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Le marché du lait en Tunisie « s’effondre » en raison de la flambée des prix des aliments pour animaux

[Africa Diligence] Le marché tunisien absorbe quotidiennement 1,8 million de litres alors que la production atteint un maximum de 1,2 million, selon les données officielles.

« Le lait est essentiel, surtout pour nos enfants », explique à l’AFP Noura Bchini, une ménagère d’une cinquantaine d’années. Près d’elle, une autre cliente, Leila Chaouali, dit s’en procurer « mais à des heures précises, surtout le matin. L’après-midi, il y en a plus.

Cette pénurie a été révélée fin octobre lorsque les supermarchés ont affiché l’injonction : « deux briques de lait par citoyen ».

A 40 km à l’ouest de Tunis, Mohamed Gharsallaoui, agriculteur dans le village d’El Battan, appuyé sur sa machine à traire, explique qu’il a dû vendre quatre vaches ces derniers mois pour acheter du fourrage et nourrir ses vingt bêtes.

Dans sa ferme, cet agriculteur de 65 ans montre ses factures de foin, d’orge ou de supplément de maïs-soja, qu’il a du mal à payer.

Le prix d’un sac de 50 kg de complément a été multiplié par huit en dix ans, pour atteindre 81 dinars (24 euros).

« Pourquoi manquons-nous de lait ? Parce que les vaches ne reçoivent pas les quantités de nourriture dont elles ont besoin », a-t-il expliqué à l’AFP.

« À perte »

De 30 litres de lait par jour, chaque vache n’en produit que 12. « Nous leur fournissons la moitié de la quantité précédente de fourrage et d’herbe », souligne-t-il.

Agriculteur passionné qui a commencé il y a 50 ans avec une seule vache, Gharsallaoui est triste de voir son troupeau dépérir.

« Ce sont les vaches qui faisaient vivre ma famille », explique ce père de quatre enfants adultes. « Aujourd’hui, je dois envoyer (mes enfants) travailler ailleurs pour faire vivre mes vaches ».

L’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap) a tiré la sonnette d’alarme il y a un an « lorsque les agriculteurs ont commencé à vendre leur lait à perte ».

« Les prix de l’alimentation animale se sont emballés avec une augmentation de 30 à 40% sur un an. C’est lié à la situation internationale, la guerre en Ukraine notamment », qui a provoqué la hausse du prix des céréales, dont la Tunisie est un grand importateur, a indiqué son porte-parole Anis Kharbeche.

Il s’inquiète du mois de Ramadan, qui débutera vers le 22 mars, « durant lequel la consommation de lait augmente et où la pénurie atteindra un million de litres par jour ».

Ces difficultés sont exacerbées par la sécheresse qui sévit en Tunisie, avec des barrages remplis à 30% maximum, selon l’Utap.

« De l’herbe fraîche »

Pour limiter leurs pertes, de nombreux agriculteurs sont contraints de vendre une partie de leur bétail, soit à des bouchers locaux, soit à des éleveurs de l’Algérie voisine.

Selon l’Utap, les troupeaux tunisiens ont été réduits de 30% en 2022.

Face à ce « lent effondrement », l’État, qui avait soutenu après l’indépendance (en 1956) la mise en place d’une filière lait, doit prendre l’initiative, a déclaré Kharbeche, rappelant que la Tunisie a réussi à exporter du lait certaines années jusqu’en 2017.

Pour l’instant, l’État s’est contenté, dans la loi de finances 2023, de lever les taxes sur l’importation de poudre de lait, au risque de concurrencer la production locale.

Et les récentes déclarations du président Kais Saied attribuant aux « spéculateurs » des problèmes non identifiés du secteur n’ont pas rassuré les agriculteurs.

Pour l’Utap, la solution serait « un prix variable » appliqué par l’Etat aux achats de lait, qui fluctuerait en fonction du prix de l’alimentation animale. Et il faudrait « aider les agriculteurs pour la production d’herbe fraîche », avec une stratégie de retraitement des eaux usées et les soutenir dans l’achat de compléments alimentaires.

Le lait n’est qu’un des produits touchés par des pénuries sporadiques ces derniers mois, aux côtés du café, du sucre et de l’huile.

Les experts les expliquent par un manque de liquidités de l’Etat tunisien, qui a le monopole de la fourniture des produits de base subventionnés. Lourdement endetté, le pays négocie depuis des mois un prêt de près de 2 milliards de dollars avec le FMI.

La Rédaction (avec Africanews et LB)

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