Le Québec à l’assaut des marchés africains

(Africa Diligence) Le ministre des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur, accompagné de 100 opérateurs économiques et institutionnels du gouvernement du Québec, a récemment séjourné au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Objectif: positionner la « Belle Province » sur les marchés africains dans une approche résolument offensive.

Monsieur le ministre et sa délégation ont voulu faire du Sénégal, à travers leurs rencontres avec les industriels et hommes d’affaires sénégalais, une porte d’entrée et un espace de rayonnement en Afrique subsaharienne. Les moyens mobilisés sont loin d’être démesurés quand l’ambition paraît tout aussi pharaonique.

Mission multi-sectorielle

C’est la plus importante mission multi-sectorielle à ce jour du gouvernement du Québec, dépêché en Afrique pour plaider «l’intensification de la diversification des marchés d’exportation du Québec» avec une communauté francophone d’environ 200 millions de personnes.

L’économie canadienne perdrait de son dynamisme si des efforts soutenus n’avaient pas été consentis afin de booster l’exportation des biens et services produits au Canada vers les États-Unis. Or, une éventuelle dégradation de l’activité économique aux États-Unis, consécutive à la crise de la dette en Europe et au tassement de la croissance chinoise, nuirait aux exportations québécoises en direction de ce pays.

Au même moment, un regain d’activité économique palpable est noté en Afrique. Selon les experts du Fonds Monétaire International (FMI), l’Afrique, avec un taux de croissance annuel de près de 6%, tire désormais l’économie mondiale.

L’Afrique et ses matières premières

De tous les continents, l’Afrique est l’un des mieux dotés en matières premières.

L’énormité de ses ressources naturelles (énergétiques, hydrauliques et halieutiques, agricoles et forestières), la vitalité de sa population (un milliard d’habitants en 2010 dont 41% de jeunes âgés de 15 ans) et les progrès réalisés dans le domaine de la démocratie et la bonne gouvernance sont autant de signaux lumineux pour percer le scepticisme le plus opaque. Avec un tel potentiel, l’Afrique attire l’intérêt et focalise les attentions. Que ce soit les partenaires classiques au développement comme la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Japon, l’Allemagne ou les tous nouveaux acteurs de l’économie globale (Brésil, Russie, Inde, Chine, AS, EU, Turquie, Émirats du Golfe, Corée du Sud, etc.), tous se bousculent désormais au portillon du continent noir.

C’est donc bien vu de la part du gouvernement du Québec d’anticiper sur ces grands enjeux du développement international et de s’engager dans cette course vers la Terra Nova du développement et d’opportunités en tous genres. L’Afrique est l’une des zones au monde où l’on situe encore des noeuds de croissance robuste et durable.

En amont de tout processus de développement, il y a surtout une vision holistique et paramétrique des enjeux et une mesure circonstanciée des opportunités à réaliser grâce à des choix pertinents de financement de l’innovation, de la recherche et de grands projets différés dans le temps et essentiels à la croissance et à la création de valeur ajoutée.

L’Afrique et le reste du monde

La visite de travail de la délégation québécoise au Sénégal, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire marque l’importance que l’Afrique représente pour le Québec et le reste du monde. Le Bureau d’Expansion du Québec ouvert ce mardi 10 septembre 2013 à Dakar a pour mission de promouvoir les relations institutionnelles économiques et commerciales bilatérales, l’implantation et le développement des entreprises québécoises au Sénégal et partout ailleurs en Afrique.

En ce début du XXIe siècle, les fondamentaux de l’expansion québécoise en Afrique doivent vigoureusement s’appuyer sur le puissant levier des investissements et permettre au Québec d’apporter sa contribution notionnelle à l’essor économique de son partenaire africain. Pour ce faire, il va falloir que le Québec réalise encore plus d’investissements directs à l’Afrique. Car il y a, partout en Afrique et à tous les niveaux des économies nationales, un besoin crucial de financement de projets divers. Les 31 pays d’Afrique qui ont en commun l’usage de la langue française représentent pour le Québec un énorme marché de débouchés où, justement, l’affinité linguistique et culturelle est un facteur non négligeable à mettre à contribution pour favoriser l’implantation des entreprise québécoises, faciliter les échanges économiques, commerciaux, culturels et, au-delà, renforcer la coopération dans le domaine de l’éducation et la formation des élites nationales.

L’expertise québécoise

Les entreprises québécoises ont une expertise mondialement reconnue dans les domaines du génie conseil, de l’énergie (hydroélectricité), de la foresterie, des mines, des télécoms et sont assez bien outillées pour s’impliquer en Afrique et concourir avec les grandes compagnies d’autres puissances étrangères présentes sur son sol.

Pour cela, il n’y a qu’une étape à franchir et non des moindres. Des contacts assez rassurants ont été noués, de merveilleux discours ont été tenus et au cours desquels, des mots glanés sur l’autel de la solennité évènementielle furent prononcés. Bref, tout a été fait et bien fait pour épater les galeries.

Maintenant, il faut agir. De la persuasion sur fond lyrique et dithyrambique à la Mirabeau, l’«Orateur du peuple», il faut passer désormais à l’action par mesure de pragmatisme et de réalisme à la Deng xiaoping, l’«Architecte» des réformes économiques d’une Chine, aujourd’hui rayonnante sur l’échiquier international.

Nous disons, assez de théoriser le développement de l’Afrique, mais prenons plus qu’une part active dans la construction d’une Afrique nouvelle libre de toute allégeance étrangère et fière d’elle-même, l’éducation des jeunes générations et l’assurance d’une sécurité alimentaire et d’une couverture sanitaire aux populations africaines. Le retour sur investissements est garanti et bénéfique à plus d’un titre pour toute la communauté humaine confinée dans un seul village: le village global de Marshall McLuhan.

Boubacar Badiane

Ph.D en économie internationale, spécialiste des questions chinoises et de développement énergétique