France | Les atteintes à la sûreté de l’État ont explosé en 2008

De la violation du secret défense au pillage économique, la police du renseignement relève de plus en plus d’atteintes aux « intérêts fondamentaux de la nation » française.

Qui en veut à l’État et à ses secrets ? À en croire le dernier bilan du ministère de l’Intérieur, les «atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation» ont augmenté de plus de 40 % l’an dernier, passant de 461 cas signalés en 2007 à 654 affaires transmises à la justice. Ici, c’est un petit génie de l’informatique qui tente d’infiltrer le réseau crypté d’une société nationale ; là, un internaute qui fait l’apologie de l’attentat suicide contre les personnels d’ambassade français au Maghreb ; ailleurs, un universitaire qui dévoile en ligne toutes les ficelles d’une technologie de pointe que les autorités voulaient protéger. Les affaires les plus délicates relèvent de la compétence de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) issue de la fusion des RG et de la DST.

«Complot», «trahison», «compromission du secret Défense», «intelligence économique » ou «avec une puissance étrangère» : les principales infractions concernées touchent à la sûreté de l’État. «Il peut s’agir d’un document classifié retrouvé au hasard d’une perquisition chez une personne non habilité à en connaître le contenu, d’une tentative de corruption d’un cadre d’une entreprise d’armement pour lui soutirer des informations techniques sur un système d’arme», explique un commissaire de police. «Nous constatons aussi beaucoup de disparitions d’ordinateurs contenant des fichiers sensibles», déplore un agent de renseignement de haut rang. «Il suffit qu’un fonctionnaire habilité se fasse voler son PC portable ou même son téléphone mobile contenant les numéros du service auquel il est rattaché pour que les faits soient aussitôt qualifiés d’atteinte au secret», nuance toutefois un magistrat spécialisé.

Toutes les procédures engagées par la police et la gendarmerie l’an dernier n’ont pas donné lieu à des poursuites judiciaires. Mais elles ont justifié plus de 70 gardes à vue. Quatre personnes ont aussi été incarcérées.Les dossiers ouverts visaient 661 Français pour seulement 17 étrangers. Parmi les personnes mises en cause, on comptait 19 femmes pour 659 hommes. Et 10 mineurs.

Les contre-espions ne sont guère diserts sur le profil des 7 garçons et 3 filles de moins de dix-huit ans mêlés en 2008 à une affaire d’État. Un juge assure que «dans ce type de situation, le jeune se retrouve souvent impliqué pour avoir bravé l’interdit, par exemple, en cassant par jeu le code sécurisé d’une institution publique depuis son ordinateur ou pour avoir proféré sur un site des propos inconséquents malgré tout constitutifs d’une infraction».

Les affaires les plus importantes sont traitées à Paris par le pôle antiterroriste, au sein d’une section des atteintes au secret de la Défense nationale. Chaque juge antiterroriste traite 5 à 10 dossiers, essentiellement des affaires de compromission du secret défense liées à des contrats d’armement ou des notes des services de renseignement imprudemment divulguées. L’un d’eux concerne l’exploitation par le journaliste Guillaume Dasquié de rapports de la DGSE sur les menaces pesant sur les États-Unis avant le 11 septembre 2001. «Parfois, ce sont des noms de fonctionnaires agissant sous couverture qui sont livrés», regrette un magistrat parisien.

Pour le préfet Bernard Squarcini, patron de la DCRI, l’inflation statistique des «atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation» reflète avant tout la répression accrue engagée par ses services depuis leur récente restructuration. Il faut y voir aussi, selon lui, l’un des effets de la politique de sensibilisation au risque d’espionnage économique conduite par les préfets auprès des PME et des PMI en région.

Sources: Le Figaro