Paris a-t-il un intérêt économique à intervenir au Mali?

[Africa Diligence] Si la France n’a pas de réels intérêts économiques au Mali, les pays frontaliers, comme le Niger et son uranium exploité par Areva, sont stratégiques. Une déstabilisation du Mali impacterait donc toute la région.

« La France, elle n’a aucun intérêt au Mali, elle ne défend aucun intérêt économique au Mali, elle est au service de la paix », a martelé mercredi François Hollande lors de ses vœux à la presse. Mais au-delà des justifications humanitaires et sécuritaires, se pose la question des intérêts économiques de la France dans cette intervention.

Le Mali n’est pas un partenaire économique de grande importance pour la France. Selon les dernières données du ministère des Affaires étrangères de 2010, le pays est le 87e client de la France, et ne figure qu’au 165e rang comme fournisseurs. Les exportations du Mali vers la France sont concentrées sur l’or, le coton et le cheptel bovin. Elles ne dépassent pas les 10 millions d’euros par an, soit à peine 0,002% du total des importations tricolores. A l’inverse, la France était en 2010 le quatrième fournisseur du Mali avec un montant de 280 millions d’euros, 0,065% du total des exportations françaises, derrière le Sénégal, la Côte d’ivoire et la Chine.

La France, 111e investisseur du Mali

De la même manière, la France n’est pas très implantée dans le pays. On compte près de 50 filiales et sociétés à capitaux français, majoritairement basées à Bamako, qui emploient environ 2000 salariés. Ces entreprises opèrent à 65% dans les services, 15% dans l’industrie et 20% dans le commerce. Mais la France n’est que le 111e investisseur direct du Mali. Au total, le nombre de ressortissants français au Mali s’élève à un peu moins de 5.000, contre 80.000 Maliens installés en France.

Or, pétrole, gaz, uranium. Si les ressources du sous-sol malien sont riches, elles ne sont pas nombreuses. Seul l’or représente 15 % du PIB du pays. Les entreprises françaises investissent-elles dans ces ressources ? « Les intérêts économiques de la France ne se trouvent pas au Mali, nous explique Antonin Tisseron, chercheur à l’institut Thomas More. Dans la région, ses ressources stratégiques se trouvent plutôt au nord-Niger ».

L’uranium stratégique du Niger

Le Niger est en effet un pays éminemment important pour le numéro un mondial du nucléaire, Areva. L’entreprise française tire plus du tier de sa production mondiale d’uranium dans le pays, ce qui lui permet d’alimenter plus du tiers des centrales nucléaires d’EDF. « Une déstabilisation du Mali, et du nord-Mali, impacte ou peut donc impacter les sources en approvisionnement en uranium de la France dans la région », précise-t-il.

Malgré les risques de prises d’otages – quatre des cinq français salariés des groupes Areva et Vinci enlevés le 16 septembre 2010 à Arlit, sont toujours retenus au Sahel par Aqmi – l’entreprise compte donc bien rester dans la région. En juin dernier, François Hollande avait indiqué vouloir accélérer l’exploitation de la mine géante d’Imouraren, au Niger, prévue en 2014. Cette exploitation devrait produire 5.000 tonnes d’uranium par an.

Mais pour Antonin Tisseron, l’enjeu stratégique que constitue le Niger, n’est pas la seule raison de l’engagement français : « La toile de fond, c’est le poids des liens historiques qui lient la France et ses anciennes colonies Sahéliennes. De plus, la crainte que l’ensemble du Mali s’effondre et rendent encore plus difficile toute intervention a accéléré l’intervention française. Enfin, le fait que des djihadistes aient affirmé à plusieurs reprises que la France était l’ennemi faisait peser un risque sur la sécurité de la France. »

Annah BENJAMIN