Les mines africaines privées de vitamines chinoises

[Africa Diligence] Les participants à la 21ème édition du Mining Indaba tenue du 9 au 12 février 2015 n’avaient pas vraiment la tête à la fête. Après plus d’une décennie d’euphorie due au « super-cycle », les cours des minerais ont baissé en moyenne de près de 10 % en un an. Avec le ralentissement de la croissance chinoise, le secteur minier africain s’est retrouvé anémié.

Les cours des minerais ont baissé en moyenne de près de 10 % en un an. La faute au ralentissement de la croissance chinoise. Le géant asiatique a moins besoin d’or, de cuivre ou encore de fer, sur un continent dont le sous-sol recèle un tiers des réserves mondiales de minerais. Pour limiter leurs pertes, les compagnies minières réduisent leurs coûts en licenciant et en coupant dans leurs projets d’exploration.

L’inquiétude des entreprises s’est accrue avec l’annonce par certains gouvernements de leur volonté d’augmenter la taxation sur les activités d’extraction. Une façon de compenser l’impact de la chute des cours sur leur budget. Riche en cuivre, la Zambie a déjà triplé le montant de sa redevance sur les minerais. Les autorités sud-africaines sont aussi en train de réviser leur législation. « Le fossé entre les riches et les pauvres se creuse à un rythme alarmant » rappelait mardi à la tribune le ministre sud-africain des mines, Ngoako Ramatlhodi, « nous sommes ouverts à l’investissement, mais nos ressources minières doivent aussi davantage profiter au pays et aux communautés locales ».

« Il y a quelques années, l’industrie gagnait beaucoup d’argent, mais c’est au moment où nous avons des difficultés que les gouvernements veulent une plus grosse part du gâteau » regrette Tom Albanese, PDG de la compagnie indienne Vedanta Resources.

Pour l’économiste britannique, Jim O’Neill, « les pays africains riches en matières premières devraient surtout davantage tirer profit des bonnes années pour alimenter une croissance durable, et ne pas se retrouver vulnérable à chaque coup de déprime des cours mondiaux ».

À long terme, les perspectives sont toutefois encourageantes. « Les besoins des pays émergents sont en forte croissance, et les compagnies minières n’auront d’autres choix que de se tourner vers l’Afrique pour extraire quantité de minerais » prédit Tom Albanese de Vedanta Resources.

Comment parvenir à un partage plus équitable des revenus provenant des métaux et pierres précieuses ? En 2009, l’Union africaine a adopté une « Vision minière pour l’Afrique ». À la tête du nouveau Centre africain des ressources naturelles de la Banque africaine de développement, Sheila Khama doit favoriser la transposition des principes de cette feuille de route au niveau des États.

« Il faut absolument que les revenus générés aujourd’hui profitent aux générations futures » rappelle la directrice botswanaise, « nos experts vont aider les autorités nationales à maximiser le potentiel de leurs richesses minières ».

Pour Lisa Sachs, directrice du Centre pour l’investissement durable de l’Université américaine de Columbia, « il ne suffit pas de taxer les compagnies minières, il faut aussi transformer ces revenus en réalisations sur le terrain ». Le Botswana est régulièrement cité en exemple. Depuis 1983, 42 % des revenus liés à l’extraction des diamants ont été investis dans l’éducation, 14 % dans la santé et 44 % dans les infrastructures.

« Aujourd’hui, les États s’intéressent davantage à des politiques de ‘contenu local’» note John Anyanwu, économiste à la Banque africaine de développement, « ils exigent qu’une partie de la transformation des minerais soit faite directement sur place et non plus seulement à l’étranger, et que des emplois soient réservés aux habitants du pays, en particulier les plus défavorisés ».

L’industrie minière doit se plier à ces nouvelles obligations. « Il y a tout de même une prise de conscience chez les compagnies qu’elles ne vivent plus sur une île et que ce qu’elles faisaient avant pour les communautés locales n’était pas suffisant, surtout quand le chômage des jeunes y est massif » admet Themba Mkhwanazi, responsable de la filiale charbon d’Anglo American en Afrique du Sud. Quelques manifestants sont d’ailleurs venus chaque jour devant le centre de conférence du Cap pour dénoncer « le pillage par les multinationales des richesses qui appartiennent au peuple ».

Organisée par des organisations de la société civile, une contre-conférence (Mining Indaba Alternative) s’est aussi tenue cette semaine dans la cité côtière. Les participants ont renvoyé dos à dos les gouvernements et les compagnies. Les premiers étant accusés d’être trop laxistes et corrompus. Les seconds d’essayer d’échapper à l’impôt grâce à leurs filiales installées dans les paradis fiscaux. Les îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey avaient cette année encore leurs stands au Mining Indaba.

La Rédaction (Avec Sébastien Hervieu)