Imen Essoltani, la promise de Tunis, regarde l’Afrique émergente avec des yeux d’amour

[Africa Diligence] À 24 ans, Imen Essoltani ne s’en cache pas : elle n’a vraiment jamais aimé les études, malgré de belles années en école de commerce. En revanche, avoue-t-elle, « j’ai toujours eu un amour incommensurable pour l’Afrique. Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai également toujours été attirée par le commerce et l’entreprenariat. » Ces deux amours lui font regarder l’Afrique émergente avec des yeux qui brillent.

La Tunisienne Imen Essoltani aime rappeler qu’elle est aussi Française, soucieuse de rendre à l’Hexagone ce qu’elle a reçu de sa seconde patrie. « J’ai grandi près de Lyon », dit-elle. Son parcours est assez atypique. Comme des milliers de jeunes, reconnait-elle, elle n’a jamais vraiment aimé l’école. Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles elle manque son baccalauréat à l’âge de 18 ans. Seule certitude : c’est donc sa première entrée dans la vie active.  « Après une succession de contrats précaires durant cinq ans, reprendre le chemin de l’école m’a paru indispensable. J’aspirais à une meilleure vie professionnelle. Me lever chaque matin à reculons pour gagner ma vie n’était plus envisageable » reconnaît aujourd’hui la jeune leader. En parallèle de son emploi, elle suit des cours du soir pour l’obtention d’une capacité en Droit et s’inscrit en candidate individuelle pour obtenir mon Bac littéraire qu’elle obtient en 2010. Dans la foulée, elle enchaîne avec un BTS en commerce international, puis une licence en marketing en alternance, et un Master en École de Commerce pour bien baliser sa trajectoire.

« Les qualités qui m’ont été indispensables sont : la persévérance, la détermination et surtout la patience : élément sine qua non pour tout individu aspirant à une vie meilleure », souligne la promise de Tunis pour qui l’émergence de l’Afrique est le rêve le plus cher. C’est donc une jeune femme profondément amoureuse de l’Afrique qui a accepté de répondre à nos questions.

Africa Diligence : Croyez-vous en l’émergence économique du continent africain ?

Imen Essoltani : Je pense que le mot croire n’est pas adéquat. Je suis convaincue que l’Afrique est promise à un grand et bel avenir. C’est un continent rempli de ressources qui n’a juste pas pris le temps de grandir patiemment et dont les dirigeants n’ont juste pas toujours fait les bons choix. Mais je suis sûre que cela va arriver et plus tôt qu’on ne le croit. Tout le monde voit l’Afrique comme un marché de seconde catégorie sur lequel on peut commercialiser des produits qui ne sont plus tendance sur les marchés européens ou américains, mais c’est faux.

Sa plus grande richesse est sans aucun doute symbolisée par les Hommes qui la composent. Des Hommes et des femmes qui, malgré la précarité dans laquelle ils vivent au quotidien, gardent le sourire et avancent. Ils sont au plus bas de l’échelle sociale, c’est la raison pour laquelle ils donnent tout. Une humilité à toute épreuve, dont nous manquons cruellement. Nous avons d’ailleurs beaucoup à apprendre d’eux. Quand je dis « nous » je parle de ces générations comme la mienne qui n’ont connu l’Afrique que sous l’angle de leurs vacances d’été.

J’y crois parce que les Hommes qui construiront l’Afrique de demain seront originaires de sa terre et feront d’elle une femme respectueuse qui ne veut plus se positionner en victime mais en une femme d’Honneur. Une femme sur laquelle même ses anciens rivaux pourront compter. Je vois ce continent débordant d’optimisme, loin de l’image qui est véhiculée par les médias. Je l’imagine, belle ambitieuse et bourrée de talents cachés qui ne demandent qu’à éclore.

S’il fallait vous aider à contribuer au développement rapide de l’Afrique, quels leviers pourrait-on activer ?

Le premier est sans nul doute la jeunesse. Ce levier emmènera l’Afrique là où personne n’est jamais allé. Cette jeunesse qui s’instruit, qui quitte le continent pour aller étudier en Occident et qui, lorsque vous lui posez des questions sur ses projets professionnels, vous répond – avec le plus beau sourire – qu’elle n’a jamais eu pour ambitions de rester à l’étranger, mais de retourner sur ses terres d’origine pour créer de l’emploi et tirer l’Afrique vers le haut.

J’admire cette idée. Aucune pointe d’égoïsme ou d’hypocrisie dans leurs discours. Ces jeunes ne cachent pas leur envie de devenir riche, mais ils veulent intégrer ce paramètre social qui n’est pas un automatisme pour les entreprises européennes. C’est parce qu’ils ont côtoyé la pauvreté de près qu’ils sont si altruistes.

Nous devons impérativement apprendre à composer avec ces différences qui, parfois, nous opposent. Mais ce sont ces différences-là qui construisent une complémentarité évidente qui saura résister à toutes les épreuves. Nous devons impérativement mettre de côté l’aspect victimaire sur lequel on se repose tellement et que l’on se retrousse les manches pour construire notre continent où il y a tant à faire.

Le second levier à activer est d’être capable de sensibiliser les entreprises privées. En effet, les États ne peuvent se substituer aux devoirs des institutions privées. Ils doivent prendre leurs responsabilités quant au développement de ce continent et arrêter de penser que les notions de rentabilité et de bénéfices ne sont pas compatibles avec le social. J’estime qu’en 2015 il n’est pas normal qu’il y ait plus de personnes qui meurent d’obésité que de faim.

Et le troisième levier serait le système bancaire. Les banques ont la capacité de financer des projets de développement. Ces institutions devraient financer les projets les plus pertinents en octroyant des prêts à taux zéro. Comment gagneraient-elles alors de l’argent ? En devenant actionnaire durant une durée limité, elles se rémunéreraient en ponctionnant un pourcentage sur le chiffre d’affaires. Et si le projet ne fonctionne pas, la banque ne réclamerait rien au chef de projet. Le but étant de pousser les jeunes à entreprendre.

Si vous vous retrouviez à la tête de votre pays, dans les 24 heures, quelles seraient vos trois premières décisions ?

Instaurer un revenu minimum et imposer aux multinationales implantées sur ce continent d’embaucher des locaux. En contrepartie ils auraient des réductions fiscales ou autres avantages. Je trouve que les gouvernements les encouragent à s’implanter mais qu’il existe beaucoup trop de barrières à l’insertion et au développement de ces jeunes africains.

Il faut mobiliser de nombreuses parties prenantes et les entreprises privées en font partie. Elles auraient même davantage à y gagner. Lorsque l’on crée des emplois, que l’on se préoccupe de ce qui nous entoure. Les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux projets sociaux que peuvent développer les institutions.

Je mettrai en place des partenariats avec des entreprises à la fois européennes, américaines ou encore asiatiques. Le but étant de faire jouer la compétitivité non pas pour choisir le moins disant mais celui qui a le plus beau projet de développement local pour mon pays. Celui qui générera le plus d’emplois, celui qui offrira les meilleures conditions de travail. Sensibiliser ces acteurs est de loin un facteur important mais leur offrir des avantages fiscaux n’est pas une solution. En effet, ils trouveront toujours mieux ailleurs il faut donc que nous trouvions un avantage concurrentiel.

Et enfin, je ferai le choix de mettre la femme au cœur de ma stratégie politique. J’imposerai donc, à toutes les institutions publiques ou privées un quota de 10% de femmes aux postes stratégiques de la structure. C’est triste à dire mais même en France, la loi est notre levier le plus fort pour instaurer des lignes de conduites à suivre.

Que pensez-vous de l’avènement du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Économique ? 

C’est une excellente idée. Le Maroc est l’un des pays africains précurseurs dans le domaine de la veille et de l’intelligence économique. Étendre cela au continent est une merveilleuse opportunité pour mettre en exergue les institutions africaines. C’est surtout indispensable dans un contexte économique de plus en plus concurrentiel.

Mais il ne faut pas se voiler la face : Japonais, Américains ou encore Britanniques ont une longueur d’avance sur nous. De plus, c’est bien joli de fixer des objectifs avec des plans d’actions cependant, il faut une réelle stratégie opérationnelle. Si cette dernière fait appel à des acteurs du terrain prêts à s’investir réellement pour fortifier une stratégie d’intelligence économique alors oui, je suis complètement pour la mise en place de ce Centre.

Ce qui m’effraie également, comme beaucoup de stratégies qui sont lancées sur des échelles continentales, c’est que le taux de réussite est malheureusement très faible. Nous sommes quand même toujours que ce soit en Afrique ou ailleurs dans une phase de protectionnisme prononcé et non assumé. Est-il possible aujourd’hui, pour les pays africains, de mettre leurs intérêts nationaux de côté pour s’associer et ainsi devenir le continent possédant le plus grand nombre des brevets au monde ? J’y crois personnellement, mais cela prendra du temps. Nous devrons être ouverts à l’évolution et surtout faire participer la jeunesse entrepreneuriale en laquelle je crois plus que tout. C’est elle qui changera la donne, j’en suis convaincue.

Propos recueillis par la Rédaction

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