m’a dit que je n’avais rien à faire au pays. Ma place était en France. Je devais y rester, travailler et aider la famille. Je me suis sentie seule. Personne n’avait l’air de se soucier de mon sort. Mes propres parents n’avaient pas l’air de comprendre que c’était très dur la vie de sans-papiers.»
Que penser lorsque vos parents vous font comprendre qu’ils préfèrent votre argent à votre présence? «Lors de mes visites au pays, j’ai la bizarre sensation d’être culpabilisée pour avoir payé très cher un billet d’avion. Je ferais peut-être mieux d’envoyer l’équivalent de l’argent dépensé, plutôt que d’aller rendre visite à ma famille», regrette Céhinah.
Avoir un enfant, un frère ou une sœur dans l’hémisphère Nord est un motif de fierté. Pas besoin de travailler, le «Parisien» assure. Ainsi, les jouisseurs de la filière «famille à l’étranger», ceux qui fréquentent régulièrement les agences de transfert d’argent, ont plus de chances de séduire la gent féminine qu’un travailleur local. Cela sans compter les mariages arrangés entre maris du Nord et femmes du Sud. La preuve même qu’on peut s’aimer et se faire des cadeaux sans s’être jamais vu!
Certaines familles poussent le vice jusqu’au chantage. Les ancêtres maudiraient leurs descendants qui s’écartent du chemin de la solidarité. Il faut également tenir compte du fait que, dans bien des cas, la famille cotise pour payer le billet d’avion ou les passeurs. Quoi de plus normal que d’attendre un retour sur investissement?
La provenance des fonds n’a aucune importance
La pression familiale pousse certaines filles à la prostitution. Il suffit de traîner autour des quartiers chauds du XVIIIe arrondissement de Paris —de la gare du Nord à la porte de Clignancourt— pour croiser le chemin de ces péripatéticiennes venues d’Afrique. Les bisous exotiques se bradent ici pour des sommes allant de 10 à 30 euros. Il en faut des passes pour réunir les centaines d’euros à envoyer au bled.
Les bénéficiaires de la solidarité sont très peu regardants sur la provenance de l’argent. Ce qui compte, c’est de recevoir ses euros. Ils sont prêts à inventer des besoins pour recevoir une enveloppe plus importante. C’est ce que vit Romain, échafaudeur d’origine congolaise:
«Il y a quelques années, mon frère m’a appelé pour m’annoncer que sa femme était très malade. Il avait besoin d’argent pour l’emmener à l’hôpital. Pris de panique, j’ai couru vers une agence pour effectuer un transfert. J’apprendrais plus tard que ma belle-sœur n’avait jamais été malade. Mon frère avait inventé une histoire pour me soutirer de l’argent.»
Il ne faut surtout pas se plaindre lorsqu’on se rend compte de la supercherie. Vivre à l’étranger, c’est un peu comme avoir une source intarissable d’argent.
Il est fréquent qu’un émigré célibataire et sans enfants entretienne la famille de son frère qui a deux femmes et une flopée d’enfants.
Une solidarité qui reste informelle
Dans la chaîne de la solidarité, il vaut mieux être du côté de l’arrosé. Etre solidaire, c’est en quelque sorte accepter de se faire ruiner sans broncher. Les milliards des expatriés viennent combler un déficit causé par une gestion catastrophique de la chose publique sur tout le continent. Plutôt que de s’insurger et demander des comptes à ses dirigeants, l’Afrique fait porter le fardeau à sa diaspora.
Les millions de dollars envoyés de l’étranger ne créent-ils pas une culture de la dépendance plutôt que du travail et de la réalisation personnelle?
La question se pose sérieusement quand on sait que l’essentiel des fonds transférés sur le continent par les rescapés du bateau africain financent les petits besoins du quotidien, dans le cercle familial. Il n’a jamais été question d’investissements de masse sur des projets d’envergure, susceptibles de sortir le continent d’un marasme économique quasi-endémique.
Cédric KALONJI
Très bonne analyse mais pas équilibrée. A mon avis, il fallait montrer aussi que la diaspora aime « se montrer capable ». Il suffit de voir ces gens de la diaspora se pavaner dans les rues africaines et dans les familles quand ils sont venus en congé. C’est de la démonstration du changement lié à la richesse/euro-dollar! De toutes les façons, ils n’aimeraient pas qu’on leur dise qu’ils ne sont pas riches ou qu’ils ne sont pas capables. Ils disent à celui qui veut l’entendre que les choses ont changé! On les prend donc pour ce qu’ils sont. Pour qu’on les croit et pour qu’on les prennent pour ce qu’ils sont ainsi qu’ils sont décrit dans cet article, qu’ils apprennent à dire la vérité et à vivre humblement et qu’ils n’oublient pas leurs origines souvent modestes. Et là c’est toute une déprogrammation mentale et comportementale dont il est question.
Bonjour,
Les « diaspora » enrichies par les « biens mal acquis », se sont planqués en occident, alors que les pauvres vivaient l’enfer dans leurs pays en proie aux luttes occidentales pour conserver leurs positions néocoloniales. Beaucoup ont renoncé à leur pays d’origine, ayant réussi à s’intégrer en communautés ethniques à l’étranger.
Ceux qui viennent pavaner doivent montrer qu’ils onr réussi, sous peine detre la honte de la famille. Du coup, ce sont des valeurs occidentales qu’ils importent, en forte contradiction avec les valeurs traditionnelles de solidarité, famille étendue, partage, liens sociaux. Ils importent un modele capitaliste, liberal, individualiste, égoïste, qui fait le malheur des occidentaux. Sans compter leur expertise en fuite des capitaux, traffics, fraudes fiscales et jen passe. Hélas, beaucoup de ceux qui « rentrent » ont échoué, et roulent des mécaniques comme s’ils avaient réussi. Ils prétendent alors à des postes de haut niveau, se présentenr aux élections et sont prététieux et suffisants. Il ne faut pas s’y tromper et offrir localement les structures éducatives scolaires et universitaires pour une prise en main des rennes dans son pays, sans avoir de complexes vis à vis de cette diaspora de parade.
A la lumière de ce que je viens de lire…mon pays le Gabon est donc un ovni en Afrique vu que les flux sortant sont bcp plus important que les flux entrants. Il suffit de rendre au Western Union le plus proche pour se rendre compte qu’il y a plus d’envoi de fonds que de réception. Non seulement nous avons bcp d’expatriés ici et les gabonais sont souvent ceux qui « depannent » leurs parents partis à l’étranger !
Le Gabon est une filiale des partis politique de droite francais. D’ou vient cette manne qui dégouline du pays a destination des politiciens français, pour financer leurs campagnes electorales. Elf Gabon (total) vous connaissez ?
Ne faites pas le naif: qui « dépanne » qui que ce soit ?
Ils se dépannent eux-meme, pour s’offrir des apparts que les francais ne peuvent pas se payer. Ils gangrennent la france et le gabon.