Quels sont les cinq pays africains les mieux classés en 2018. Leur secret

[Africa Diligence] L’édition 2018 du classement Doing Business établi par la Banque mondiale vient de paraître. Si Maurice, le Rwanda et le Maroc signent comme l’an passé les meilleures performances africaines, il convient de souligner la performance de Kigali, qui fait son entrée dans le top 50 mondial.

Visiblement, les pays du continent savent mieux mettre en œuvre les réformes que le reste du monde et beaucoup de pays ont amélioré leur place mondiale grâce à de meilleures notes de synthèse que l’année 2017.

Maurice

Pour passer de la 49e place mondiale dans le Doing business (DB) 2017 au 25e rang, une année plus tard dans le DB 2018, il faut avoir de solides arguments. Et visiblement, le petit pays de l’Océan Indien n’en manque pas. Maurice reste indétrônable sur le continent et poursuit ses réformes à un rythme plus rapide que la moyenne mondiale. Il a amélioré sa note de synthèse de plus de 5 points en la faisant passer de 72,27 dans l’édition précédente à quelque 77,54.

Maurice a mis le paquet en mettant en œuvre des réformes importantes sur 4 des 10 critères du Doing business. Il s’agit notamment de la création d’entreprise, des permis de construire, de la protection de la propriété industrielle et commerciale et du commerce international.

La cité-État, qui est l’unique pays africain présidé par une femme en la personne d’AmeenahGurib, ne cesse de surprendre. Durant la période 2016/2017 qui sert de référence, Maurice a ainsi supprimé la taxe de 5000 roupies mauriciennes (125 euros) dont devraient s’acquitter les investisseurs au moment de la création de leur entreprise. De même, l’enregistrement de l’entreprise est désormais possible grâce à un formulaire en ligne.

Afin de réduire les délais d’obtention de permis de construire, Maurice autorise désormais le recours à des entreprises privées pour connecter son projet aux réseaux d’égouts, y compris dans la phase de conception.

En cas de cession d’une entreprise, la taxe de 10% dont devait s’acquitter l’acquéreur est désormais exonéré. Les droits d’enregistrement également ne sont  plus dus. Et enfin, les démarches ont été allégées pour les importateurs et exportateurs, grâce à l’induction de procédures informatisées.

Rwanda

Voilà un autre pays africain dont le climat des affaires fait un grand bond en avant. Le Rwanda se place désormais à la 41e place mondiale, alors qu’elle occupait la 56e position dans le précédent rapport, le DB 2017. Le pays de Paul Kagamé ne s’est pas contenté de sa note de 69,81 de l’année dernière. En ayant mené de sérieuses réformes sur 5 critères, il a décroché une note de synthèse de 73,40 pour le DB 2018.

Le premier domaine amélioré est celui des autorisations de construire. Même si le pays occupe encore la 112ème  place mondiale, c’est nettement mieux que le 158ème  rang de l’année dernière. Concernant ce critère, les délais sont encore les mêmes (115j) et le nombre de procédures est inchangé (15). Cependant, le gouvernement a agi sur les taxes qui ont été considérablement réduites en passant de 48,5% à seulement 13,2%.

Quatre autres critères ont connu des réformes significatives. D’abord, il y a l’enregistrement de la propriété commerciale où le délai n’est plus que de 7j contre 12j précédemment. Ensuite, la protection des intérêts des investisseurs minoritaires est nettement renforcée en donnant plus de droits aux actionnaires. Puis, le système fiscal a subi une bonne amélioration. Au lieu de 28 impôts à pays, il n’y en a plus que 8. Enfin, pour faire exécuter un contrat, les tribunaux rwandais s’y prennent mieux.

Le Maroc

Cette année, le royaume du Maroc conserve sa troisième place africaine, même si à l’échelle mondiale, il en perd une précieuse qui la positionne désormais 69ème. Deux importantes réformes ont été mises en place en 2016/2017, notamment concernant le règlement des droits d’enregistrement au moment de la création d’entreprise, cela réduit le nombre des démarches et les délais.

De même, le rapport Doing business 2018 de la Banque mondiale salue le fait que désormais l’essentiel des impôts peut faire l’objet de paiement en ligne. C’est même devenu une obligation, d’autant que la mise en place d’un numéro unique utilisé par l’ensemble des administrations (Sécurité sociale, Direction des impôts, Trésorerie générale, etc.) facilite beaucoup les démarches des entreprises.

Néanmoins, au niveau des services de l’Office marocain de la propriété industrielle et du commerce (OMPIC), l’augmentation des frais pour protéger un brevet ou une marque est jugée préjudiciable pour le climat des affaires. Il faut dire que le Maroc conserve une longueur d’avance sur beaucoup de pays dans le monde concernant les procédures pour obtenir une autorisation de construire, critère selon lequel il est 17e mondial. Le système fiscal marocain est également le 25e le plus performant dans le monde selon le Doing business 2018. Concernant les éventuels conflits commerciaux, le système judiciaire est le 57ème  le plus performant pour arriver à une solution. Cependant, il y a plusieurs niches à explorer pour améliorer le classement du royaume comme  Maurice et le Rwanda qui font la course en tête. Les délais de recouvrements des impayés sont jugés trop longs et se faire régler une facture peut relever d’un parcours du combattant. C’est pourquoi pour ce critère le Maroc est classé 134ème  sur les 190 pays retenu par le DB 2018. Cela peut prendre jusqu’à 3,5 années pour recouvrer des impayés. En plus, il faudra débourser jusqu’à 18% du montant de la facture. En plus de cela, le montant qu’on risque de récupérer ne dépasse pas en moyenne 28,4% de ce qui est initialement dû. Il y a également un certain paradoxe au Maroc concernant le système bancaire qui est l’un des plus développés du continent. Il n’empêche que le Maroc ne figure pas dans le top 100 concernant le critère “Obtenir un crédit”. Cela est surtout lié à l’absence de fichier positif sur le crédit, ce qui ne permet pas de savoir qui possède ou non un crédit bancaire. Seuls qui ont été insolvables sont concernés par le fichier du crédit bureau.

Kenya

Dans ce rapport Doing Business 2018, le Kenya est vraiment la grosse surprise en réussissant à se hisser non seulement dans le top 5 africains, mais surtout au pied du podium. C’est parce que durant la période 2016/2017, ce pays a mis en place une longue série de réformes touchant la plupart des 10 critères. Les procédures de création d’entreprise ont été purement et simplement fusionnées. En matière d’autorisation de construire, les droits dus auparavant au profit de l’Autorité nationale de gestion de l’environnement (NEMA) et à l’Autorité nationale de l’immobilier ont été supprimés.

Le gouvernement Kenya s’est également attaqué aux nombreux délestages électriques qui étaient constatés auparavant et qui sont le talon d’Achille de beaucoup de pays africains. Ainsi, le gouvernement actuellement en place a massivement investi dans la production d’énergie électrique, mais également dans le transport. Une unité mobile de production d’électricité a même été mise en place afin de suppléer les zones subissant une coupure d’électricité. Dans le domaine bancaire, la mise en place d’un fichier de données liées à la solvabilité des clients a permis d’améliorer l’environnement du crédit. Ce système est confié à deux sociétés privées.

Concernant la fiscalité, cette année le Kenya est également passé à la déclaration et au paiement en ligne de la plupart des impôts des entreprises.

En matière de commerce international, la mise en place d’un guichet unique pour le traitement des documents a abouti à la réduction des délais. Ce sont donc autant de réformes qui ont permis à ce pays de l’Afrique de l’est d’être classé  80ème  pays ayant les meilleurs climats des affaires dans le monde, alors que dans l’édition précédente du rapport, il était classé 92ème. Ainsi, au niveau africain, le Kenya est passé devant la Tunisie, l’Afrique du Sud et a pris la place qu’occupait le Botswana auparavant.

Le Botswana

Comment le pays dont tout le monde chante les louanges a pu perdre une dizaine de places dans le classement mondial en passant de la 71ème  à la 81ème  position? That is the question. Mais pour y voir clair, il faut jeter un œil vers l’informatisation de son système d’enregistrement de brevets et de dépôt de marques. Selon le rapport Doing Business 2018, paru mardi 31 octobre dernier, le fait de passer à la numérisation a rendu complexe la protection des droits de propriété industrielle et du commerce. Comme quoi il n’y a pas que de bonne informatisation. Cependant, au cours de l’exercice précédent, le Botswana a mis en place deux importantes réformes liées justement à l’informatisation. La première concerne le système fiscal qui autorise désormais les paiements d’impôts via le net et la seconde est la mise en place d’un système d’information numérisé concernant les données douanières.

La Rédaction (avec Mar Bassine Ndyaye)