Gbagbo | L’asphyxie financière aura-t-elle lieu?

Malgré les discours et les pressions internationales, la vérité est qu’aucun pays ouest-africain n’a intérêt à soutenir l’emploi de la force en Côte d’Ivoire. Une intervention militaire, fût-elle légitime, serait désastreuse pour l’ensemble de la sous-région même si elle semble  de plus en plus inéluctable.  Devant ce tableau, la stratégie dite de la raison consiste pour le moment à asphyxier financièrement Laurent Gbagbo pour l’empêcher d’honorer ses engagements. Une solution avant la guerre.

Par Guy Gweth

Les plus pacifistes des stratèges pro-Ouattara et un nombre non négligeable d’analystes, de Bruxelles à Bretton Woods, tablent sur le fait que les conséquences d’une asphyxie financière de Laurent Gbagbo produiront fatalement l’effet final recherché. Aujourd’hui : augmentation des prix des denrées alimentaires et licenciements de personnels ; demain : cessation d’activités pour de nombreuses entreprises et non paiement des salaires de fonctionnaires. Au final, « quand ses propres partisans en auront marre, ils descendront dans la rue comme les Tunisiens pour chasser Gbagbo », nous a confié une source diplomatique africaine basée à Bruxelles.

Rappelons que le 15 janvier 2011, les 27 pays membres de l’Union européenne ont rendu effectif le renforcement des sanctions contre Laurent Gbagbo et 84 de ses partisans. Outre l’interdiction de visas pour les personnalités ciblées, ces sanctions visent essentiellement le gel de leurs avoirs européens et ceux de 11 entités économiques parmi lesquelles: la radio télévision ivoirienne (RTI), la société de raffinage (SIR), la société énergétique (SOGEPE), le port d’Abidjan, ainsi que trois banques.

Cette décision est intervenue une semaine après celle du Trésor américain de geler les avoirs de Laurent Gbagbo et quatre de ses proches aux Etats-Unis; mais une grande partie des fonds visés avait déjà été transférée vers d’autres destinations. « Souvent les Occidentaux se trompent parce que le monde ne s’arrête pas à l’Europe. Le monde ne s’arrête pas à l’Amérique. Aujourd’hui, le monde est devenu multipolaire », a déclaré Ahoua Don Mello, porte-parole de Laurent Gbagbo, à l’agence Reuters le 15 janvier avant d’ajouter : « si on peut se passer de la France, on peut se passer des Etats-Unis. On peut aussi aller ailleurs pour faire face à nos engagements. »

Aujourd’hui, les engagements financiers de Laurent Gbagbo se limitent stratégiquement à payer les salaires de l’armée, de la gendarmerie, de la police et de la haute administration d’Etat (environ 75 à 100 millions USD/mois selon les estimations), et en aucun cas à éponger les dettes du pays. D’après nos sources à Abidjan, les bons chiffres du cacao ont donné l’idée au camp Gbagbo de demander aux exportateurs de s’acquitter de leurs taxes à l’avance et en espèces. Les hommes d’affaires locaux sont instamment invités à participer à l’effort de guerre. Les banques locales sont encouragées à acquérir des obligations du gouvernement et à payer argent comptant. Malgré les sanctions, son gouvernement continue d’avoir accès aux comptes de la banque centrale des Etats d’Afrique de l’ouest (BCEAO).

Evaluées à près de deux milliards USD, les exportations de pétrole contrôlées via la société d’Etat PETROCI constituent l’un des derniers grands espoirs de survie pour le régime de Laurent Gbagbo. « Mais pour combien de temps encore ? » s’interroge notre source diplomatique.