Economie égyptienne: le pronostic vital est engagé

(Africa Diligence) Alors que l’Égypte est rongée par la crise économique, le président Morsi peine à instaurer une stabilité politique et rechigne aux mesures d’austérité nécessaires à l’octroi d’un prêt crucial du Fonds monétaire international crucial pour le pays.

« L’économie est au point mort. Que l’on parle du PNB (produit national brut), de l’inflation, des réserves de devises, qui sont passées en deux ans de 36 à 13,5 milliards de dollars, des comptes courants, de la dette souveraine… Tout est dans le rouge. La situation est très précaire », avertit Mohamed El Baradei, l’un des chefs de file du parti égyptien d’opposition FNS (Front national du salut). « Les Frères Musulmans excluent les autres forces politiques et créent un blocage qui rebute les investisseurs étrangers et fait plonger les réserves de devises du pays. Le succès ou l’échec dépend désormais du consensus politique car s’il n’y a pas de consensus, il n’y a pas de stabilité. Sans stabilité, l’économie ne fonctionne pas. Et si l’économie ne fonctionne pas, cela se termine avec des gens affamés et en colère », poursuit cet ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Dans l’attente d’une aide du FMI

Sans stabilité politique, l’octroi du prêt du FMI de 4,8 milliards de dollars – crucial pour le pays – risque en effet de prendre encore des mois de négociation, puisque c’est là l’une des conditions posées par l’institution monétaire. Autre condition : réduire le déficit budgétaire, passé de 19 milliards de dollars en 2011-2012 à 24 milliards en 2012-2013, et qui devrait dépasser les 29 milliards en 2013-2014. Le FMI demande de ramener la dette actuelle de 11 % du PIB (produit intérieur brut) à 9,6 % alors que certains membres du gouvernement prévoient qu’il pourrait atteindre 15,2 % si les procédures prévues ne sont pas mises en vigueur le mois prochain.

Des mesures d’austérité sur la sellette

Pour réduire la dette abyssale, le gouvernement prévoit une baisse des subventions et une augmentation des recettes fiscales de 13 milliards de dollars. Des mesures très impopulaires qui provoqueraient une nouvelle augmentation des prix et la colère de la rue. « Les Égyptiens vont devoir financer par la hausse des impôts et des taxes la baisse de la facture. Or, le coût de la vie a déjà augmenté de 20 %, le chômage atteint un taux record de 13 %, et les ménages s’endettent. Je ne vois pas comment ils pourraient verser de l’argent qu’ils n’ont pas ! C’est la révolte sociale assurée », redoute Hachim Mourad, rédacteur en chef de Al Ahram. Si Christine Lagarde, présidente du FMI, a promis que l’institution « ne quittera pas la table des négociations », les Frères Musulmans répugnent à engager ces mesures d’austérité et ont demandé de rehausser le prêt à 6,3 milliards de dollars. Un feu vert de l’institution monétaire permettrait de relancer l’économie du pays et de rassurer les investisseurs privés, échaudés par la chute du tourisme et des investissements étrangers. Et de débloquer d’autres aides, comme celles de l’Union européenne, de la Banque africaine de développement ou de la Banque mondiale.

Des amis fidèles

Mais ni le Conseil suprême des forces armées, en charge de la transition, ni le gouvernement ne sont parvenus à satisfaire les conditions posées par le FMI. L’administration du président Morsi, est-elle vraiment encline à mettre en application l’indispensable plan d’austérité imposé par le FMI ? On peut en douter, d’autant que le Qatar, fidèle allié des Frères, va réinjecter trois milliards de dollars sous la forme d’achat d’obligations. Depuis l’élection de Morsi, Doha a déjà aidé l’Égypte à hauteur de cinq milliards de dollars, en lui offrant un crédit sans contrepartie. Et Le Caire vient également de recevoir des nouvelles autorités libyennes un prêt sans intérêt de deux milliards de dollars sur cinq ans.

Pauline GARAUDE