Guy Gweth décrypte les accords ACP-UE sur Africa 24

[Africa Diligence] A l’occasion du 7ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Groupe Afrique Caraibes pacifique (ACP) qui se tient en Guinée équatoriale les 12 et 13/12/2012, Guy Gweth a été invité à déchiffrer les vrais enjeux de ce dossier sur Africa 24. Pendant 3h, en direct de Paris, le fondateur de Knowdys a disséqué les questions de stratégie et d’influence, ainsi que les pièges commerciaux qui sous-tendent les accords de Cotonou.

Ce 7ème sommet organisé sur le thème « L’avenir du Groupe ACP dans un monde en mutation : enjeux et opportunités » représente une étape importante pour les 79 pays-membres du Groupe ACP. Il rassemble les principaux organismes internationaux, à l’instar de la Commission Européenne, l’Union Africaine et différentes agences de l’ONU, ainsi que des gouvernements partenaires. Première chaine mondiale d’informations sur l’Afrique, Africa 24 a fait appel à une demi-douzaine d’experts africains dont Guy Gweth, consultant en intelligence économique et fondateur du cabinet Knowdys, pour décrypter, en direct de Paris, les enjeux stratégiques des accords de Cotonou.

Pour faire comprendre les vrais enjeux du débat, Guy Gweth a tenu à rappeler l’historique des accords ACP-UE de Yaoundé à Cotonou en passant par Lomé, soit un total de plus 40 ans de coopération qui n’ont pu permettre à l’Afrique de décoller comme prévu au départ. Le responsable de la conférence Doing Business in Africa à l’Ecole Centrale de Paris a ensuite fait remarquer : « Il y a quelque chose qu’on n’enseigne pas suffisamment dans les instituts de relations internationales africains : c’est que la scène internationale est fondamentalement violente […] L’aide de l’Union européenne aux ACP doit aussi être regardée comme la continuation de la stratégie de puissance des nations européennes par d’autres moyens […] Il est temps, a-t-il poursuivi, que les dirigeants africains se demandent ce qui se passe ans la tête de ceux qui aident. […] Heureusement que des pays tels que le Ghana ou le Sénégal commencent à se tourner vers les marchés des capitaux. Ils ont compris que l’aide internationale est rarement dénuée d’arrière-pensées stratégiques.»

L’une des faces cachées des accords commerciaux ACP-UE réside dans la fabrication des normes par Bruxelles. Pour Guy Gweth, ces instruments juridiques sont de véritables barrières aux frontières de l’Union européenne. Non seulement les produits agricoles ont besoin de « visa » pour entrer en Europe, mais grâce à l’étiquetage en cours au sein des 27, le consommateur européen est dissuadé de consommer ces produits venus de loin au motif qu’ils ont une empreinte environnementale forte.

Sur la nécessité d’une industrialisation rapide de l’Afrique, le fondateur de Knowdys estime que le continent pourrait surfer sur la nouvelle dynamique économique inaugurée lors le 18ème congrès du parti communiste chinois qui s’est tenu du 8 au 14 novembre 2012 et qui a débouché sur l’entrée en lice du Président Xi Jinping: « lors de son discours de 90 minutes à l’ouverture des travaux du congrès du PCC, l’ex-président Hu Jintao a appelé à mettre en œuvre un modèle de croissance moins tourné vers les exportations. L’une des conséquences est que la Chine va progressivement cesser d’être l’usine du monde au profit de pays moins avancés. Un certain de nombre de pays à l’instar de l’Ethiopie ou de l’Egypte commencent à profiter de la délocalisation des usines chinoises sur le continent. » Mais attention, avertit Gweth : « nous sommes entrés dans l’ère de l’hyper-compétition et seuls les pays véritablement attractifs pourront attirer et retenir les investisseurs internationaux. »

« L’Europe a un genou à terre. Elle se relèvera, je lui fais confiance. Mais elle ne rattrapera jamais le peloton de tête constitué des grands pays émergents qui tissent des relations privilégiés avec l’Afrique depuis une dizaine d’années » a estimé Guy Gweth qui a axé sa démonstration sur le cycle croissance, apogée, décadence. Il a cependant tenu à préciser que, malgré la redistribution des cartes sur l’échiquier géopolitique et géoéconomique, l’Afrique a encore grand besoin de l’Europe. « Malgré la crise, a-t-il déclaré, l’Europe dans son ensemble, n’a pas renoncé à ses engagements vis-à-vis de l’Afrique, même si certains Etats, pris individuellement, sont de moins en moins enclins à donner à un continent dont la croissance annuelle tourne autour de 5% depuis une décennie.

En rappel, le Groupe Afrique Caraïbes Pacifique a été créé en 1975 à Georgetown sous la forme d’une organisation intergouvernementale. Les pays membres partagent une relation privilégiée avec l’Union européenne au titre de l’Accord de Partenariat ACP-UE qui repose sur le triptyque : dialogue politique, relations commerciales, et coopération au développement inclusif et durable.

Awa DIALLO