[Africa Diligence] L’Afrique éprouve quelques difficultés à répondre aux besoins de sa population grandissante. Mais l’avenir de son économie se joue aussi dans l’espace. L’Union Africaine s’est dotée d’une agence spatiale pour coordonner l’action du continent dans ce domaine.
De nombreux pays africains possèdent déjà des programmes spatiaux. Égypte, Maroc, Algérie, Nigeria, Gabon et Sénégal pour n’en citer que quelques-uns. Mais l’ambition commune est de passer à une étape supérieure, alors que le secteur spatial est devenu un enjeu de développement économique. Premier volet de cette série consacrée à la conquête de l’espace par l’Afrique.
Onze États africains ont déjà des satellites dans l’espace, et rien qu’en 2019, huit satellites africains ont été lancés, que ce soit par des fusées chinoises, russes ou européennes. Les programmes spatiaux fleurissent sur le continent. Et l’an dernier l’Union africaine a officiellement créé une Agence spatiale. Étape décisive selon le Sénégalais Maram Kairé, directeur d’AfricaSpace, une société de conseil dans le domaine spatial. « Ça permettrait déjà d’exploiter les ressources spatiales de façon plus coordonnée. Et par la suite de développer un marché et une industrie dans le secteur spatial en Afrique », souligne-t-il.
De vastes ambitions donc, mais des moyens encore limités. Les Africains doivent-ils chercher à tout prix à fabriquer eux-mêmes leurs lanceurs ? Philippe Duval conseiller chez PWC et spécialiste du secteur spatial prône plutôt une approche rationnelle. Surtout dans un marché des lanceurs déjà saturé. « Ça paraîtrait un peu difficile de monter une industrie panafricaine sur l’ensemble des blocs, comme on le voit dans d’autres pays ou continents qui eux ont une expérience du spatial de plus de soixante-dix ans. Il va falloir un pavillon, en fait, qui devrait permettre de concentrer les fonds sur un domaine particulier », explique-t-il.
Maram Kairé, l’un des initiateurs de la coopération entre Arianespace et le Sénégal dans la conception de micro satellites, insiste sur la nécessité d’expliquer aux populations africaines, les retombées concrètes du secteur spatial pour le développement. « Quand vous expliquez à l’agriculteur qu’avec une bonne maîtrise des données spatiales, vous anticipez sur les changements climatiques. Quand vous expliquez aux pêcheurs qui vont en haute mer qu’avec un bon système de GPS on peut éviter les naufrages, ce sont des choses que les gens comprennent tout de suite et maintenant. Et cela nous permet ensuite par translation d’aller vers des projections futures, peut-être dans trente ans ou cinquante ans sur la nécessité d’avoir un projet qui permettra à l’Afrique d’avoir ses propres lanceurs. Et là, les populations s’approprient ces projets et les accompagnent de façon vraiment efficace », précise-t-il.
Agriculture, climat, pêche, urbanisation, voilà les retombées concrètes des images satellites dans la vie quotidienne des Africains. Et l’argent investi dans la surveillance par satellite est loin d’être un investissement de prestige. « On voit qu’il y a toujours un impact assez positif du spatial. Aux alentours de deux à deux fois et demie l’investissement réalisé par un État », indique Philip Duval. Le secteur spatial est un outil de développement ainsi que de sécurité collective. Ainsi des pays comme le Nigeria utilisent aussi les images satellites pour surveiller les groupes jihadistes.
La Rédaction (avec RFI et HMB)