Algérie : 86% de réserves de change risqués à l’étranger

(Africa Diligence) Les 86% des réserves de change algériens placés à l’étranger sont-ils menacés par la crise d’endettement des Etats-Unis et de l’Europe ? Malgré la reprise progressive de l’économie mondiale, Une certaine inquiétude règne chez certains analystes de la MENA. Alger doit-il avoir peur ?

1. La stabilité financière dans le monde reste sous la menace d’un changement de cap de la politique monétaire aux Etats-Unis et de l’endettement massif des pays riches, a estimé le FMI le 09 octobre 2013 à Washington dans son  rapport pour 2014  suggérant pour la première fois de faire contribuer les plus fortunés et les multinationales à la réduction des déficits. Le Fonds monétaire international prévoit un endettement record des pays riches en 2014 en estimant environ  4.500 milliards de dollars d’avoirs dissimulés par des particuliers dans des paradis fiscaux. En moyenne, la dette publique des pays développés devrait atteindre le « pic historique » de 110% de leur produit intérieur brut (PIB) en 2014, soit plus  de 75.000 milliards de dollars à prix constant 2011,  soit 35 points de plus qu’en 2007, selon  le FMI dans son récent rapport. Le Japon  aurait  un ratio de dette/PIB de 242,3% suivi par la Grèce (174%), l’Italie (133,1%) et le Portugal (125,3%). Les Etats-Unis,  devraient eux voir leur endettement progresser à 107,3% de leur PIB en 2014  et la France à  94,8%.  La Chine aurait  un ratio d’endettement  de 20,9%. Encore que les pays  du  BRICS – la nouvelle coordination politique entre le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et aussi l’Afrique du Sud, fortement connectés à l’économie mondiale,  connaissent une  relative récession et  un  retour à l’inflation  depuis 2012.

Ces ratios alarmants avec la récente expérience américaine  suscitent de véritables inquiétudes sur l’avenir de l’économie mondiale. Les pays développés replongeront en récession si les Etats-Unis ne parviennent pas à relever le plafond légal de leur dette, avait  estimé le 16 octobre 2013  l’OCDE, qui regroupe les 34 Etats les plus industrialisés du globe. « Si le plafond de la dette n’est pas relevé ou mieux, supprimé, nos estimations suggèrent que la zone couverte par l’OCDE retombera en récession l’année prochaine tandis que les pays émergents connaîtront un ralentissement brutal »,  avait averti  le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques, Angel Gurria. Cependant, il  ne fallait pas  être un grand expert financier  pour prévoir que les  démocrates et républicains allient s’entendre  sur  un minimum  pour éviter  le défaut de paiement des USA puisque le Congrès américain a finalement abouti à un accord, mettant un terme aushutdown qui paralysait l’Etat fédéral depuis plus de deux semaines et relevant par la même occasion le plafond de la dette, évalué à 16700 milliards de dollars le 16 octobre 2013.

Rappelons que les plus  gros placements en bons de trésor  américains  sont effectués actuellement par la  Chine et qu’un retrait entraînerait une chute vertigineuse du dollar en déclin  Au  plus tard en 2016, le commerce mondial s’organisera de manière équilibrée autour des trois devises que sont le dollar (qui  représenterait  plus que 35-40% des transactions mondiales, contre 80% en 2008 ), l’euro (30-35%) et le yuan (10%)», selon  une analyse récente du Laboratoire européen d’anticipation politique (LEAP).Et tout dépendra de l’attitude des pays du BRICS vis à vis du dollar US.  Se pose cette question : quel impact pour l’Algérie ?

2.Certes il faut déplorer le manque de communication  sur le rendement réel des réserves de change algériens (190 milliards de dollars non compris les 173 tonnes  de réserves d’or)  tenant  compte de l’inflation mondiale, des différentes opportunités de l’utilisation de ces réserves :  fonds souverains, investissement tant local qu’à l’étranger, placements dans des banques centrales ou au niveau de banques internationales  cotées dites AAA, ou encore laisser les hydrocarbures sous terre  afin d’éviter l’épuisement car  ces réserves ont été dues essentiellement  aux exportations d’hydrocarbures, l’économie algérienne étant mono-exportatrice.  C’est tout un débat national, car propriété de toute la population algérienne,  qu’il s ‘agit d’initier sans  passions. L’Algérie a placé environ 86% de ses réserves à l’étranger 98% depuis 2010  garantis par  les Etats. Mais ce taux était inférieur, une partie  avait été placé dans des banques internationales   cotées AAA dont certaines ont fait faillite. L’Algérie a-t-elle été concernée ?

Au sein de cette masse,  plus de 45%  des réserves sont placées en bons de trésor  américains, 45% en obligations européennes avec un  taux fixe de 3% avant 2011 selon le gouverneur de la banque d’Algérie ayant engendré une recette  de 4,7 milliards de dollars,   mais ayant connu une baisse entre 2012/2013 fluctuant entre 2  et 2,25%. Le  reste  est placé en  autres monnaies (livre sterling- yen japonais) et en droit de tirages spéciaux (DTS)  auprès du FMI d’un montant  de près de 9 milliards de dollars y compris le prêt  de  5 milliards de dollars  à un taux inférieur à 1%. Une  très crise d’endettement aux USA déprécie certes la valeur de ces bons, en fonction  de la  durée du placement. Mais il faudra être également attentif également au rendement des placements  en obligations européennes dont le montant est presque équivalent.

On peut discuter donc de l’opportunité des  placements  en Algérie. Mais je dois souligner  qu’elles   sont garantis tant par  les Etats que par le FMI, sauf faillite généralisée de la première puissance économique mondiale  et par voie  de conséquence de l’économie européenne représentant à eux deux  en 2012 , plus de 45% du produit intérieur brut,  25% pour l’union européenne pour une population  de 500 millions  et 20% pour les  USA pour une population ne dépassant pas  400 millions sur 7 milliards d’habitants au niveau de  notre planète. Le taux  est   de plus de 50% du PIB mondial si l’on inclut le Japon. En effet, en 2012 les plus gros contributeurs au PIB mondial sont l’Union européenne qui forme un quart du PIB mondial, les États-Unis, un cinquième du PIB mondial et la Chine, 10 % du PIB mondial. Je précise qu’existe tout un débat pour dépasser cet indicateur du PIB, pouvant avoir un  fort taux de croissance avec paradoxalement  un niveau élevé  de pauvreté et de chômage, l’indice de développement humain (IRH) incluant   l’éducation de la santé, complété par la répartition du revenu et du  modèle de consommation par couches sociales, étant un indicateur plus objectif.

3. Aussi, évitons  tant toute autosatisfaction  source de névrose collective  mais également toute sinistrose, que l’Algérie allait perdre la majorité  de ses placements, environ 90 milliards de dollars  aux USA, qui est pour l’instant une utopie à moins d’une déflagration de l’économie mondiale qui emporterait toute l’économie algérienne dont 98% de ses recettes en devises proviennent des hydrocarbures connectés à la croissance de l’économie mondiale. Comme cette déclaration euphorique où sans  donner la structuration tant  par catégories socio professionnelles  que par secteurs, (souvent désherber  ou faire et refaire les trottoirs), des emplois permanents  ou d ‘une durée  très limitée, devant différencier  les emplois  créateur de valeur ajoutée, de ceux non créateur de valeur qui bénéficiant d’un transfert de  rente,   le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale lors du colloque récent Marseille le 06  octobre 2013, a déclaré je le cite : «   depuis 2008, Algérie a permis la création d’une moyenne de 700.000 emplois/an, soit environ 4 millions de postes depuis cinq ans ».  Or, Le premier ministre  Abdelmalek Sellal en affirmant  devant la Tripartie le 10 octobre 2013  que les  emplois existants sont créés surtout par la dépense publique et que cela ne peut continuer  nuance fortement ces propos idylliques. Les étrangers ont dû rêver  face à la crise mondiale qui touche leurs pays avec un taux de chômage inégalée, ont du se demander comment  l’Algérie a pu réaliser ces recettes miracles qui contredisent toutes les lois économiques  et sourire  face à ces contrevérités, pour  ne pas contredire un officiel algérien. Ayant assisté à de nombreux séminaires internationaux en présence de ministres  en fonction  des pays en voie de développement, j’ai pu constater toujours, bien  que défendant les intérêts de leurs pays, ils l’ont fait avec intelligence.  Encore des effets d’annonce déconnectés de la réalité.

En effet,   tant au niveau international  qu’au niveau local, les étrangers  et les Algériens connaissent  parfaitement la réalité. Comment peut –on affirmer  ce nombre impressionnant alors que le taux d’emploi est fonction de la croissance du tissu productif lui-même fonction de la dynamique de l’entreprise, taux  approchant  celui de la croissance de la population active  ne créant pas des emplois fictifs par décrets  ou en majorité dans l’administration via la dépense publique. C’est que   le tissu industriel algérien actuel, sur lequel le  gouvernement souhaite  fonder la relance économique est en réalité insignifiant, la part du secteur industriel étant de moins de 5% dans le produit intérieur brut. Il s’agira  de livrer  périodiquement  à l’opinion publique des informations transparentes, avec des messages simples et clairs  afin  d’éviter toute dénaturation, la manière dont on gère  les fonds publics renvoyant à l’urgence d’un Etat de droit, devant dépasser  cette mentalité bureaucratique du secret de polichinelle.

L’objectif stratégique  est  de bien  utiliser ces réserves de change, richesse artificielle,  qui ne sont qu’un moyen de développement- la thésaurisation comme acte de précaution  n’ayant  jamais créé de richesses-  d’éviter de dépenser sans compter pour des raisons de prestige ou de distribution de revenus sans contreparties productives. Les actuelles entreprises  étatiques étant souvent obsolescentes expliquant le peu d‘effets des assainissements répétées  de plus de 50 milliards de dollars entre 1971/2012, , 70% étant revenues à la case de départ, à l’image où l’on déverse de l’eau dans un réservoir troué,  il s’agira de promouvoir de nouveaux projets à valeur ajoutée , au sein de grands ensembles économiques, les espaces  euro-méditerranéens  et euro-africains par l’intégration de  l’Afrique du Nord, pont entre l’Europe et le continent Afrique, condition d’atténuation des tensions sociales au niveau du continent. Cela doit s’inscrire  forcément  dans le cadre des filières internationalisées,  permettant à l’Algérie de s’insérer  harmonieusement au sein des nouvelles mutations économiques mondiales, grâce à une transition maîtrisée par l’Etat régulateur, stratégique en économie de marché.

Dr Abderrahmane MEBTOUL