Espoir Dossah : ce expert Béninois voudrait digitaliser l’émergence de l’Afrique

[Africa Diligence] Titulaire d’un Master européen en intelligence économique et stratégique de l’université de Lille et de l’ESA Lille, et d’un MBA en management des entreprises de Paris Graduate School of Management, Espoir Dossah est un apôtre de l’émergence de l’Afrique par l’information. Le chef d’entreprise qui rêve déjà d’ubériser les transports béninois est aujourd’hui à la tête d’un ambitieux programme dont l’objectif est de décloisonner le continent grâce au digital.

Depuis sa plus tendre enfance au Benin, cet ancien de la Sorbonne est fasciné par le pouvoir de l’information qu’il dévore au travers des lectures de ses parents. Cette passion pour les médias le suit tout au long de la deuxième partie de sa scolarité qu’il effectue en France, et se manifeste par son engagement dans les journaux scolaires, universitaires et même professionnels. Le jeune Espoir tente alors d’établir une corrélation entre le manque d’accès à l’information et le sous-développement de l’Afrique. Il réussit à prouver que tous les pays africains frappés par la fracture numérique sont des pays très en retard économiquement. L’émergence de l’Afrique par l’accès à l’information, par la formation, par l’éducation est alors selon lui, la seule issue à un quelconque développement du continent. Cette démonstration sera l’objet d’un mémoire de maitrise qu’il défendra à la Sorbonne avec pour thème : l’Afrique subsaharienne, une paria de la société de l’information ?

Lorsqu’il intègre l’univers professionnel, Espoir Dossah est tout d’abord employé sur des projets en business développement ou de veille centrés sur les marchés africains. Puis il se met à son propre compte et créé Increase Consulting, début 2010, un cabinet spécialisé en prestations de veille, d’intelligence économique et business development. « Je suis conforté par la révolution numérique et digitale qui fait que toutes les cartes de l’émergence économique sont aujourd’hui rebattues. L’Afrique a de très bonnes cartes à jouer », affirme-t-il. En grand apôtre du développement de l’intelligence économique et du business development sur le continent, il parcourt plusieurs pays africains pour annoncer la bonne nouvelle. Pragmatique, il créé, au Benin, l’un des premiers MBA en intelligence économique et stratégique en Afrique noire. Enseignant d’intelligence économique et stratégique à l’École Nationale d’Administration et de Management du Bénin et dans quelques écoles de commerce en Afrique de l’Ouest, il est par ailleurs Business Coach, consultant formateur en management, excellence commerciale et management de projets auprès d’entreprises opérant dans les Télécom, hydrocarbures, cimenterie, sécurité et assurance.

Espoir Dossah est également le dirigeant de deux entreprises. D’une part, NEXT SARL opérant au Bénin et au Togo et spécialisée en business development, analyse comparative de marchés, et externalisation commerciale. D’autre part, Full Contact SARL, spécialisée en stratégie digitale, e-réputation, et communication institutionnelle et commerciale. En exclusivité pour Africa Diligence, il révèle que ses équipes et lui se préparent à lancer dans quelques semaines la start-up, « Next Cars Services », dans l’optique de simplifier et sécuriser le déplacement des personnes dans la ville de Cotonou. La première phase de ce projet, confie-t-il, est un modèle simplifié de Uber, la célèbre startup de location de véhicules privés. La seconde est un modèle de covoiturage entre les villes de Cotonou et de Lomé. Parallèlement, poursuit-il, une équipe de développeurs basée au Vietnam, travaille en ce moment pour ses entreprises sur un énorme projet dont le lancement est prévu en décembre 2015 à Paris, qui permettra de décloisonner l’Afrique par le digital. « Nous comptons déjà sur le support de Knowdys car une partie de ce projet nous amènera à collaborer avec ce célèbre et respectable Cabinet » lâche-t-il au passage.

Mais les ambitions de cet ancien pensionnaire de l’Institut universitaire de technologies du Havre ne s’arrêtent pas là. « Ma plus grande ambition concerne la jeunesse africaine, c’est révolutionner l’enseignement supérieur. » Pour lui, cette ambition va de pair avec sa passion pour la vulgarisation de l’entrepreneuriat jeune et le digital. Mordant, il ajoute : « les écoles de commerce de certains pays africains sont juste une escroquerie, je pèse bien mes mots. J’ai parcouru plusieurs programmes et formations d’un certain nombre d’écoles et laissez-moi vous dire que ce sont des curricula vieux de plus de 20 ans qui sont réchauffés chaque année et resservis aux jeunes ». Pour lui, leurs diplômés ne sont pas compétitifs et tous les cabinets internationaux s’en plaignent. C’est un esprit incisif qui a accepté de répondre à nos questions

Africa Diligence : Croyez-vous en l’émergence économique du continent africain ?

Espoir Dossah : Cette question me touche profondément. Elle me pénètre et me met mal à l’aise. Il y a environ une quinzaine d’années, influencé par la littérature négro-africaine, celle écrite par les écrivains africains, influencé par les grandes presses africaines et européennes, j’en suis arrivé à me convaincre de l’afro-pessimisme. En plus, je le prônais, non pas que cela me fasse plaisir, mais sérieusement je n’avais aucun ESPOIR. Et j’avais honte de l’Afrique. J’étais naïf ou peut-être que non, mais j’étais persuadé que les politiques et politiciens ne pouvaient rien pour l’émergence économique de l’Afrique.

Mais aujourd’hui, tout est allé tellement vite que je suis le premier à prôner mon afro-optimisme sur tous les réseaux sociaux, non pas celui angélique des idéologistes, mais le réaliste, le palpable fondé sur la mondialisation et la révolution digitale. J’adore cette nouvelle Afrique, qui surprend le monde entier. Et comme j’ai l’habitude de le dire lors de mes conférences, nul ne sait encore où nous emmènera cette révolution digitale.

On a souvent taxé l’Afrique de profiter des inventions ou des progrès des autres, mais pour une fois que nous apportons notre pierre à l’édifice du progrès mondial, nous pouvons être plus que fiers. Lorsque je vois les prouesses du jeune prodige de la finance Hi-Tech, le Tanzanien Mbwana Alliy, lorsque j’écoute les prophéties de l’AS de la technologie et des objets connectés, l’un des pionniers planétaires des applications, le Nigérian Oke Okaro, je vous réponds par un assourdissant ‘‘OUI, je crois à l’émergence économique de l’Afrique’’, et cela n’adviendra que par la fougue, l’esprit créatif et l’audace des jeunes et du digital.

Cette émergence économique du continent par l’accès à l’information, j’y croyais déjà, je la pensais les politiques étouffaient tout espoir chez moi. Mais, nuançons, nous ne pouvons croire, définitivement, à cette émergence économique intégrale si 80% de nos universitaires et cadres n’ont pas accès à l’Internet. Le politique revient encore, tel Malik, l’ange gardien de l’enfer, chargé de décourager toute velléité de recherche d’accès à la lumière.

S’il fallait vous aider à contribuer au développement rapide de l’Afrique, quels leviers pourrait-on activer ?

Primo, investir dans l’énergie solaire et les autres énergies renouvelables. Sans indépendance électrique, pas d’émergence économique soutenue. Pouvons-nous évaluer toutes les pertes matérielles, informationnelles liées aux coupures intempestives de courant dans nos pays ? Pourrons-nous évaluer le retard occasionné chaque jour par la non-maîtrise énergétique sur notre émergence économique ?

Faciliter l’accès à l’internet et à l’information sur le continent. Vulgariser internet dans tous les pays africains devrait être, selon moi, plus prioritaire que le slogan électoraliste généralisé « l’école pour tous ». « L’internet pour tous » faciliterait plus la réalisation de l’école pour tous. Internet est encore un luxe pour la majorité des administrations publiques de l’Afrique Subsaharienne et reste encore très cher pour la population moyenne.

Révolutionner le secteur de l’enseignement supérieur et promouvoir la formation professionnelle. Le Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES), à l’ère de l’économie numérique a besoin de sang jeune, de contextualisation et de modernisation. L’enseignement supérieur privé africain a besoin d’être repensé. Plusieurs pays comme le Sénégal, le Ghana et surtout le Maroc pourraient inspirer les autres. Le LMD (Licence, Master et Doctorat) serait très mal compris dans plusieurs pays et les diplômes de MBA galvaudés et déshonorés. Élevons le niveau, un diplôme de MBA à cinq cent mille Francs CFA ne fait pas très sérieux.

Si vous vous retrouviez à la tête de votre pays, dans les 24 heures, quelles seraient vos trois premières décisions ?

Primo, réunir mon gouvernement, les différents cabinets et aller passer deux (02) semaines d’immersion, de benchmarking stratégique au Rwanda. Deuxio, remplacer tous les directeurs du port, de la douane, des impôts et du trésor public. Tercio, rencontrer le jour même tous les opérateurs économiques et chefs d’entreprise du pays.

Que pensez-vous de l’avènement du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Économique ?

Ce sera un de mes rêves pieux qui se réalisent. Nos dirigeants gouvernent sans information stratégique. La plupart des ministères au Bénin n’ont pas de connexion Internet ou c’est seulement réservé aux cabinets de ministres. Vous comprenez pourquoi on réinvente la roue tous les jours. Je suis prêt à travailler sur un tel projet et pourquoi pas ajouter de manière ostensible le mot ‘‘Prospective’’ à la dénomination du Centre.

Propos recueillis par la Rédaction

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