Opportunités et stratégies d’investissements en Afrique

(Africa Diligence) Après Paris, Rome, Berlin et Luxembourg, c’est Rabat qui a été choisi  par les 17 membres fondateurs du Club des investisseurs de long terme (LTIC) pour la tenue de la 5e Conférence internationale. Au menu : Stratégies d’investissement et opportunités en Afrique.

Depuis sa création à Parois en 2009, le LTIC s’est agrandi et compte désormais 17 membres issus de différents pays dont la France, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne la Chine, la Russie, le Canada, Abu Dhabi, le Maroc, la Pologne, la Turquie, l’Inde, les Pays-Bas, le Japon… qui, ensemble, représentent un total de bilan de 4 600 milliards d’euros, ce qui en fait l’une des premières plateformes mondiales d’investisseurs.

Sa vocation est de rassembler les grandes institutions mondiales, y compris des fonds d’investissement souverains, des caisses de retraite publiques, des fonds de pension du secteur privé, des banques de développement, des économistes, des décideurs politiques financiers et des régulateurs. À Rabat, «les stratégies d’investissement et les opportunités en Afrique» seront au cœur des interventions des invités de renom présents à cette rencontre et parmi lesquels Werner Hoyer, président de la BEI, Ulrich Shroder, président de la KFW, Jean-Pierre Jouyet, DG de la CDC, Roman Escolano, président de l’ICO d’Espagne, Samuel Sejaaka, président de la Banque d’Ouganda, Rajiv Lall, président de l’IDFC d’Inde, Hiroshi Watanabe, de Bank of Japan, Robert Tessier, président de la Caisse de Dépôt du Québec, Alain Diton Moussavou, DG de la CDC du Gabon… Quatre tables rondes vont ponctuer cette journée : les nouveaux acteurs et instruments de financement de long terme ; les défis de l’infrastructure en Afrique ; l’aide aux pays africains pour le développement des énergies renouvelables ; et la promotion des PME africaines et leurs défis de financement.

Le Maroc fête à sa manière le cinquantenaire de l’Afrique en organisant cette semaine deux grands rendez-vous internationaux : celui du Club des investisseurs de long terme qui se réunissent à Rabat, ce 24 mai, pour plancher sur le thème «Stratégies d’investissement et opportunités en Afrique» et quelques jours plus tard à Marrakech la tenue de l’assemblée générale de la BAD réunissant les gouverneurs représentants des 53 pays régionaux et des 24 pays membres non régionaux qui se tiendra à Marrakech du 30 au 31 mai. C’est le conseiller du Souverain Omar Kabbaj, qui durant une décennie de 1995 à 2005 assuma la présidence durant deux mandats du groupe de la Banque africaine de développement (BAD), qu’il a remise sur pied et réformée en profondeur, qui ouvrira les travaux de la 5e Conférence internationale du Club des investisseurs de long terme de Rabat organisée par la Caisse de Dépôt et de gestion du Maroc. Après avoir participé comme membre fondateur de l’OUA aux luttes pour l’indépendance politique en Afrique, le Maroc a choisi de mobiliser son énergie, son capital et son soft power au seul combat qui vaille la peine : celui du développement économique de l’Afrique qui passe par l’investissement qui participe à l’industrialisation, à la modernisation, au développement par les infrastructures, l’éducation et la formation. Le trait d’union entre ces deux grands rendez-vous, c’est précisément la lutte contre le seul ennemi qu’il faut combattre pour améliorer la stabilité, à savoir, «la pauvreté, la précarité et la misère» d’une partie de la population qui a besoin d’infrastructures de grande ampleur. Un besoin également ressenti par une autre partie de la population, celle de la classe moyenne qui a récemment émergé. L’arrivée de millions de femmes et d’hommes qui accéderont au statut de consommateur nécessitera également la construction d’infrastructures publiques et privées de grande ampleur. L’Afrique réémerge avec une mortalité infantile qui chute, une espérance de vie plus longue et une accélération de l’urbanisation qui entraine de nouveaux modes de vie plus axés sur la consommation comme en témoigne l’augmentation des biens d’équipement, de la téléphonie mobile (quelque 510 millions de portables) qui fait de l’Afrique le deuxième marché mondial après l’Asie.

«L’Afrique, un continent qui réémerge»

Aujourd’hui, en Afrique, ce sont les infrastructures qui se situent tout en haut de la hiérarchie des priorités : transport, électricité, télécommunications qui, si elles s’améliorent, contribueront à la circulation des hommes, des biens, des marchandises, des capitaux et par là même, amélioreront le bien-être des populations. Ces projets qui participent à la transformation des sociétés nécessitent des investissements capables de financer sur un horizon long, non sans risques. Pour ce continent en pré-émergence comme le déclarait l’ex-président de l’OMC, Pascal Lamy, les défis restent nombreux : «Le premier est la fragmentation, le deuxième c’est les infrastructures, l’énergie, les transports, les systèmes financiers. Le troisième est d’arriver à une forme de croissance qui soit mieux distribuée, car la véritable question est la transformation de cette croissance économique en bien-être social qui appelle à la gouvernance». C’est le même constat fait par le cabinet McKinsey qui a interrogé plus de 1 300 dirigeants d’entreprise dans cinq pays (Égypte, Kenya, Nigeria, Sénégal et Afrique du Sud) pour définir les obstacles au développement. Parmi ces derniers, l’incertitude macro-économique, l’instabilité politique, mais l’obstacle le plus cité c’est l’accès au financement, suivi par les carences des infrastructures, notamment l’électricité et le transport. C’est dire l’intérêt qui sera porté à cette rencontre internationale dédiée aux «Stratégies d’investissement et opportunités en Afrique», organisé par le Club des investisseurs de long terme qui met aujourd’hui le curseur sur la vraie problématique de l’Afrique, celle du développement, de la croissance inclusive, de la création d’emplois et de richesse autant d’éléments déterminants pour la stabilité politique du continent.. Si l’Afrique, cette nouvelle frontière, est devenue attrayante, si elle est courtisée par des puissances comme la Chine, l’Inde, les États-Unis, la France, pour ses matières premières, son taux de croissance, ses potentialités, il n’en reste pas moins qu’il ne faut pas sous-estimer les contraintes et les obstacles. Ces derniers sont nombreux et nécessitent le partage des expertises et savoir-faire pour encourager les Africains à compter d’abord sur eux-mêmes et de nouvelles approches et méthodes innovantes notamment en matière de financement des investissements. La compétition pour capter l’épargne et l’investissement est tout aussi difficile que celle pour capter les ressources naturelles et les matières premières, nous déclare Anass Alami qui, à son arrivée à la direction de la CDG, avait lancé une réflexion stratégique sur le développement des investissements à long terme. La conférence internationale devrait justement passer en revue les différentes formes d’investissement à long terme. En premier lieu, les capitaux dits «patients» où les investissements sont détenus sur de longues périodes avec une rotation du portefeuille faible, les capitaux «engagés» qui interpellent la gouvernance et la gestion des entreprises et les capitaux «productifs» qui soutiennent le développement des infrastructures, les initiatives de croissance verte, le financement des PME… favorisant ainsi une croissance durable.

Le LTIC : un rôle de stabilisateur des marchés

Les investisseurs de long terme peuvent aussi comme le constate Laurent Vigier, directeur des relations internationales de la Caisse des Dépôts et Consignations française «jouent un rôle stabilisateur sur les marchés en contrebalançant les effets des actions court-termistes. Compte tenu de la structure de leur bilan, ils ont la capacité de lisser leurs ressources à moyen et long terme. Ils peuvent conserver en portefeuille leurs actifs en période de crise et jouer ainsi un rôle contra-cyclique sur les marchés financiers. Ils ont, à ce titre, la capacité de mutualiser les risques entre générations : sans investisseurs de long terme, chaque classe d’âge supporterait le risque des marchés durant sa propre existence. Cette capacité, dit-il, à se projeter dans la durée permet également à ces acteurs d’agir sur les déterminants de la croissance potentielle, notamment par le financement de l’innovation, de la recherche et des grands projets, essentiels à la création de nouveaux emplois». Le hasard fait bien les choses, la 5e Conférence internationale des LTIC se tient ce 24 mai à l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques qui vient de fêter le 7e anniversaire de sa création en présentant son rapport très attendu sur le titre «Développer la recherche scientifique et l’innovation pour gagner la bataille de la compétitivité, un état des lieux et des recommandations clés».

Le club des investisseurs de long terme : des investisseurs du futur

Ce Club qui réunit 18 des institutions financières d’Europe, d’Asie, du Golfe et d’Amérique, représentant un total bilan de 4 500 milliards de dollars pour favoriser des projets du futur en matière d’énergie, de transport, de télécommunication qui en général ne sont rentables que sur le long terme alors que les investisseurs ne pensent que rentabilité et profits à court terme. Le dilemme est là, notait l’un des fondateurs et ex-président du Club des investissements de long terme qui soulignait que «la vocation du Club, c’est de jeter un pont entre les impératifs du court terme et le traitement des enjeux de long terme. Il n’y a évidemment pas de solution miracle, mais le recours à une nouvelle ingénierie financière associant partenaires publics et privés peut se révéler fructueux. De ce point de vue, les investisseurs de long terme − c’est-à-dire les institutions financières ayant des engagements de passif peu ou pas exigibles à court et moyen terme − ont un rôle essentiel à jouer, qu’il s’agisse des institutions financières à mandat public, des fonds souverains et de certains fonds de pension ou assurances. Leur capacité à se projeter sur le long terme leur permet de financer des projets dont les revenus sont différés dans le temps, et donc d’agir sur les déterminants de la croissance potentielle, notamment par le financement de l’innovation, de la recherche et des grands projets essentiels à la création de nouveaux emplois. La contribution des investisseurs de long terme au financement de ces besoins sera d’autant plus efficace qu’elle pourra s’appuyer sur un cadre réglementaire financier mondial qui incite au long terme, et non plus axé sur une valorisation à court terme, qui importe la volatilité des marchés dans le bilan des entreprises. Elle doit aussi pouvoir s’appuyer sur une coopération renforcée entre investisseurs de long terme».

(Avec Le Matin)