La bataille du mobile en République démocratique du Congo

[Africa Diligence] Airtel et Tigo s’apprêtent à lancer la 3G en République démocratique du Congo (RDC), une technologie déjà proposée par Orange et Vodacom Congo. L’occasion de décrypter les stratégies souvent agressives des opérateurs dans le déploiement de cette nouvelle génération de réseau mobile en Afrique. Bataille du mobile en RDC: les clés pour comprendre.

Aux origines de la téléphonie mobile en RDC

La première génération de téléphonie mobile était analogique. La seconde était numérique. Pour le cellulaire analogique le signal de la parole était transmis sur la voie radio par une modulation analogique de fréquence ou de phase tout à fait classique. Il y avait le système AMPS (Advanced Module Phone System) qui a dominé l’Afrique, et le NMT (Nordic Module Téléphone) en Europe.

Au Congo, c’est TELECEL, en fin 1986, qui introduit le système AMPS, dont la couverture était limitée à la capitale Kinshasa pendant 4 ans. Vers 1991 la couverture s’étend sur Lubumbashi et 1994, Mbuji Mayi, grâce à des stations terriennes VAST (Very Apature Terminal).

En 1993, TELECEL en composition avec CONCELL se déploie dans Kinshasa, Lubumbashi, Mbuji Mayi, Bukavu, Goma, Kisangani, Gbadolité, Tshikapa et Matadi.

L’introduction du système GSM (Global System Mobile) en janvier 1999 avec les cartes prépayées a créé une véritable révolution du secteur pour voir supplantés les opérateurs de cellulaire analogique, avec des nouveaux tels que: CWN, SAIT, CELTEL, VODACOM, TIGO (OASIS), CCT.

Bien qu’en pleine expansion, le marché de la téléphonie mobile est encore limité en RD Congo, avec 10,8 millions d’abonnés en 2010, soit un taux de pénétration d’environ 17 %. Deux opérateurs, l’indien Airtel (ex-Zain) et le sud-africain Vodacom, dominent le marché, suivis de Tigo (Millicom) et de l’ex-Congo Chine Telecom, racheté par groupe France Télécom Orange en octobre 2011.  La filiale de MTN Rwanda, Supercell, n’opère pour sa part que dans les Kivu. Déjà très présents dans le tissu économique congolais, où ils occupent des secteurs très diversifiés (exploitation forestière, mines et carrières, construction et gestion immobilière, petite industrie, agro-alimentaire, importations, commerce de gros et de détail, transport, banques, restauration, fourniture d’accès à internet, gardiennage, etc.), les investisseurs libanais font avec Africell RDC leur entrée sur le marché de la téléphonie mobile en RD Congo.

La 3G, c’est quoi?

3G signifie «troisième génération». Ce que vous devez savoir est que cette technologie permet aux données d’être transmis plus rapidement et dans de plus grandes quantités sur les réseaux cellulaires. Maintenant, il devient possible d’utiliser des téléphones pour envoyer et recevoir des données des applications exigeantes, comme les émissions en direct, des clips vidéo, e-mails et ainsi de suite. 3G peut aussi être utilisé pour fournir aux ordinateurs portables et aux assistants numériques personnels (PDA,Blackberry), une mobilité sans fil qui vous permet d’envoyer et recevoir des e-mails et documents où que vous soyez.

Ce que la 3G a à offrir

Plein de choses, est la réponse. Il ne s’agit pas que de la technologie, mais plutôt d’être capable de faire plus et mieux, faire en sorte que votre monde soit totalement connecté. Tout ce que vous faites avec votre téléphone actuel, devient toujours plus rapide et vous pouvez maintenant faire beaucoup de choses dont vous avez rêvé auparavant.

  • Vous pourrez par exemple parler à votre patron en face-à-face de Tabou en lui montrant exactement ce qui s’est mal passé avec la chaîne de production. 3G donnera également votre ordinateur portable une connectivité à haut débit, ce qui rend votre bureau vraiment mobile.
  • Vous serez en mesure d’obtenir de meilleurs jeux, des clips vidéo, la musique et plus encore.
  • Et, bien sûr, des sonneries et fonds d’écran que vous pensiez ne jamais voir. 3G met tout cela à votre portée. D’affaires ou personnel, la connectivité vient d’être mieux et plus vite.
  • 3G est 9 fois plus rapide que le GPRS avec un maximum de téléchargement de 384kbps, en veillant à ce que vous pouvez faire plus avec ton portable que jamais auparavant.
  • 3G maintient votre monde totalement connecté tout le temps avec seamless handover entre la 3G, EDGE et GPRS.

La 3G en RDC

Pour comprendre les enjeux de la téléphonie mobile 3G en République démocratique du Congo, il faudra remonter aux enjeux même de cette technologie à l’échelle Africaine.

Arrivée timidement en Afrique ces dernières années, la téléphonie mobile 3G est bien décidée à profiter du succès des téléphones portables sur le continent pour exploser ce marché. Il semblerait que malgré les réticences de plusieurs experts et industriels qui pensaient que le développement du web mobile en Afrique était inutile, les Africains se sont déjà ouverts à cette nouvelle technologie.

En effet, lors de l’implantation de la téléphonie mobile 3G dans certains pays africains comme l’Afrique du Sud, le Kenya ou encore l’Égypte, certains opérateurs ont fait l’objet de légères critiques de la part d’experts qui doutaient de la nécessité d’un tel service pour un continent qui manquait encore alors de services de base comme l’envoi des messages SMS. Ainsi, pour beaucoup, le choix des entreprises telles que Vodacom et MTN, leaders de télécommunication en Afrique, de lancer cette nouvelle technologie dite de troisième génération, était prématuré car il était inadapté aux besoins des Africains. Mais l’engouement de ces derniers pour les nouvelles technologies de la téléphonie mobile a eu raison de leur réserve.

Un rapport de juillet 2010 d’Opera (créateur de navigateur Internet norvégien) sur les usages d’Internet mobile, obtenus grâce à Opera Mini, son navigateur à destination des appareils mobiles comme les téléphones portables ou les PDA, montre que l’Internet mobile continue de croître à un rythme exponentiel en Afrique. Ainsi, selon cette étude qui s’est particulièrement concentrée sur les douze premiers pays africains de ce classement utilisant Opera Mini, le nombre de pages consultées a augmenté de 182% en 2009 tandis que le nombre de visiteurs uniques a connu une croissance de 124% sur la même période et que la quantité de données transférées a bondi de 160%. Par ailleurs, les premières marches de ce classement sont occupées par le Soudan et le Ghana avec des taux de croissance impressionnants concernant le nombre de pages visionnées (respectivement 4 645% et 916%).

« Le web mobile est essentiel dans une région du monde où le taux de pénétration du téléphone mobile est significativement plus élevé que celui de l’ordinateur personnel. La disponibilité grandissante des téléphones mobiles fait que le web mobile peut atteindre des dizaines de millions de personnes de plus que ne peut le faire l’internet fixe », a ainsi indiqué le co-fondateur d’Opera, Jon Von Tetzchner dans le communiqué accompagnant le rapport.

Sur le continent africain, ce navigateur est principalement installé sur les Nokia, l’une des marques les plus populaires avec Sony Ericson, Samsung et LG.

Cette croissance continue de l’Internet mobile en Afrique, constatée également en République démocratique du Congo, peut s’expliquer par le fait que pour beaucoup d’Africains, le téléphone portable représente leur unique moyen pour avoir accès à une connexion internet, à défaut d’un ordinateur personnel ou d’un cybercafé. C’est pourquoi depuis peu, de nombreux opérateurs en Afrique ont décidé de sauter le pas de la 3G en se ruant sur ce marché juteux, même si les communications classiques et les échanges de messages SMS continuent d’occuper une place importante dans les échanges de données.

Dans cet optique, le gouvernement congolais lancera la vente de ses licences 3G, le 26 juin dernier. Les quatre opérateurs acheteurs sont Airtel, Africell, Oasis et Vodacom Congo. Ces ventes avaient générées près de  60 millions de dollars, soient 15 millions de dollars par unité.

La 3G avec Vodacom

D’origine sud-africaine, Vodacom ouvre ses portes en République démocratique du Congo le 1 octobre 2001, à la suite d’une joint-venture conclut par Congolese Wireless Network (CWN, Sprl) et Vodacom International Holding (Pty).

Le 02 décembre 2001, Vodacom – Congo se constitue sous la forme d’une société privée à responsabilité limitée par les deux sociétés qui y participent au capital (respectivement) de 49%, 51% (respectivement) pour (CWN) et pour Vodacom International Holding.

C’est le 1er Mai 2002 que Vodacom – Congo opère effectivement avec un effectif de 62 personnes à l’inauguration. Le même jour sous la direction d’AHOUNE DIENG, Chief executive Officer et Henry Stéphane, Chief Operation Officer, Vodacom lance son réseau cellulaire simultanément à Kinshasa, Lubumbashi et Mbuji Mayi.

Le 1e Août 2002, Vodacom lance une révolution des tarifs de communication sous la compagne « Très très fort » grâce à laquelle le coût de la minute de communication est passé de 1$ à 0,50$ pour les appels internationaux et de 0,50$ à 0,24$ pour les appels locaux en interconnexion.

Le 1e Juin 2003, Vodacom est l’auteur de la 2e révolution tarifaire, par la compagne « très très somo » qui permettra ainsi la mise en application d’un tarif international subdivisé en trois zones à raison de 0,40$ la minute pour une zone A, 0,28$ pour tous les pays frontaliers et 0,70$ pour le reste du monde.

Depuis, l’opérateur aux couleurs Bleu-Vert a été à l’origine de plusieurs autres innovations entre autres les programmes de Télé Super Star et les Miss Vodacom… pour enfin être le premier à lancer le réseau 3G en RDC.

Le lancement

Tryphon Kin-Kiey Mulumba a pris part, le 24 août, à la cérémonie du lancement de l’internet de troisième génération de la société de téléphonie mobile. Vodacom-Congo a acquis la licence de la troisième génération (3G) dont le coût a été fixé à 15 millions de dollars américains par l’exécutif national.

« Vodacom a fait preuve de promptitude en lançant l’internet 3G. Aucun pays ne peut aujourd’hui se passer de l’internet dans ses efforts pour le développement. Tout le bonheur est pour le gouvernement Matata, organisateur de la mutation de la 2G à la 3G », a déclaré le ministre, dans son mot de circonstance.

Prenant la parole, le directeur général de Vodacom Congo, Godfrey Motsa, a indiqué  que les utilisateurs du réseau téléphonique Vodacom expérimentaient déjà l’internet 3G lancé à Kinshasa et à Lubumbashi. Ce géant des télécoms dans le pays dispose de trente sites à Kinshasa et vingt à Lubumbashi.

 « Notre société est à l’œuvre depuis dix ans. Quand nous sommes venus ici, le pays était en guerre. Par notre détermination, nous comptons actuellement sept millions d’abonnés », affirme-t-il.

«  À l’heure où Vodacom est le premier à lancer le 3G, nous couvrons plus de 1 000 cités et villages, de Boma (Bas-Congo) à Goma (Nord-Kivu) et de Kisangani (Province Orientale) à Kasumbalesa (Katanga). Nous réitérons notre détermination à accompagner la révolution de la modernité », poursuit-il devant la presse assistant à la conférence de lancement.

 « Quand le président de la République prône la Révolution de la modernité, nous y sommes avec 3G », conclut Godfrey Motsa.

Selon le directeur général de Vodacom Congo, plus de 25 millions de dollars vont être investis cette année pour le déploiement du réseau 3G à travers toute la RDC. 350 nouveaux sites 3G seront installés avant fin décembre.

Pour sa première phase de déploiement, la 3G sera opérationnelle dans la ville province de Kinshasa et à Lubumbashi.

Le gouvernement, à travers le ministère des PT-NTIC, a facilité l’obtention de la licence 3G, cédée aux sociétés des télécoms à hauteur de 15 millions de dollars américains.

L’offre

Afin d’attirer rapidement de nouveaux clients et rentabiliser ses investissements (licences et réseau), la communication autour des offres et services 3G proposés par Vodacom Congo est très forte. La « 3G » a une place à part sur le site officiel, elle est distinguée des offres mobiles classiques. Contrairement au continent africain, l’opérateur met en avant la technologie 3G avant les services.

Des opérations promotionnelles avec des bus bleus aux couleurs de l’opérateur circulent dans plusieurs villes afin de promouvoir la 3G. A l’intérieur des bus, les passants peuvent s’essayer aux terminaux 3G et leurs différentes applications : TV mobile, appels vidéo et téléchargement.

La 3G permettra à Vodacom Congo de proposer des services et offres élaborées pour augmenter son ARPU. La population visée par ces offres est aisée. Un des segments à plus haut est celui des « prosumers » (contraction de « professional » et « consumer »). Il s’agit des consommateurs dont le comportement « media » se rapproche de celui d’un professionnel et dont le pouvoir d’achat est élevé. Ce segment est stratégique car il couvre à la fois les actifs et les jeunes, en pleine croissance en République démocratique du Congo.

Les perspectives

Les terminaux et services 3G vont à terme atteindre une pénétration conséquente dans les marchés de la même manière que pour les pays développés.

Les opérateurs ont su définir des stratégies marketing efficaces et proposer des offres adaptées, avec comme axes structurants la carence d’infrastructure fixe et le très faible pouvoir d’achat des populations.

A l’heure actuelle, le retard de développement est visible à différents niveaux, sur l’infrastructure avec un backbone insuffisant impliquant une bande passante très chère mais aussi sur les contenus 3G. Ces derniers souffrent d’un manque de structure et de développeurs locaux.

Cependant une fois un niveau de maturité suffisant atteint, il est fort probable que des services innovants puissent émerger de ces pays comme ce fut le cas pour certains services data : m-money, m-health, etc.

3G, 3G+ ou 3G++, la grande polémique

La guerre des opérateurs télécoms sur la 3G aura bien lieu.  Si Vodacom a été le premier a lancé cette technologie en RDC, Orange qui vient de lancer officiellement ses activités dans le pays et a fait de même. Et selon toute vraisemblance, l’opérateur indien Airtel va aussi faire de même.

Mais, la firme de Barthi Airtel dit lancer : « la 3G+ », ou la « 3,75G », une technologie « supposée » supérieure à la 3G qu’ont lancé les autres opérateurs. Ce qui lui donnerait une longueur d’avance face notamment à Vodacom Congo et Orange Congo qui eux n’auraient lancé « que » la 3G.

Mais non, république Vodacom Congo. Des responsables du service technique de la société ont convié des journalistes le vendredi 14 décembre 2012 autour d’un déjeuner de presse pour éclairer la lanterne de l’opinion sur la technologie 3 G et bien d’autres points importants. C’était à « Voda House » situeé dans la commune de la Gombe, à Kinshasa.

Didier Kabongo, directeur de la division communication, Michel Mubiayi, manager corporate Vodanet, ont tous répondu aux désidératas des journalistes congolais.

Selon les techniciens, Vodacom dispose de 4 stations terriennes, 13 witch, 42 BRC et 94 BTS S’agissant du réseau 3 G les techniciens ont relevé que Vodacom  dispose déjà de la 3 G++ soit 3.75 G, Higt speed donc proche de la 4 G.

« Notre souci est d’apporter  l’internet à la portée de tous, augmenter la performance à un coût réduit et faciliter l’accès aux données à haut début », ont-ils indiqué.

S’agissant des perturbations qui ont été enregistrées, dans la ville de Kinshasa et à Lubumbashi, Michel Mubiayi a été plus explicite.

A l’en croire, la 3 G++ est bel et bien disponible et l’objectif, c’est qu’avant la fin du mois de décembre en cours, tout Kinshasa soit couvert en ce qui concerne la technologie 3 G++.

Cette 3 G++ est également lancée dans les villes de Likasi et Kolwezi dans la province du Katanga et la technique du réseau est en train d’améliorer la qualité  pour que les clients soient bien servis. Les journalistes ont été invités à visiter le Centre de gestion et de supervision du réseau Vodacom, le cœur même de cet opérateur de télécommunication.

Selon les explications, ce  centre a comme fonction principale de gérer toutes les fautes ou pannes, les analyser et apporter les solutions.

Le Switch, le véritable  cerveau a été également visité par les journalistes et sur place, les explications ont été fournies sur le fonctionnement de tous les circuits et même ses nouvelles machines qui sont entrain de remplacer progressivement les vieilles machines par rapport aux exigences de la  nouvelle technologie.

En voilà un qui a toujours une longueur d’avance. Du côté Airtel, le responsable Marketing n’a pas souhaité répondre à notre coup de fil. Tandis que Chez Orange, on affirme également offrir « en réalité », la technologie 3G++. Les opérateurs Tigo et Africell n’ont pas encore procéder au lancement de cette technologie dans leurs réseaux.

La technologie 3G+ voir 3G++ ou encore High speed est donc déjà disponible au Congo, facilitant encore un peu plus l’accès aux technologies de l’information à cette population qui en demandait pas moins.

Le Ministère des Postes, Télécommunications et NTIC qui vient de suspendre l’exclusivité de licences VSAT compte sans doute amplifier une fois de plus cette guerre à la fracture numérique que privées et Etat congolais mènent sans relâche. L’opérateur Vodacom est donc l’un de ceux qui contribuent à cette lutte sans merci, au profit des populations.

(Avec Ali MAMINA, Benjamin LITSANI CHOUKRAN et Filip KABEYA)