[Africa Diligence] Les relations commerciales entre le continent africain et la Chine se sont considérablement développées ces dernières années. Au moment où la puissance asiatique compte abandonner la fabrication d’objets à bas coût pour s’orienter vers les services et les produits à forte valeur ajoutée, l’Afrique pourrait profiter de cette situation pour devenir l’usine du monde.
C’est la nouvelle révolution chinoise. L’économie doit abandonner la fabrication d’objets à bas coût et s’orienter vers les services et les produits à forte valeur ajoutée. Car les salaires ne cessent de progresser: 10 à 12% par an depuis vingt ans. À ce rythme, la compétitivité chinoise est particulièrement menacée. Selon le journal Libération, les secteurs des semi-conducteurs, du textile ou des pièces automobiles sous- traitent déjà de plus en plus avec les pays voisins. Et immanquablement le cercle s’élargira à l’Afrique.
Les prémices
85 millions d’emplois quitteront la Chine dans les années à venir, affirme le Huffington Post. Malgré ses faiblesses structurelles, l’Afrique peut en prendre une part. Ainsi, le site prend l’exemple de l’Éthiopie, pays émergent dans l’habillement et la chaussure. Comparée aux pays du Sud-Est asiatique, sa main d’œuvre est moins bien formée, ses infrastructures moins développées et sa chaîne d’approvisionnement en devenir. Mais les bas salaires compensent tout cela et les Chinois y installent des filiales. Le géant de la chaussure, Huajian, a ouvert à Addis-Abeba une unité qui emploie 4000 salariés.
Ce n’est pas un hasard si la Chine investit en Éthiopie. Par sa position géographique privilégiée dans la corne de l’Afrique, le pays est un poste avancé pour Pékin. «Au total, les 279 entreprises chinoises opérant en Éthiopie ont enregistré un capital financier de près de 491 millions d’euros au cours des cinq dernières années. En vingt ans, les investissements chinois ont totalisé plus de 3,4 milliards d’euros et auraient créé 111.000 emplois», explique Le Monde.
Cheval de Troie ?
Mais la Chine, malgré tout, reste le puissant exportateur de produits bas de gamme, contre lesquels il est difficile de lutter. Une invasion qui peut mettre à terre toutes les tentatives de développement industriel.
L’exemple de Lagazel, jeune entreprise burkinabè spécialisée dans la lampe solaire, est très révélateur de cette menace. Le reportage que France 2 lui a consacré montre que, même avec des salaires parmi les plus bas du monde, il est impossible de lutter contre la Chine. La lampe solaire «made in Burkina» à Dédougou revient à 33 euros, quand la chinoise vaut cinq euros. Évidemment, les ventes s’en ressentent, et l’avenir de l’entreprise est très fragile.
Ne nous y trompons pas. L’Éthiopie n’est pas tout le continent et elle reste profondément agricole. Le développement industriel de l’Afrique sera très lent. À l’exception notable du Maghreb, qui s’affirme chaque jour un peu plus comme la tête de pont en Afrique de l’industrie automobile européenne.
L’Afrique n’émergera pas en suivant le modèle de société postindustrielle défendu par certains économistes. Au contraire, grâce à une attractivité restaurée, à une main-d’œuvre qualifiée abondante, à un potentiel énergétique et technologique, la voie de l’industrie lui est ouverte.
La Rédaction (avec Jacques Deveaux)