Entreprise en crise ? Une aubaine pour la concurrence

Au sein de la communauté des professionnels de la competitive intelligence, les plus anciens racontent parfois combien il peut être difficile d’exercer ce métier toute sa vie. Car il exige une attention et une tension extrêmes ainsi qu’un excellent quotient de paranoïa. Dans les entreprises  sensibles qui connaissent la crise et surtout les plans sociaux, les professionnels de l’intelligence économique (IE) sont véritablement sur le pied de guerre.

En temps normal, il n’est déjà pas aisé de sensibiliser les titulaires de postes sensibles aux gestes de sécurité (référence aux moyens de communication, aux rencontres fortuites, aux publications dans des revues spécialisées, aux interviews, à la participation aux salons…) A fortiori en temps de crise. Comment convaincre un salarié qui va quitter le navire contre son plein gré qu’il peut être « tamponné » en vue de fragiliser le patrimoine informationnel de sa future ex-entreprise ? Cela appelle des compétences spécifiques.

La crise, le chômage partiel, les plans sociaux ou les fermetures d’usines et les mouvements sociaux qui s’en suivent deviennent dès lors une véritable aubaine pour des concurrents en quête de renseignements industriels ou technologiques. D’autant que lorsqu’un salarié est invité à quitter la compagnie, il se sent généralement « trahi », a parfois envie d’en découdre et/ou de trouver une oreille attentive (cible idéale pour l’élicitation). Or « c’est dans les moments difficiles que l’on reconnaît ses vrais amis »…

Comment détecter une intrusion? Not easy, puisque le profil type est celui d’une personne attentionnée, bienveillante et désireuse de recueillir les confidences, de comprendre et, éventuellement, de proposer son « aide ». Elle se mêlera aux déçus de l’entreprise, soit comme  collègue (taupe?), soit comme « journaliste », soit comme « syndicaliste », soit comme « membre d’une association », soit comme « ami d’un ami » ou voisin de tabouret dans le bistrot qui jouxte l’entreprise…

Il se peut alors que le professionnel du renseignement humain (Humint) en mission chez le concurrent en crise décide de traiter durablement sa cible jusqu’à l’embaucher. Il se peut  aussi a contrario qu’il lui fausse compagnie en lui laissant une carte de visite (ou professionnelle) trafiquée après avoir ponctionné les renseignements visés par son donneur d’ordre. Dans la plupart des cas,  la cible a la vague sensation d’avoir été réconfortée ou vidée par « un type sorti de nulle part… » Un professionnel.

En tout état de cause, la crise reste une formidable opportunité pour les prédateurs d’informations à haute valeur ajoutée et une aubaine pour les acteurs de l’IE, qu’ils soient  employés dans une entreprise en crise, chez le concurrent de cette dernière ou en libéral.

Guy Gweth, Conseil en intelligence économique et stratégique