L’intelligence sportive, un impératif en Afrique

Pour l’organisation du Mondial de football qui aura lieu en  juin-juillet 2010 en Afrique du Sud, nous constatons, d’après nos calculs, que le pays de Madiba ne bénéficiera, au mieux, que de 25% de la valeur financière créée autour de ce gigantesque évènement planétaire.

Dès que l’Afrique du Sud a été choisie comme pays organisateur de la coupe du monde 2010, des acteurs économiques bien connus au sein de l’OCDE ont mis en place des stratégies d’intelligence économique – à l’abri de toute publicité – en vue de capter au mieux la valeur qui serait créée, au pays des Bafana Bafana, en termes d’infrastructures sportives, d’ingénierie de l’information et de produits dérivés […] Dans ce gigantesque business, les acteurs africains brillent par leur absence parce qu’ils n’arrivent pas à intégrer les enjeux financiers, politiques, culturels et sociaux qu’engendrent ce type d’évènements, dans une démarche innovante d’intelligence sportive et stratégique.

Dans un univers du sport business devenu extrêmement concurrentiel et agressif, les sportifs africains de haut niveau représentent des enjeux financiers considérables. Un certain nombre de responsables politiques africains continuent malheureusement de considérer leur secteur sportif sous le prisme par trop simpliste du loisir. Au même moment, sous d’autres cieux, des footballeurs comme Didier Drogba, Samuel Eto’o, Michael Essien, Claude Makélélé ou Karim Benzema dégagent une valeur financière et boursière qui est intégrée au patrimoine des équipes de football cotées en bourse à l’instar de Chelsea, Manchester, Fullam, Arsenal, Tothenam, Real de Madrid ou le FC Barcelone […]

Les performances des footballeurs africains ont aujourd’hui un impact social et sociétal positif quantifiable au sein des pays de l’OCDE, et tout particulièrement dans le volet fiscal. Avec les stars de la musique et du cinéma, les sportifs de haut niveau sont parmi les plus gros contributeurs fiscaux dans les territoires où ils opèrent. L’impact de leurs revenus astronomiques est visible sur les marchés de l’immobilier où ils dépensent sans compter pour s’offrir des résidences de luxe et scolariser leurs enfants dans des établissements hors de prix. Les liens étroits entre la sphère politique et le monde du sport de haut niveau se sont considérablement accrus ces dernières années comme on a pu l’observer lors des jeux olympiques de Pékin 2008 […] Car les retombées financières et culturelles de chaque manifestation sportive d’ampleur internationale font des acteurs sportifs des vecteurs d’influence qui suscitent l’intérêt et la convoitise des hommes d’affaires, des stratèges gouvernementaux, des grands médias et du public.

Dans sa quête de performance, la chaîne d’acteurs du sport business (sportifs, sélectionneurs, équipementiers, fédérations sportives, médias, sponsors, agents et avocats d’affaires…) convoque à des degrés divers les outils et les techniques qui ressortissent de la competitive intelligence, de la veille à l’influence en passant par l’investigation de terrain et la guerre par l’information. L’intelligence sportive offre une nouvelle grille de lecture des compétitions sportives qui débouche inexorablement sur la mise en place de stratégies qui permettent de coordonner, d’anticiper, d’influencer et, voire, de s’inspirer des best practices des adversaires les plus redoutables. Les 100 médailles de la Chine lors des JO de Pékin 2008 sont une preuve éloquente.

Au sein de l’OCDE, les outils d’intelligence économique sont de plus en plus appliqués à la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Carrières (GPEC) des sportifs de haut niveau. Dans un univers concurrentiel où il ne peut y avoir qu’un seul vainqueur lors d’une compétition, l’intelligence économique appliquée au sport acquiert plus qu’une légitimité. Car la performance des sportifs de haut niveau ne recouvre plus simplement la notion d’entraînement. Elle implique aussi des enjeux connexes tels que le merchandising de produits dérivés, le marketing sportif, le droit à l’image, les droits de retransmission des grandes rencontres, les frais d’agences, les notes de transactions, les coûts de transferts […]

Et ce n’est pas parce qu’un sportif d’origine africaine a pris la nationalité d’un autre pays qu’il cesse d’appartenir à sa communauté d’origine. Les sportifs européens par exemple continuent d’avoir un impact mesurable dans leur pays d’origine lorsqu’ils évoluent dans des clubs internationaux. Le cas de David Beckham est exemplaire. Évoluant aux États-Unis, ce footballeur impacte sur son Manchester natal […] parce qu’il est entouré d’un dispositif d’intelligence sportive marqué au plus haut niveau par les visites régulières de diplomates et de managers qui encadrent sa carrière ou encore l’existence de dispositifs fiscaux sur mesure qui, à travers des conventions signées entre les USA et le Royaume Uni, mettent à l’abri ce gros contributeur doublement imposable […]

Nos  systèmes de surveillance permettent –entre autres- de tracer légalement la carrière des entraineurs français qui évoluent dans les équipes de football africains. On observe que ces derniers transfèrent régulièrement une partie de leur salaire dans l’Hexagone […] Ils contribuent efficacement aux caisses des allocations sociales et des retraites des Français de l’étranger. Ils bénéficient d’une protection diplomatique rapprochée de leur pays et reçoivent régulièrement les visites de conseillers économiques du Quai d’Orsay. Ces professionnels ont un impact positif dans leur pays d’origine de par leurs activités au sein des clubs africains. C’est ainsi qu’après une carrière africaine bien remplie, tous ou presque s’offrent un train de vie et un confort dévolus aux catégories socioprofessionnelles dites relativement aisées dans l’Hexagone.

Quand nous faisons une comparaison avec les professionnels africains qui évoluent dans des clubs européens (et dont le salaire est largement supérieur à celui des entraineurs français qui évoluent dans des clubs africains), les acteurs sportifs africains s’en sortent avec un impact quasi insignifiant dans leur pays au regard de leurs revenus. C’est tout juste si la diplomatie économique  s’intéresse à ces ambassadeurs en dehors des stades […] Pis, ils sont à peine impliqués dans l’élaboration des politiques sportives de leurs nations respectives, une grave erreur de stratégie qui fait perdre aux pouvoirs publics africains énormément de devises et de personnes ressources. Les produits dérivés estampillés Zidane, Benzema, Drogba, Makélélé ou Samuel Eto’o par exemple, sont référencés dans la nomenclature des articles sportifs qui font l’objet du commerce international et qui créent de la valeur actionnariale et partenariale dans la chaîne des valeurs sportives internationales, sans compter le capital d’influence sui generis.

Autour de l’organisation du Mondial de football qui aura lieu en 2010 en Afrique du Sud, nous constatons d’après nos calculs que le pays hôte ne bénéficiera que de 25% de la valeur financière créée autour de cette manifestation. Près de 65% de la valeur générée sera captée par les filiales des majors de chaînes hôtelières internationales qui vont assurer l’hébergement et la restauration des équipes, des staffs techniques, et des supporters. Il s’agira essentiellement des chaînes hôtelières internationales suivantes: Méridien, Sheraton, Intercontinental, Holiday Inn, le Groupe Accor, etc. Les voyagistes tels que Thomas Cook et Carlson Vagonlit toucheront une part non négligeable, presqu’autant que les majors des compagnies de transport aérien comme Air France KLM, Lufthansa, American Airlines, SN Bruxelles Airlines […] Ils gagneront cette « coupe financière » parce qu’ils auront, mieux que nul autre, imaginé, structuré et appliqué une vraie stratégie d’intelligence sportive avant, pendant et après la World Cup 2010.

Guy Gweth & David Beylard, Conseils en intelligence économique et stratégique