Côte d’Ivoire : le retour des fantômes en treillis

[Africa Diligence] Vu de KCG, jamais pays africain ne s’est aussi bien vendu, auprès des investisseurs internationaux, que la Côte d’Ivoire, au cours des cinq dernières années. Mais sous l’attractivité du tapis ivoirien, se cache la poussière des bottes que les accommodements politiques de circonstances n’ont pas su nettoyer. Les fantômes en treillis sont de retour.

Lorsque le 8 février 2017, Aïchatou Mindaoudou, la Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU pour la Côte d’Ivoire, se félicite : « la page de la crise a été définitivement tournée », pour justifier la fin prochaine de l’Opération des Nations Unies dans le pays, elle minimise sans doute la grogne des Dozos, des autres corps de l’armée, des démobilisés qui ont conservé leurs armes et qui exigent désormais 12 millions de francs CFA, chacun, comme les autres… Ces autres qui ont aidé Alassane Ouattara à accéder à la magistrature suprême. Mais quid des autres corps de l’Etat ? Qui seront les gagnants et les perdants de cette bataille ?

La bataille pour la stabilité politique en Côte d’Ivoire n’est pas gagnée

Contrairement à certaines analyses de complaisance, et malgré les remarquables efforts du gouvernement, la bataille pour la stabilité politique en Côte d’Ivoire n’est pas gagnée, loin s’en faut, depuis le jour où les militaires ont mis un doigt infecté dans la plaie de la politique ivoirienne. C’est une opinion du conseil en intelligence économique Knowdys Consulting Group (KCG). Certes Alassane Ouattara a été réélu sans incident majeur, avec 83,66 % des voix, en octobre 2015 ; certes la coalition bipartite au pouvoir a remporté haut la main les élections législatives de décembre 2016. Ce sont des facteurs de stabilité qui participent de manière décisive à rassurer les investisseurs dans une Afrique qui attire et effraye tout à la fois.

Les fantômes qui veillent sur le pacte du président Ouattara avec les ex-Rebelles

Mais… la nouvelle constitution votée en octobre 2016 par un référendum affaibli par un niveau de participation relativement bas, a réveillé les fantômes qui veillent sur le pacte du président Ouattara avec les ex-Rebelles. L’instauration d’un poste de vice-président, deuxième personnage de l’Etat, devant le président de l’Assemblée nationale, n’a pu être noyée dans la fin de l’« ivoirité » ou la création du Sénat. L’opinion de KCG est que les revendications observées au sein de l’armée, début 2017, n’y sont guère étrangères. On a clairement rappelé à Alassane Ouattara qu’il restait débiteur de ceux qui l’ont fait roi. C’est son piège éternel.

Les grands travaux du 2nd Plan continueront de tirer la croissance vers le haut

Sauf crise géopolitique majeure, les grands travaux du 2nd Plan national de développement continueront de tirer la croissance vers le haut, aidés par l’amélioration du climat des affaires et l’interruption des ventes par anticipation des récoltes de cacao. KCG prévoit que la solidité de la consommation privée restera adossée au triptyque « assurance maladie universelle – augmentation des salaires – prix garantis aux agriculteurs ». Mais attention à la grogne des couches populaires, ces millions d’Ivoiriens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté dans les grandes villes et apprennent, grâce aux médias, qu’ils sont un pays en voie d’émergence…

Les revendications des hommes en armes vont accentuer le déficit budgétaire

Depuis 2012, année où le pays a vu son ardoise allégée par l’Initiative Pays Pauvre Très Endetté (IPPTE), la dette publique est plus ou moins viable. Mais pour atteindre le point de convergence de l’Union économique et monétaire Ouest-africaine en 2019, Abidjan devra réduire les dépenses courantes et accroître ses recettes, ce qui n’est pas gagné non plus. Les dépenses liées à la sécurité, en réponse notamment aux revendications des hommes en armes, près de 200 milliards de FCFA, selon une estimation KCG, vont accentuer le déficit budgétaire en 2017.

La Côte d’Ivoire est le modèle d’une Afrique qui émerge avec insolence

Tout bien considéré, cette crise latente pour les uns, larvée pour les autres, pourrait avoir un impact négatif, voire désastreux, sur les investissements étrangers dans le pays si elle n’est pas traitée avec l’urgence et la gravité qu’elle exige. Et parce que la Côte d’Ivoire est le modèle d’une Afrique qui émerge avec insolence, le traitement de son cas devrait interpeller les pays voisins et amis, l’Union africaine et les instances sous-régionales, ainsi que la communauté des investisseurs actifs dans ce pays. Tous ont grand intérêt à faire entendre business aux politiques.

Guy Gweth