Roger Milla : « Le Maroc nous cache quelque chose »

[AD Weekend] Premier joueur africain à avoir disputé trois Coupes du monde, Roger Milla a été à 42 ans, le footballeur le plus âgé à marquer un but lors d’une phase finale de Mondial. Dans cet entretien, le « Vieux Lion » s’épanche notamment sur le triptyque CAN-Maroc-Ebola. Avec sa franchise habituelle.

Quel regard portez-vous sur le virus Ebola qui frappe le continent africain et menace le report de la CAN 2015 ?

Roger Milla : Je suis tout ça évidemment avec un œil attentif, mais je me pose des questions quant à la position du Maroc. Je ne pense pas qu’Ebola fasse peur au Maroc, je pense que le Maroc nous cache quelque chose. À eux de nous dire quoi ? Quant à l’idée de la CAF, pour moi déplacer la Coupe d’Afrique des nations au Ghana ou en Afrique du Sud, c’est déplacer le problème. Et puis il faudra nous expliquer ce qu’on fait du Maroc ? En tant que pays hôte, les Lions de l’Atlas étaient qualifiés automatiquement. Là, c’est le Ghana ou l’Afrique du Sud. Potentiellement, ça touche deux groupes ! Et il reste des journées… Que vont dire les pays éliminés ? Non, ce n’est pas la solution. Je ne veux pas m’avancer, mais ce dont je suis sûr, c’est que ce n’est pas un problème d’argent : les stades et les infrastructures sont là… Le Maroc est un grand pays qui a déjà organisé une CAN (en 1988, NDLR).

D’une Coupe à l’autre. La Ligue des champions reprend ses droits avec le déplacement du PSG, à Nicosie. À la tête de cette équipe de galactiques, il y a Laurent Blanc, votre ex-coéquipier en club à Montpellier (1986-1989). Êtes-vous séduit par son coaching ?

Je pense que c’est un bon coach. Il a fait ses preuves à Bordeaux en club puis en sélection, à la tête de l’équipe de France. J’ai trouvé les critiques sévères à son égard en fin de parcours avec les Bleus. Depuis un an, il a remplacé Carlo Ancelotti à la tête du PSG. Ancelotti, c’est un vieux de la vieille, « Lolo », c’est un jeune entraîneur qui monte. Il faut lui laisser du temps, je pense, pour mener à bien son projet. Mais c’est le problème des clubs et des sélections, pas qu’en France d’ailleurs : on ne laisse pas les gens suffisamment en place. On ne leur laisse pas le temps de travailler. À ce propos d’ailleurs, moi, je préfère qu’en club comme en équipe nationale on fasse appel à d’anciens joueurs, d’anciens pros qui connaissent le ballon plutôt qu’à des « inconnus ». Même s’ils n’ont pas le diplôme.

Un mot sur le Cameroun bien positionné pour se qualifier pour la prochaine CAN 2015. Comment jugez-vous cette nouvelle génération ?

Tous les jeunes que l’on convoque sont au niveau et répondent présents. Ils sont en train de remonter l’équipe nationale. Ce sont des jeunes de valeur. Je suis content que l’on ait pu récupérer Clinton Njie (l’attaquant de Lyon né à Douala). Il nous manque encore Samuel Umtiti. Il faut qu’on le prenne avec les Lions indomptables. Ils représentent l’avenir du Cameroun. Avec eux, on aura une grande équipe nationale qui s’inscrira derrière la génération Samuel Eto’o et Jean Makoun. Ils ont décidé de tourner la page. Ils ont décidé d’arrêter la sélection. Aujourd’hui, on ne va pas pleurer leur retraite, il faut les remercier pour ce qu’ils ont apporté au Cameroun, mais penser au futur.

(Avec Olivier Schwob)