3 ans : l’âge qui risque d’incendier le marché automobile algérien

[Africa Diligence] Plaque tournante du véhicule d’occasion, le marché de Tidjelabine, 40 km à l’est d’Alger, ne désemplit pas. Avec une offre hebdomadaire forte de plus de 2 500 voitures, toutes marques confondues, ce marché enregistre une tendance à la baisse après l’annonce de la levée d’interdiction d’importer les véhicules de moins de 3 ans.

Moins d’une semaine après l’annonce du ministre du Commerce sur la levée d’interdiction d’importer les véhicules de moins de 3 ans, vite démentie ou remise en cause par d’autres sources gouvernementales, les Algériens se montrent divisés sur le sujet. C’est la nette impression que nous avons eue au marché de Tidjelabine qui reçoit, chaque samedi, des vendeurs du véhicule d’occasion des quatre coins du pays.

“Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question. Quand l’État décide de lever cette interdiction, il fallait d’abord mesurer les dégâts. Le marché d’occasion local déborde et on vient nous ajouter des importations. Qu’on organise notre marché et qu’on nous laisse gagner notre vie”. Visiblement irrité par notre question, ce jeune Algérois scrute les acquéreurs. Ses trois véhicules, bien “présentés”, des Volkswagen Tiguan des années 2010, sont estimés à moins de 3 millions de dinars. “Allez acheter un Tiguan à 7 millions de dinars alors !”, rouspète-t-il.

En face, trois Renault Symbol de fabrication locale et datant de 2015 sont exposées au prix de 145 millions, une offre que le propriétaire estime très basse. “Je ne vends pas à ce prix-là. Il y a quinze jours, j’ai vendu une Symbol à 148 millions. Vous trouvez normal qu’on nous annonce le véhicule de moins de 3 ans ?”, s’interroge-t-il, comme pour défendre la bonne cause. Un autre revendeur n’entend pas cette mesure de cette oreille. “Au contraire, le véhicule de moins de 3 ans va ranimer le marché. Je revends les voitures d’occasion depuis plus de 15 ans. Il faut dire que les véhicules d’occasion et importés par les concessionnaires n’ont aucune valeur”, témoigne-t-il.

“Faux !”, réponds un autre revendeur, originaire de Tizi Ouzou. Ce dernier propose une Hyundai Atos. Cette mini-citadine en vogue dans la ville des Roses et le Grand-Sud, est affichée à 98 millions malgré son millésime datant de 2011 et 165 000 km au compteur. “Cela dépend de ce que tu proposes. Au fond, je ne suis pas contre le retour du véhicule de moins de 3 ans, mais, au final, nous allons couler.

Il faut dire la vérité”, lui répond-on sèchement. Ce n’est pas le cas de deux jeunes qui affichent trois Kia Picanto année 2013 au prix fixe de 165 millions. “C’est une aberration ! Malgré le prochain retour du véhicule de moins de 3 ans, les prix s’affolent sur le marché d’occasion”, se révolte un acheteur.

Pour les occasions dans le segment “M” (Megane, Golf, Passat, Leon, Jetta, Auris…etc.), le marché est davantage à la baisse. “Je n’ai aucune proposition sur ma Seat Leone FR (2015). Pourtant, elle est dans un excellent état, avec seulement 15 000 km au compteur. J’ai décidé de fixer son prix à 375 millions. Je sais qu’avec le retour des véhicules de moins de 3 ans, c’est la mort subite pour le marché d’occasion local. Si ça continue comme ça, je change d’activité”.

Il est 8h du matin, des centaines de vendeurs et de revendeurs affluent encore à Tidjelabine dans l’espoir de “liquider” leur marchandise. Mais, il y a peu de clients. “D’habitude, les premiers clients arrivent à partir de 5h du matin. On sent la baisse de la demande, mais les prix sont restés les mêmes, sauf pour les grosses cylindrées qui ont chuté de moitié”, nous dira un restaurateur. Avec plus de curieux et de spéculateurs, le marché de Tidjelabine continue de recevoir des visiteurs peu animés par la volonté d’acquérir une voiture.

En attendant le cahier des charges portant sur l’importation des véhicules de moins de 3 ans, le marché algérien totalise, selon les tranches d’âge, 1 368 549 unités (24,08 %) de moins de 5 ans, 892 196 véhicules (15,70%) de 5 à 9 ans, 508 815 unités (8,95%) de 10 à 14 ans, 187 067 unités (3,29%) de 15 à 19 ans et 2 772 529 autres unités (47,98%) de plus de 20 ans. Soit près de 6 millions d’unités, faisant de l’Algérie un parking à ciel ouvert.

La Rédaction (Avec Farid Belgacem)