Ces échanges qui seront libéralisés par la ZLEC

[Africa Diligence] Née de la volonté des chefs d’États de l’Union Africaine en mars 2018, la Zone de Libre Échanges Continentale (ZLEC) constitue un acte fondamental qui va définitivement changer les économies du continent. Nous vous livrons ici, les secteurs marchands auxquels elle va s’appliquer.

 Pendant que, sur 54 États, 44 s’accordaient pour instituer une Zone de Libre-Échange Continentale (ZLEC) visant à éliminer 90 % des droits de douane sur les biens et services dans un délai de 5 à 10 ans, 27 pays signaient aussi un protocole qui officialisait entre eux la libre circulation des personnes, légalisant ainsi des migrations informelles déjà très massives que les États africains sont presque impuissants à contrôler.

Pour parachever son projet de marché unique africain, l’Union africaine envisage de créer ultérieurement une union douanière africaine, ainsi qu’une monnaie unique pour le continent. En attendant, l’accord portant création de la ZLEC, qui constitue les fondations premières d’une Afrique réaménagée par le libéralisme économique, doit encore être ratifié dans les six mois à l’échelle nationale par les pays signataires.

Sur quels secteurs marchands s’applique la ZLEC ? Quels marchés relie-t-elle ? Quel espace économique participe-t-elle à construire ? Le texte original de l’accord n’a pas été rendu public, néanmoins il semble qu’on puisse tirer au clair ses principales motivations et grandes lignes en prenant appui sur les plus récents rapports d’orientation des institutions de l’Union africaine. Dans « La Zone de libre-échange continentale africaine : questions et réponses », un organisme associé à l’Union africaine et à la mise en œuvre de son agenda indique que la diminution massive des droits de douane concerne à la fois le commerce des biens et le commerce des services, secteurs qui ont donc vocation à voir tomber 90 % de leurs barrières douanières à l’intérieur du continent.

Pour savoir quels biens et services sont concernés et notamment si le commerce de produits agricoles est favorisé par cet accord, il faut se référer au rapport de cadrage sur lequel l’Union africaine s’est manifestement alignée pour établir sa politique industrielle et commerciale.

La création de la ZLEC reprend une recommandation d’un rapport multilatéral sur le développement durable en Afrique publié conjointement par la BAD, le PNUD, l’UA et la CEA à New York le 18 octobre 2017. Chargé d’évaluer le suivi et la mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, il indique dans le chapitre « Promouvoir le commerce », que « L’élimination des obstacles internes et externes au commerce, y compris l’insuffisance d’infrastructures et les droits de douane, et la promotion du transfert de technologie et de l’acquisition de compétences sont des facteurs essentiels à la compétitivité commerciale. »

L’élimination des barrières douanières est présentée comme le moyen de réaliser une série d’objectifs d’ordre industriel et commercial. On y retrouve l’ambition de l’UA d' »augmenter de 50 % la part de la production manufacturière à forte intensité de main-d’œuvre » et d' »augmenter de la moitié la valeur réelle des produits manufacturés dans le PIB ». En ce qui concerne les services, le rapport propose des chantiers panafricains : l' »autoroute transafricaine » et le « réseau ferroviaire africain à haute vitesse ». Mais d’autres secteurs semblent directement concernés par l’abolition des frontières douanières, à court terme. On constate parmi les priorités du rapport, que d’ici à 2030, l’objectif de « Tripler le volume du commerce infra-africain de produits et services agricoles », plus loin il est suggéré de « renforcer la production agricole et la productivité ».

La part de l’Afrique dans la production industrielle mondiale est très marginale, on l’estime à 1 %. L’aplanissement des obstacles tarifaires à la circulation des biens et services sur le continent constitue une étape fondamentale de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Elle a pour rôle non seulement d’augmenter les flux commerciaux infra-continentaux en valeur et en volume, mais aussi de développer l’industrialisation de la production de biens, la mécanisation de l’agriculture et enfin d’ouvrir de grands chantiers de transports panafricains.

Seules les matières premières dites « stratégiques » telles que les minerais rares et les hydrocarbures paraissent exclues de cet immense espace marchand qui, en rapprochant massivement les marchés et les consommateurs, redéfinit aussi les perspectives de la concurrence et de la production en Afrique. Cependant, en l’absence de tarif extérieur commun, de création d’union douanière entre ses États membres, il est impossible de qualifier ce nouveau grand marché africain qu’encourage l’Union africaine de marché unique ou de marché commun.

Les principaux partenaires commerciaux des États membres de la ZLEC demeurent à l’extérieur du continent, en Europe, en Asie, aux États-Unis, au Moyen-Orient, où les marchés d’Afrique comptent la plupart de leurs clients et fournisseurs. Ces derniers, et plus particulièrement leurs entreprises, devraient largement profiter des avantages d’une immense zone de libre-échange, plus vaste que celle des groupements d’États existants, et qui se présente en libre accès, quasiment sans protections douanières intérieures ni extérieures.

La Rédaction (avec Loup Viallet)

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