Le dark side des fonds souverains made in Africa

(Africa Diligence) En Afrique, les fonds souverains ont le vent en poupe. Trois pays ont lancé ces deux dernières années un, voire plusieurs fonds souverains. Les objectifs du Ghana, de l’Angola et du Nigeria sont similaires : profiter de la manne de l’exportation des matières premières pour stabiliser l’économie du pays et l’aider dans son développement.

Selon une étude de Thouraya Triki et Issa Faye pour la Banque africaine du développement, il existe désormais 22 fonds souverains en Afrique. Plusieurs pays ont en outre annoncé un projet de lancement comme la Tanzanie, le Zimbabwe et la Mauritanie. Le premier fonds souverain africain a été créé en 1993 à l’initiative du Ghana. Les Etats étant passés à l’acte sont avant tout des pays vivant de la richesse de leurs exportations de matières premières et minérales.

Ils géraient près de 156 milliards de dollars à fin mai 2013, soit un montant très inférieur à leurs cousins du Moyen-Orient, qui totalisent 1.880 milliards de dollars. Le fonds libyen est le plus important, avec 65 milliards de dollars d’actifs. Le détail de leurs investissements est peu transparent mais les chiffres connus suggèrent qu’ils investissent avant tout dans du monétaire et des obligations ainsi qu’en dehors de l’Afrique.

Pour la Banque africaine de développement, ces fonds ont des faiblesses structurelles. Ils souffrent quasiment tous d’un manque de technologie et d’expérience (ne serait-ce que pour la gestion des risques), d’une taille souvent trop petite, d’une trop faible liquidité et d’une fragmentation des marchés. L’étude mentionne aussi des mauvaises notations de dettes souveraines dans lesquelles ils investissent (parfois leur propre pays), ainsi qu’un cadre réglementaire trop léger et un problème de gouvernance.

Des retraits réguliers

«  Certaines informations suggèrent que les fonds souverains africains ont été l’objet de retraits réguliers de la part de leur gouvernement dans le but d’équilibrer leur budget ou de rembourser une dette extérieure », écrivent les auteurs de l’étude. C’est arrivé au Nigeria mais aussi en Algérie ou en Mauritanie. Un comportement qui peut déboucher sur des encours proches de zéro pour ces fonds. «  C’est inquiétant pour les initiatives intergénérationnelles et la stabilité fiscale et économique pour le long terme », estiment les auteurs. Utiliser l’argent des fonds pour équilibrer un budget ou régler une dette n’est pas une mauvaise chose en soi pour les générations futures, mais à condition que ce soit pour le long terme. «  Or, dans l’environnement africain, cela reste à prouver », poursuit l’étude.

Les interrogations au sujet de l’utilité finale des fonds souverains africains sont donc légion. Stabilisation de l’économie et promotion de l’épargne pour les générations présentes et futures, ou bien instruments politiques et financiers laissés aux mains de gouvernements jouant contre l’économie libérale et concurrentielle ? La question reste posée.

(Avec Réjane REIBAUD)