Amener les start-up africaines à lever des fonds. Mais comment ?

[Africa Diligence] L’environnement du monde de l’entreprise reste toujours marqué par une constante : le manque de financement. Une étude publiée par le fonds de capital-risque Partech Venture fait état d’un volume annuel d’investissement de l’ordre de 370 millions d’euros chez des start-up africaines sur l’année 2016, l’année précédente 15,72 milliards de dollars ont été investis dans les start-up américaines sur un trimestre.

Le constat d’un paradoxe

Un paradoxe apparaît donc : d’un côté, il y a un potentiel de création d’entreprises très fort sur le continent, mais ce potentiel ne parvient pas à s’exprimer dans la mesure où il ne rencontre pas l’investissement nécessaire. Est-ce un problème de ressources ? Non, je fais ici l’hypothèse qu’il s’agit plutôt d’un problème de notoriété. Les « jeunes pousses » africaines à fort potentiel ne sont pas connues ou difficilement identifiables par ceux qui les cherchent. Comment trouver ces start-up innovantes et comment créer cette relation de confiance avec les investisseurs ?

Une équation à résoudre : augmenter la visibilité des start-up africaines

On observe une véritable inflation d’événements et divers concours de créations de start-up dans une majorité de pays africains. L’un des principaux problèmes est le manque de stratégie de communication. Les outils et les méthodes ne sont pas maîtrisés par tous les entrepreneurs. Aux États-Unis ou en Europe, avoir des articles dans la presse est un précieux sésame. En Afrique, les médias traitent peu des innovations en vigueur.

Deux solutions pour accroître la visibilité des « jeunes-pousses » africaines m’apparaissent :

–   d’abord, concentrer les pépites de demain en faisant une pré-sélection suivant des critères uniformisés permettant d’installer un sentiment de confiance chez les potentiels investisseurs ;

–   ensuite, créer un véritable écosystème qui permette d’accompagner les startupers dans leur levée de fonds. Les Business Angels, rouages essentiels et bienveillants dans le financement de la phase d’amorçage d’un projet, sont plus que jamais intéressés par l’Afrique. Par exemple, Tony Elumelu, entrepreneur nigérian fortuné, a doté sa fondation de 100 millions de dollars pour encourager 10 000 jeunes Africains à créer leur entreprise sur une période de 10 ans. Seulement, il faut à ces investisseurs un tiers de confiance.

Créer un écosystème

Il est aussi nécessaire de créer un véritable écosystème qui permette d’accompagner les jeunes talents vers les investisseurs. En Europe et aux États-Unis, l’action portée par les incubateurs s’accélère, comme celle de l’incubateur HEC, qui accueille cette année une start-up africaine au sein de « Station F » à Paris, le plus grand campus de start-up au monde. La présence d’incubateurs en nombre suffisant est essentielle pour créer cette culture de l’entrepreneuriat et accompagner les jeunes talents vers les investisseurs et la réussite.

Créer un mécanisme de labellisation des start-up pour attirer les investisseurs

Quand bien même il y aurait un phénomène de publicité efficace et que la visibilité des start-up s’en trouverait accrue, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de « contrôle » afin de limiter le risque pour les investisseurs et de créer les conditions de la confiance. C’est le long chemin de la notoriété, qui ne s’arrête donc pas à la visibilité mais qui requiert aussi de la crédibilité à la fois dans la start-up, dans l’économie mais aussi dans l’écosystème. C’est tout un travail qu’il faut faire pour que, dans l’imaginaire de l’investisseur, les risques soient proportionnés aux retours sur investissements. Une solution est de désigner un tiers de confiance capable de mettre en place une première évaluation auprès des start-up, c’est-à-dire un contrôle de la qualité des jeunes pousses à tous les niveaux en examinant quelques éléments financiers mais aussi ceux liés au management. Ceci permettrait de renforcer cette confiance nécessaire de l’investisseur.

Dépasser l’étape du concept

Plus de la moitié des opérations financières en vue d’ouverture du capital échouent en pleine phase de « due diligence ». Il s’agit pour un investisseur de vérifier les éléments factuels, mais aussi prospectifs avant de prendre une décision d’investissement. L’investisseur souhaite que l’entreprise génère déjà du cash, et prouve donc ainsi l’intérêt du produit et du service pour quelques véritables clients. Il faut donc dépasser l’étape de concept, et fournir une transparence totale à son partenaire financier sans survendre le projet.

MyAfricanStartup : une porte pour repérer des start-up innovantes

Partant de ce constat, la création de MyAfricanStartup avec le soutien de la Banque africaine de développement recense et publie chaque année un palmarès annuel de « 100 start-up africaines innovantes où investir ». La méthodologie appliquée par MyAfricanStartUp avec le concours du centre d’entrepreneuriat d’HEC Paris permet d’effectuer ce tri qualifié, en s’appuyant par ailleurs sur l’expertise de groupes internationaux de premier plan impliqués en Afrique dans des domaines d’activité variés tels que la finance, la grande distribution, le transport, les télécoms.

Point important : il ne faut pas perdre de vue que la levée de fonds ne doit pas être l’Alpha et l’Omega de la création d’une start-up. Si en Afrique un tiers de confiance permet d’accroître la visibilité sur les projets prometteurs, cela ne saurait soustraire l’entrepreneur à sa priorité : savoir saisir au mieux l’opportunité de marché et agrandir son portefeuille clients.

La Rédaction (avec Christian Kamayou)