L’Afrique centrale devant le risque d’une crise sans précédent

[Africa Diligence] Sous les assauts répétés de Boko Haram, l’Afrique centrale est le théâtre de ravages curieusement peu médiatisés. Depuis 2009, le groupe islamiste a, en effet, causé la mort de près 20 000 personnes dans la région du Lac Tchad. La communauté internationale est prévenue : sans un puissant soutien des pays donateurs, le golfe de Guinée pourrait connaître la pire crise humanitaire que le monde ait connue.

Plus de neuf millions de personnes ont « désespérément » besoin d’aide dans la région du Lac Tchad, touchée par l’insurrection islamiste de Boko Haram, a déclaré à la presse, à Genève, le secrétaire général adjoint des Nations Unies, Toby Lanzer. Environ 65 000 personnes vivent « dans une situation semblable à la famine » dans cette région, a-t-il souligné.

Malnutrition et maladies

Ce haut responsable a en outre dit y avoir été témoin des pires souffrances qu’il ait jamais vues. « J’ai travaillé au Darfour », a ainsi déclaré Lanzer, en référence à cette région soudanaise ravagée par la guerre, « l’échelle et l’ampleur des souffrances que j’ai vues [au Nigeria] sont sans comparaison selon mon expérience ».

Selon l’ONU, 80 000 enfants dans le nord-est du Nigeria pourraient mourir s’ils ne reçoivent pas une aide alimentaire dans un futur proche. En juillet, l’ONU avait annoncé que 250 000 enfants de moins de 5 ans souffraient de malnutrition aiguë dans le seul État du Borno, dans le nord-est du Nigeria.

Quelque 4,5 millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence dans tout le nord-est du pays. C’est deux fois plus qu’en mars, des chiffres « très, très, très au-dessus des seuils d’urgence », selon le Dr Bamidele Omotola, nutritionniste pour l’UNICEF. « La dernière fois où nous avons été confrontés à des cas aussi graves, c’était pendant la guerre civile » de 1967 à 1970, se souvient le médecin.

Coupés du monde

Lors de la guerre du Biafra, plus d’un million de personnes sont mortes de famine ou de maladies liées au manque de nourriture, le gouvernement fédéral ayant imposé un blocus au lendemain de la déclaration de sécession de cette région du sud-est.

Aujourd’hui, dans le nord, l’instabilité et les combats ont coupé du monde une grande partie du territoire. Les routes sont bloquées par l’armée, les villageois regroupés dans des camps où ils manquent de tout et où les humanitaires ne peuvent se risquer.

Les villageois n’arrivent plus à faire face aux pillages incessants de leurs récoltes, les terres ont été détruites ou parsemées de mines antipersonnel, les points d’eau contaminés, et les pénuries ont fait augmenté les prix sur les étals des marchés.

Appel de fonds

L’insurrection de Boko Haram a fait plus de 20 000 morts et contraint plus de 2,6 millions d’habitants à fuir leur foyer dans le nord-est du Nigeria depuis 2009. Cette insurrection s’est étendue au Niger, au Tchad et au Cameroun. Mais malgré ces chiffres impressionnants et l’ampleur de la crise, l’aide internationale se fait attendre.

Les Nations Unies ont lancé un appel de fonds de 739 millions de dollars concernant toute la région affectée, connue sous le nom du bassin du Lac Tchad, dont environ un quart a été financé jusqu’à présent. L’ONU n’a reçu des engagements que de 197 millions de dollars. « Si nous ne nous engageons pas davantage, avec y compris une hausse de notre programme d’aide, nous sommes au-devant de la plus grande crise jamais constatée », a-t-il dit.

Les Nations unies et de nombreuses ONG sonnent continuellement l’alarme, depuis deux mois, sur la situation de détresse alimentaire qui touche la région du Lac Tchad, affectée par des déplacements massifs de population dus au conflit.

Boko Haram a été repoussé par une offensive de l’armée nigériane et des forces régionales, mais de grandes parties du territoire restent hors de contrôle et inaccessibles pour le personnel humanitaire. Des travailleurs humanitaires qui ont eu accès à des zones libérées de Boko Haram ont décrit une situation catastrophique « sans précédent, à l’exception de la Syrie », a souligné Lanzer.

La Rédaction (avec AFP)