Faire de l’eau un facteur de développement en Afrique

[Africa Diligence] « L’eau c’est la vie » a-t-on souvent coutume de dire. Cependant, en Afrique, des millions de personnes n’ont pas toujours accès à l’eau potable. Pour cette raison, les experts présents au 8e Forum mondial de l’eau à Brasilia ont appelés à plus d’investissement dans ce secteur.

Assainir l’eau pour en faire un facteur de développement, voilà la prescription donnée par les experts du Conseil mondial de l’eau, réunis à Brasilia pour le 8e Forum mondial de l’eau. Car il y a urgence : aujourd’hui, 2,4 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à une eau saine. Et l’urbanisation à grande échelle, couplée à la multiplication des phénomènes météorologiques dus au changement climatique, pourrait, à l’avenir, compliquer encore un peu plus la tâche. Pour pallier cette situation, une solution : investir dans des technologies dédiées, une démarche peu suivie par « les gouvernements du monde entier », déplorent par ailleurs les auteurs du rapport publié cette semaine à Brasilia. « L’assainissement urbain est coûteux, il nécessite des financements conséquents, reconnaît Benedito Braga, président du Conseil mondial de l’eau. C’est pourquoi il est souvent négligé en faveur d’autres priorités. »

L’assainissement, un levier de développement

Et pourtant, de réels investissements en la matière feraient de l’accès à l’eau potable un véritable levier de développement pour les pays concernés. « Aujourd’hui, on ne parle plus de développement sans évoquer l’assainissement, affirme Guy Fradin, porte-parole du Conseil mondial de l’eau. La problématique de l’accès à l’eau, bien qu’encore d’actualité dans certains pays, est aujourd’hui moins discutée. La collecte et le traitement des eaux usées sont, elles, devenues une priorité depuis une dizaine d’années », explique-t-il. C’est aussi la thèse de Jon Lane, un des auteurs du rapport, pour qui « l’assainissement [de l’eau] améliore la santé des populations, leur productivité, protège l’environnement et assainit les villes ». Autant de facteurs qui généreront alors « plus de tourisme » et, par ricochet, « plus de développement économique ». Des financements dédiés à l’assainissement de l’eau permettraient également d’atteindre l’objectif 6 de développement durable (ODD) planifié par l’ONU, qui prévoit « l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement » et « une gestion durable des ressources ».

Une start-up kenyane a créé son prototype

Si les gouvernements délaissent un peu la question au profit d’autres priorités, la société civile, elle, s’en inquiète. Une start-up kenyane, fondée par Beth Koigi, Clare Sewell et Anastasia Kaschenko (23, 21 et 26 ans), s’est approprié la question pour créer son nouveau prototype, Majik Water. « 319 millions de personnes n’ont pas accès à une eau propre en Afrique subsaharienne, avait affirmé Beth Koigi à la réception du premier prix de l’EDF Pulse Africa, un programme qui récompense les start-up innovantes du continent, en décembre dernier. Au Kenya, ils sont 12 millions à ne pas y avoir accès. »

Un constat moteur de leur projet, qui permet ainsi de récolter de l’eau saine dans des milieux où les populations y ont difficilement accès grâce à un ingénieux système. L’appareil utilise en effet des matériaux spongieux, dont la propriété est d’attirer les molécules présentes dans l’humidité. Lorsque celles-ci sont chauffées, elles libèrent de la vapeur d’eau, qui est ensuite condensée. Un système qui permet d’obtenir de l’eau même dans les zones à faible humidité et dans les zones arides, caractéristiques de certaines régions du Kenya. Le système fonctionnant à l’énergie solaire, les Kenyans vivant dans des régions non alimentées par un réseau électrique peuvent tout de même l’utiliser.

Plus que jamais, la nécessité d’une coopération transfrontalière

Une autre initiative, à plus grande échelle et émanant cette fois des États, est préconisée par les experts du Conseil de l’eau : la coopération transfrontalière. Autrement dit, prendre des mesures qui inciteraient les différents gouvernements à dialoguer sur la problématique de l’eau et à trouver des solutions ensemble. « L’Office de mise en valeur du fleuve Sénégal en est un bel exemple, souligne Guy Fradin. Le développement de ce genre de structures, qui, il est vrai, est conditionné par des enjeux politiques, sera défendu par le Conseil de l’eau », affirme-t-il. Un dialogue et des concrétisations de projets transfrontaliers qui permettent d’ailleurs le maintien de l’eau au profit du milieu rural, parfois menacé par l’urbanisation.

La Rédaction (avec Marlène Panara)