Cameroun-Nigéria : Africa Diligence relativise les tensions sur Bakassi

Une note du groupe Geos, spécialisé dans la prévention et le management des risques, a récemment indiqué que «l’environnement politico-sécuritaire se serait détérioré ces dernières semaines dans la péninsule de Bakassi […] à la suite d’une multiplication d’intimidations et d’actes criminels à l’initiative de la communauté nigériane, ravivant les tensions avec les Camerounais.» Les analystes d’Africa Diligence confirment les faits, mais relativisent leur ampleur et leur impact sur la stabilité de la sous-région.

D’après Geos, la minorité nigériane reproche au gouvernement camerounais de ne pas avoir respecté les termes de l’accord de Green Tree, qui préconisait la garantie de certains de ses acquis, et dénonce des actes de harcèlement à son encontre (intimidations, impôts excessifs). Par ailleurs, des localités historiquement nigérianes auraient été rebaptisées par le gouvernement camerounais, allant ainsi à l’encontre de l’accord de Green Tree, par lequel le Cameroun s’était engagé à respecter et à conserver les spécificités ethniques nigérianes dans la péninsule. En outre, le choix laissé par la Cour Internationale de Justice (CIJ) jusqu’en 2013 aux ressortissants nigérians vivant à Bakassi de garder leur nationalité ou de prendre celle du Cameroun suscite des tensions à l’approche de l’échéance fixée par la CIJ.

La signature des accords de Green Tree, le 12 juin 2006, se fondant sur le jugement de la CIJ concernant l’appartenance de la péninsule au Nigéria ou au Cameroun (10 octobre 2002), avait conclu plusieurs décennies de conflit entre les deux pays et contraint le Nigéria à rétrocéder la presqu’île au Cameroun. Le retrait de l’administration nigériane ne s’est achevé qu’en 2008, sous supervision internationale, en raison de nombreux actes de provocation émanant de la communauté nigériane, violemment opposée à la décision de la CIJ. Depuis, la situation sécuritaire de la zone est quelque peu précaire. Certains mouvements rebelles comme les Bakassi Freedom Fighters (BFF) ou le Front pour l’Autodétermination de Bakassi (FAB) remettent en cause la souveraineté du Cameroun sur la presqu’île et soutiennent régulièrement l’intérêt du Nigéria envers certains points pétrolifères stratégiques de la zone.

Mais, contrairement aux affirmations des analystes de Geos, le renforcement militaire de la zone par les autorités camerounaises n’est pas une décision prise dans l’urgence. Elle relève d’une opération de redéploiement progressif des forces décidée au lendemain de l’attaque essuyée par l’armée camerounaise le 27 septembre 2008 à Limbé. Le gouvernement avait notamment averti qu’il créerait un dispositif de surveillance des côtes et de la mer territoriale par satellite, avec l’appui des Etats-Unis et de la France. L’acquisition de ce matériel, capable de détecter un bateau de pirates à longue distance, répondait à un appel international visant à renforcer la surveillance maritime devant la recrudescence des actes de pirateries sur les côtes africaines.

En somme, les enquêteurs d’Africa Diligence présents sur le terrain confirment l’existence de poches de tensions à Bakassi et comprennent l’inquiétude de Geos. Mais le traitement de ce dossier par les autorités camerounaises et nigérianes devrait rassurer les investisseurs internationaux désireux de s’implanter dans la sous-région.

 (Linda Marshall, avec Ecofin)

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