Sécuriser l’entreprise africaine grâce à l’IE – Par Serge TCHAHA

Quand j’ai lu l’éditorial – Leçon de géostratégie africaine 48 – du  professeur en géostratégie Jean-Paul Pougala portant sur les services secrets, me rappelant les nombreuses publications de Guy Gweth – ancien de l’École de Guerre Économique – sur l’intelligence économique (IE), j’ai voulu proposer une réflexion sur l’importance des renseignements, de l’intelligence économique dans le monde des affaires. Comment sécuriser l’entreprise africaine?

Le monde des services secrets m’a toujours fasciné : agents secrets, vie double, argent, adrénaline, formation militaire, etc. Cela a été amplifié avec l’agent secret, sans doute le plus connu au monde, le missi domicini de Sa Majesté, 007, qui est à la fois un monstre d’intelligence, un surhumain quant à ses qualités physiques, un exceptionnel conducteur de bolides légendaires et un bienfaiteur – dans tous les sens du termes – pour la bond girl. Je demeure toujours troublé par leur capacité hors-pair à douter, à remettre en question, à se méfier et à espionner les gens qui leur font confiance. Leur esprit ne doit pas être commun.

Quand j’ai lu le dernier éditorial – leçon de géostrategie africaine 48 – du  professeur en géostratégie Jean-Paul Pougala qui portait sur les services secrets, qu’il a publié cette semaine, me rappelant les nombreuses publications de Guy Gweth – ancien de l’École de Guerre Économique – relatives à l’intelligence économique, j’ai voulu proposer une réflexion sur l’importance des renseignements, de l’intelligence économique dans le monde des affaires.

En fait, la guerre, la recherche de puissance, la volonté de maintenir son rang, n’a pas pour seul théâtre d’opérations, les territoires physiques. Et il serait naïf de penser que les services de renseignements ne doivent qu’être au service du militaire et du politique.

Exemple

Avant de revenir sur les entreprises, j’aimerais de manière concrète discuter de l’importance de traquer ses ennemis et du rôle des services de renseignements pour la préservation de l’économie.

Les exemples pourraient être démultipliés. Je n’en choisirais qu’un pour les besoins de cet exercice. Le 11 septembre 2001, même si d’ailleurs, plusieurs questionnent son authenticité. Je veux simplement dire que l’étendue des impacts sur l’industrie du tourisme, sur la réputation de New York, des États-Unis,… montrent combien il est essentiel pour un pays d’avoir un service de renseignement efficace pour la préservation des intérêts économique.

Violence du monde

Christian Harbulot, directeur de l’école de guerre économique en France nous dit : « […] En apparence, le renseignement étatique semble marginalisé par l’autonomie prise par les grandes entreprises dans le domaine économique et c’est une réalité, une confrontation concurrentielle. Si la privatisation des activités de renseignement est une réalité amorcée au lendemain de la guerre froide, elle ne gomme pas pour autant le rôle des États dans leur recherche de puissance. C’est justement sur ce rôle précis que porte le débat sur la nécessité de comprendre l’évolution du rôle du renseignement dans cette guerre économique du temps de paix menée par les pays qui cherchent à imposer leur suprématie dans les enjeux géoéconomiques aux dépens des intérêts d’autres nations. »

Intervenant dernièrement sur la chaîne d’information continue, Africa 24, Guy Gweth, affirmait « la scène internationale est fondamentalement violente ». Il ne faut pas s’y tromper.

Nous sommes dans un monde d’hypercompétition engendrée par la montée en puissance des grands émergents, l’arrivée prévue d’autres acteurs y compris des Africains; les Occidentaux ne sont plus les seuls à prétendre au directoire mondial de la planète. Les uns et les autres affûtent leurs armes, tentent d’évoluer le plus haut dans tous les domaines conférant autorité et prestige et dans cette course, beaucoup – pour ne pas dire tous – de coups sont permis. Aziz Fall, politologue internationaliste, professeur à l’Université du Québec à Montréal nous a prévenus : « Ils veulent une Afrique sans les Africains ».

Cette hypercompétition entraîne une hyperviolence. Les uns et les autres usent de stratagèmes, recourent au softpower pour gagner la bataille. L’Afrique, qui possède une quantité exceptionnellement importante de matières premières tant minérales ou agricoles et donc qui a vocation à en tirer profit, serait très mal placée si elle ne mettait pas en place des dispositifs et mécanismes pour veiller, surveiller et protéger ses intérêts en investissant tous les champs d’opération où a lieu cette guerre qui se déroule pourtant en temps de paix.

Entreprises à protéger

Alors qu’elle aura le plus grand marché du monde, la plus grande force de travail, alors que les matières premières seront de plus en plus demandées, je suis de ceux qui pensent que l’Afrique devra avoir un nombre important d’entreprises de taille mondiale, si elle veut participer avec substance à la gestion des affaires mondiales. À côté de ces entreprises, si nos États sont stratèges, tant dans le public que dans le privé, des mastodontes dans des domaines stratégiques où nous avons des ressources naturelles, émergeront.

Il va de soi qu’en raison de leur importance, elles seront des cibles. Il ne sera pas de l’intérêt à la fois de leurs concurrents et des États les abritant qu’elles progressent et qu’elles deviennent leaders.

Dans une note préparée et publiée en 2010, Fabienne Clérot, chercheur associé à l’IRIS, avançait : « L’affaire Google aura mis en évidence la compétition que se livrent les États-Unis et la Chine sur tous les terrains. Depuis quelques mois, l’administration Obama semble avoir changé de stratégie à l’égard de Pékin en optant pour un discours de fermeté. Dans son discours du 21 janvier, la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a plaidé pour un internet sans frontières, a appelé les entreprises américaines à refuser la censure et n’a pas hésité à utiliser une terminologie digne de la guerre froide. »

Lors d’un rappel massif de voitures TOYOTA, en 2010, l’administration OBAMA avait tenu un discours particulièrement musclé à l’encontre de cette entreprise japonaise. Certains y ont vu une manœuvre pour discréditer l’automobiliste japonais alors qu’à ce moment-là, l’industrie automobile américaine connaissait une de ses pires périodes.

Guy Gweth de son côté a dans plusieurs tribunes appelé à savoir lire comme il faut l’action des ONG internationales qui bien souvent sont financées par des entreprises privées.

Le monde dans lequel nous vivons est instable, violent et dangereux. Les naïfs n’auront que leurs yeux pour pleurer. États et entreprises africaines doivent donc de plus en plus faire appel à ces techniques de surveillance et de décryptage car à travers une cyberattaque, on peut affecter, paralyser, voler les données d’une entreprise stratégique.

Mais ce n’est pas gagné d’avance car je ne suis pas convaincu qu’elles sont nombreuses les entreprises africaines qui daigneront, sans traîner les pieds, payer pour des services d’intelligence économique. Que dire des hauts fonctionnaires et membre de gouvernements qui utilisent les adresses yahoo.fr et hotmail.com pour des échanges officiels ? J’imagine qu’il y a d’autres moyens d’échanger de l’information de manière plus sécurisée…

Ce sera long mais qu’ils agissent car c’est absolument URGENT et NÉCESSAIRE.

 

Serge TCHAHA