BUSINESS | L’Afrique à la conquête de Davos

Pour conquérir les investisseurs internationaux au Forum économique mondial de Davos où sont réunis 1600 décideurs de la planète, plusieurs dirigeants africains ont fait le déplacement. C’est le cas notamment du président sud-africain, Jacob Zuma, du président de la Guinée, Alpha Condé, du président de la Tanzanie, Jakaya Kikwete, du premier ministre de l’Éthiopie, Mélès Zinawi, celui du Kenya, Raila Odinga, celui de la Tunisie, Hamadi Jebali, et celui du Maroc, Abdelilah Benkirane.

Pour tous, le message est simple : il faut convaincre la communauté économique et financière que l’Afrique est enfin en train de changer en devenant une terre propice à un nouveau flux d’échanges. Pour l’heure, le continent concentre 15 % de la population mondiale, mais seulement 1 % de la production manufacturière et 1 % des investissements, a rappelé jeudi l’ancien premier ministre britannique Gordon Brown.

L’Afrique dans son ensemble devrait pourtant afficher un taux de croissance de 5,5 %, cette année, selon le FMI. « Nous sommes dans la même situation que l’Inde des années 1990 », a estimé le premier ministre éthiopien.

Un développement autocentré

Mais face au phénomène de mondialisation, dont ils sentent écartés, les dirigeants africains présents à Davos veulent aussi promouvoir un développement plus autocentré, pas uniquement tourné vers le Nord et le commerce de matières premières.

« Nous produisons tout ce que nous ne consommons pas et consommons tout ce que l’on ne produit pas », a résumé le chef du gouvernement tanzanien, en plaidant pour un développement du libre-échange à l’intérieur de l’Afrique.

C’est vrai aussi sur le plan alimentaire, selon Ngozi Okonjo-Iweala, ministre des finances du Nigeria, pour qui l’Afrique est « tout à fait capable de se nourrir toute seule » à condition de réformer non seulement ses méthodes de productions agricoles, mais également toute la chaîne de distribution. Un optimisme partagé par Bill Gates, le patron de Microsoft dont la fondation est très investie en Afrique.

« Il y a beaucoup d’innovations scientifiques dans les semences et le développement des partenariats public-privé devrait permettre de doubler voire tripler la productivité en matière agricole », a affirmé le milliardaire américain.

Plus indépendant économiquement

En se voulant plus indépendants sur le plan économique, les leaders africains cherchent aussi à se protéger des difficultés rencontrées en Europe, dont ils craignent de subir le contrecoup, notamment avec une raréfaction des crédits bancaires.

« Le monde est en train de changer et ce serait une erreur pour l’Afrique de vouloir reproduire aujourd’hui un modèle industriel dépassé », expliquait mercredi Meles Zenawi, en mettant en avant la raréfaction inévitable des énergies fossiles compte tenu de l’accroissement attendu de la population africaine.

« Il n’y a pas d’autre option que de s’orienter sur la voie du développement durable. Il faut s’adapter », a-t-il expliqué. Reste malgré tout pas mal de réformes nécessaires à entreprendre. « Cela passe d’abord par la lutte contre la corruption et un changement de mentalité des leaders africains », soulignait le président guinéen, Alpha Condé.

Jean-Claude Bourbon à Davos, avec AD

Dernière minute AFP

« A Davos, on juge l’Afrique prête à prendre le relais de la croissance mondiale »

DAVOS — L’Afrique s’apprête à tourner la page de la pauvreté pour devenir un puissant moteur de croissance de l’économie mondiale, ont affirmé des dirigeants politiques réunis au Forum de Davos.

Tout en admettant que beaucoup reste à faire en termes d’infrastructures, de commerce et d’éducation sur le continent le plus pauvre de la planète, ces responsables jugent qu’une étape a été franchie.

« Quelle est l’économie de 1.000 milliards de dollars qui a progressé sur les dix dernières années plus rapidement que l’Inde et qui va croître sur la prochaine décennie plus rapidement que le Brésil« , a demandé l’ancien Premier ministre britannique Gordon Brown, reprenant une question de l’ex-directrice de la Banque mondiale Ngozi Okonjo-Iweala.

« La réponse est bien sûr l’Afrique sub-saharienne« , a-t-il assuré devant les participants de ce 42ème Forum économique mondial (WEF).

Le Premier ministre éthiopien Meles Zenawi s’est quant à lui voulu prudemment optimiste.

« Nous sommes conscients d’avoir crû ces dernières années plus rapidement que cela a été le cas auparavant. C’est pour cela que nous croyons que l’Afrique peut et voudra être le prochain relais de la croissance mondiale« , a-t-il dit.

« Nous pensons être là où l’Inde était au début des années 1990. Nous avons à peu près la même taille de population« , a encore relevé le chef du gouvernement éthiopien.

Le président guinéen Alpha Condé a souligné que le continent était prêt à avancer, bien qu’il demeure handicapé par la faiblesse de son système éducatif et ses infrastructures délabrées.

Il a appelé les autres leaders africains à unifier leurs politiques de développement économique dans le cadre de ministères transnationaux au sein de l’Union africaine.

« Si nous poussons (…) dans l’éducation et maîtrisons les nouvelles technologies, nous atteindrons en deux ou trois ans ce que d’autres ont mis 20 ans à atteindre« , a lancé M. Condé.

L’Afrique a été victime d’erreurs politiques du monde développé, a pour sa part estimé le président tanzanien Jakaya Kikwete.

« Nous faisons partie de l’économie mondiale, donc quoi qui se passe dans d’autres parties du monde, cela nous affecte également« , a-t-il ajouté.

« Nous avons beaucoup d’anxiété avec la crise dans la zone euro. J’espère que ce sera réglé rapidement. Car si ça ne l’est pas, il y aura beaucoup de problèmes« , a prédit M. Kikwete.

Alors que les experts ont longtemps estimé que les économies africaines étaient minées par des gouvernements inefficaces et la corruption politique, les dirigeants du continent ont assuré que des progrès avaient été accomplis dans ces domaines.

« La démocratie africaine est en marche« , a souligné le chef du gouvernement kenyan, Raila Odinga, le jour où son ministre des Finances a démissionné après que la Cour pénale internationale a estimé qu’il devait être jugé pour violence électorale.

Selon ce dernier, « il existe des poches de résistance ça et là, mais globalement un important progrès a été accompli. Les leçons du Printemps arabe descendent rapidement vers le sud« .