Côte d’Ivoire | Trafigura fait la loi aux victimes du Probo Koala

C’est dimanche 20 septembre 2009 que Trafigura a annoncé avoir trouvé un accord avec 31 000 victimes des déchets toxiques du Probo Koala. Pour arrêter les poursuites judiciaires engagées par la Côte d’Ivoire en 2007, l’entreprise néerlandaise avait versé 100 milliards de francs Cfa à l’État ivoirien.

La semaine dernière, c’est Leigh Day & Co, le cabinet d’avocats londonien qui se proposait de défendre les victimes ivoiriennes en 2006, qui est allé servir une enveloppe de 750 000 francs Cfa à chacune, assortie d’un contrat où les personnes « indemnisées » s’engagent à cesser toute poursuite judiciaire contre l’entreprise. Trafigura ne répondra peut-être jamais de ses crimes devant la justice (20 morts et 100 000 personnes intoxiquées) mais on n’oubliera jamais non plus.

Trois ans plus tôt

Abidjan, 20 août 2006, 06 :20. Aminata, 28 ans, s’est levée plus tôt que d’habitude à la suite d’un cauchemar. En pleine forme, la jeune infirmière profite de son temps d’avance pour apprêter le petit déjeuner de ses 2 fillettes : Léa, 3 ans et Philippa, 5 ans. A 6 :35, Claude son époux se lève à son tour et la surprend alors assise à même le sol, la tête en arrière contre la porte de la cuisine, un mouchoir vert sur le nez. L’expert comptable de 34 ans ne tarde pas à comprendre ce qui arrive à sa bien-aimée. C’est alors qu’il décide d’ouvrir toutes les issues de l’appartement pour laisser entrer l’air frais. Lorsque le réveil sonne à 6 :45, les fillettes se lèvent, le pouce et l’indexe en triangle sur les narines. « Maman, maman, c’est quoi cette odeur d’œufs pourris ? », s’écrie Léa… qui ignore à cet instant précis que sa mère ne lui répondra plus jamais.

La veille, dans la nuit du 19 au 20 août 2006, le Probo Koala, un navire russe affrété par la néerlandaise Trafigura (battant pavillon panaméen) parti d’Espagne depuis plusieurs mois, accoste à Abidjan, principal port d’Afrique de l’ouest pour une vidange. Avec la complicité de quelques personnalités locales et la dextérité de Weibs et Puma Energie, le navire européen déverse d’après Greenpeace, 400 tonnes de boues issues du raffinage pétrolier, riches en matière organique et en éléments soufrés très toxiques (hydrogène sulfuré, H2S et mercaptans) sur 11 sites d’Abidjan, en totale violation des normes internationales en vigueur. Selon nos sources, les séquelles de cette catastrophe innommable – qui a fait une quinzaine de morts et provoqué plus de 17000 consultations médicales- traverseront la génération abidjanaise actuelle.

Plus jamais ça!

Dans la zone CEMAC, les analystes qui suivent cette actualité de près en ont tiré cinq leçons majeures:

1. L’Afrique continue d’être perçue comme une zone de non-droit absolu où les nations « civilisées » peuvent espérer agir en violation des normes internationales. «L’Europe intoxique l’Afrique»! Tel est le slogan qui a été peint par les militants de Greenpeace en lettres jaunes sur la coque du Probo Koala.

2. Les entreprises étrangères peuvent donc s’affranchir des lois et règlements en vigueur dans leur propre pays et aller semer la mort et la désolation, ailleurs, là-bas, dans les lointaines Afriques…

Guy Gweth